73è AG des Nations Unies: « Kabila » n’a pas fait ses adieux…

"Joseph Kabila" à la tribune de l'ONU

Que peut-on retenir du speech prononcé, mardi 25 septembre, par « Joseph Kabila », à la 73ème Assemblée générale des Nations Unies à New York? L’assistance attendait sans doute que l’orateur – dont le dernier mandat a expiré depuis le 19 décembre 2016 – fasse ses adieux. Contre toute attente, l’homme s’est comporté en chef d’Etat de plein exercice. Il a demandé à nouveau le « retrait progressif » des forces onusiennes déployées au Congo-Kinshasa depuis 1999. Décidé à assurer la « victoire » de sa « marionnette » Emmanuel Ramazani Shadary, le « raïs » refuse à la communauté internationale un droit de regard aux consultations politiques prévues le 23 décembre prochain.

Partira? Partira pas? Voilà une question qui n’a pas manqué de tarauder les esprits des observateurs avertis de la politique congolaise après avoir suivi le discours du président hors mandat « Joseph Kabila ». Dans la métropole américaine, celui-ci a parlé de tout sauf de lui. Pas un mot d’adieu.

Mardi 25 septembre, le successeur de Mzee est apparu, comme à son habitude, déconnecté des réalités du pays. Vivant dans une sorte de « citadelle assiégée » entouré de sa fratrie, l’homme ne découvre les préoccupations de ses concitoyens qu’à travers ce que les membres de son entourage veulent bien lui communiquer. Que peut-on retenir de cette allocution?

« Bana Mura », une milice créée et armée par le régime de Joseph Kabila, selon l’ONU

Sur le plan sécuritaire, « Kabila » n’a pas dit la vérité lorsqu’il prétend avoir inversé la « tendance dangereuse » qui prévalait dans le « Grand Kasaï » (centre). D’après lui, la situation sécuritaire dans cette partie du pays a connu une « amélioration significative ». Rien n’est plus faux!

Comment peut-on parler d’embellie sans qu’il y ait eu au préalable un début de justice pour les familles des 5.000 victimes des graves violations des droits humains imputées essentiellement aux forces dites de sécurité, sans omettre, la milice dite « Bana Mura »?

Comment peut-on parler de paix civile au « centre » pendant que les déplacés internes (1,4 million) continuent à errer dans la brousse et que les concitoyens qui avaient trouvé refuge en Angola n’ont pas encore franchi la frontière dans le sens contraire?

« POMPIER-PYROMANE »

Les observateurs attendent toujours d’assister au démarrage d’une enquête indépendante afin de faire toute la lumière sur les 90 fosses communes inventoriées au « centre » par des experts de la Mission onusienne au Congo. Les mêmes observateurs attendent de connaitre la vérité sur l’assassinat en mars 2017 des deux experts onusiens venus investiguer sur les charniers. Pourquoi les autorités congolaises donnent-ils l’impression de faire obstruction à la manifestation de la vérité? Auraient-elles des choses à cacher?

Pour « Kabila », « la paix s’est consolidée » au « Grand Kasaï ». A l’appui de sa thèse, il cite la « réinsertion très avancée » des déplacés internes et des personnes qui avaient trouvé refuge dans certains pays voisins. Des faits qui sont loin d’être certifiés sur le terrain.

Qu’en est-il de la situation au Nord-Est du pays, autrement dit dans le Territoire de Beni au Nord Kivu et en Ituri? Ici aussi, l’orateur n’a pas dit la vérité non plus. Selon lui, à Beni, l’armée aurait consenti des « efforts méritoires » pour « contenir les attaques terroristes ».

On le sait, le gouvernement prétend avoir déployé 16.000 soldats dans le Territoire de Beni. Quid du résultat? Depuis le mois d’octobre 2014 à ce jour, des pseudo-rebelles ougandais des « ADF » (Forces démocratiques alliées) massacrent impunément les habitants de cette contrée. Les autorités civiles et militaires passent leur temps à dénoncer les « terroristes » et à comptabiliser les victimes. Pire, depuis cinq semaines, les habitants de Beni sont attaqués à la fin de chaque semaine.

« Kabila » a appris la dernière attaque survenue le samedi 22 septembre alors qu’il était dans son avion en route pour New York. Bilan: 21 morts. Les scribes du « raïs » ont dû ajouter en catastrophe un paragraphe dans le texte initial. Le rajout met un bémol aux « efforts méritoires » claironnés précédemment. « Kabila » a fini par admettre que le « défi sécuritaire » reste « cependant entier dans la région du Nord-Est ». Le phénomène est attribué aux « activités terroristes ». Les natifs de Beni, eux, suspectent des complicités au sein de l’armée congolaise. En cause, les assaillants portent généralement les tenues identiques à celles des FARDC.

Des analystes n’hésitent plus à pointer un doigt accusateur en direction du « raïs » qui jouerait au « pompier-pyromane ». Ancien rebelle issu de l’AFDL (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre), « Kabila » est suspecté, plus à raison qu’à tort, d’allumer des foyers de tension afin, dit-on, de « compliquer » l’organisation des élections dans certaines parties du pays. Comme pour répondre à ses détracteurs, l’intéressé a assuré que « ces attaques » ne l’empêcheront « pas de poursuivre la sécurisation du processus la sécurisation du processus électoral en cours ».

VOUS AVEZ DIT « CONSENSUS GLOBAL »?

Corneille Nangaa (CENI)

Sur le plan politique, l’orateur a tout simplement travesti la vérité en affirmant qu’il y a un « consensus global sur le processus électoral ». En réalité, il n’y a aucun consensus ni sur la « machine à voter » ni sur le « fichier électoral ». L’opposition et la société civile ont rejeté la  fameuse machine et exigé le nettoyage du fichier électoral afin d’y expurger tous les inscrits démunis d’empreintes digitales. Par ailleurs, la Cour constitutionnelle et la CENI (Commission électorale nationale indépendante) inquiètent. Les deux institutions ne font même plus semblant d’être indépendantes par rapport au « FCC » (Front commun pour le Congo) et son « autorité morale ».

Comment peut-on sérieusement parler de « consensus global » dans un pays où toute manifestation politique des forces de l’opposition est interdite et réprimée à coup de gaz lacrymogène et de balles réelles?

L’assistance clairsemée venue écouter le successeur de Mzee n’a pas manqué de s’esclaffer, mardi, lorsque le locuteur a cru amadouer la communauté internationale en claironnant « le caractère irréversible de la tenue des élections prévues à la fin de cette année ». Des élections irréversibles? Peut-être. Seront-elles libres et transparentes? C’est un secret de Polichinelle de relever que « Kabila » a « verrouillé » le déroulement des élections au profit de son « dauphin » et de son « clan ».

Des sources bien informées assurent que certains candidats à la députation nationale auraient été validés alors qu’ils étaient titulaires d’une nationalité étrangère. D’autres se trouvant dans la même situation auraient invalidés. Les mêmes sources laissent entendre que les opposants dont les candidatures à la présidentielle ont été entérinées sont appelés à servir d’ « alibis ». But: crédibiliser la « victoire » annoncée du « dauphin » Emmanuel Ramazani Shadary.

« Joseph Kabila » veut des élections à « huis clos ». C’est ainsi qu’il a dénoncé et dit s’opposer à « toute ingérence ». Il veut écarter tous les témoins gênants. C’est le cas notamment de la « communauté internationale ». La Mission onusienne au Congo, elle, sert de bouc émissaire à la faillite de l’Etat-AFDL-CPP-PPRD-MP qui a laissé fleurir des bandes armées. La sécurité des personnes et des biens incombe avant tout à l’Etat en tant que pouvoir politique.

COUP D’ÉTAT CONSTITUTIONNEL

Quand « Kabila » fustige « l’ingérence caractérisée de certains gouvernements » dans les affaires intérieures des États, voudrait-il dire qu’un pouvoir politique a le droit d’embastiller ses citoyens ou de leur ôter la vie sans devoir rendre compte? Pour mémoire, 171 personnes ont été abattues lors des manifestations des 19, 20 et 21 janvier 2015. Soixante-deux autres, ont péri sous les balles notamment de la garde prétorienne du « raïs » en décembre 2016. Les Congolais ont encore frais en mémoire les fosses communes de Maluku.

Rossy Mukendi mortellement touché par balle

Au regard de ce tragique tableau, on se demande bien où se trouvent les « progrès réalisés » ayant permis à « Kabila » de percevoir des « signaux économiques, sécuritaires et politiques encourageants »?

Depuis le 19 décembre 2016, « Kabila » ne dispose plus de pouvoirs constitutionnels. Sa situation est assimilable à celle d’un gouvernant démissionnaire dont le rôle se limite à expédier les affaires courantes en attendant . Il n’est plus habilité à prendre des décisions qui engagent l’avenir du pays sans « mandat ». A contrario, on se trouve dans la logique d’un « coup d’Etat constitutionnel ».

En « omettant » de profiter de la tribune privilégiée des Nations Unies pour faire ses adieux, l’homme au look à la Jomo Kenyatta donne raison à ceux qui le suspectent d’avoir annoncé son faux départ pour mieux s’accrocher au fauteuil présidentiel. Il l’a confirmé en termes à peine voilés en clamant sa volonté « de financer l’entièreté » des opérations électorales avant de conclure: « Les défis qui se dressent devant nous ne sont, certes pas, les moindres. Mais ils ne peuvent infléchir ma foi en un avenir radieux pour mon pays ». « Kabila nargue les Congolais. Il refuse de comprendre qu’il est désormais un homme du passé, commente un opposant. Il ne partira que comme il était venu avec l’AFDL, par la force des armes ».

 

Baudouin Amba Wetshi

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