Abbé Faustin Kwakwa: « Dieu ne nous sauvera pas sans nous… »

A l’occasion de la commémoration des Martyrs de l’indépendance (04 janvier 1959), le « Groupe Epiphanie » – une association qui regroupe les prêtres congolais de Belgique et des « amis du Congo » – a organisé, dimanche 7 janvier, une célébration eucharistique à l’église Notre Dame de Lourdes à Jette. Actualité oblige, les organisateurs se sont appesantis sur la « répression barbare » de la marche initiée le 31 décembre 2017 par le « Comité laïc de coordination » (CLC). Le Groupe a, par la bouche de l’abbé Joseph Muaka, confirmé que d’autres initiatives pourront suivre dans les prochains mois. Il a invité les fidèles à se tenir prêt « à répondre à l’appel de la patrie ».

Combien étaient-ils? Sept cent? Mille? Plus? L’église Notre Dame de Lourdes à Jette était noire de monde le dimanche 7 janvier. Bravant le froid hivernal, des Congolais de Bruxelles et ceux d’autres villes de la Belgique sont venus nombreux assister à la messe annuelle organisée par le Groupe Epiphanie.

Notre Dame de Lourdes à Jette noire de monde

La rencontre du 7 janvier 2017 avait une signification particulière. Visages fermés, les fidèles et les prêtres congolais avaient à l’esprit les scènes insoutenables de la répression militaro-policière de la marche organisée le 31 décembre. Une manifestation initiée par des intellectuels catholiques réunis au sein du « Comité laïc de coordination ».

Il importe d’ouvrir la parenthèse ici. Sur les réseaux sociaux, le monde entier a vu des images montrant l’intrusion des « hommes en uniformes » dans l’enceinte de plusieurs chapelles ce dimanche 31 décembre 2017. Le monde entier a vu des gaz lacrymogènes lancés par les sbires de « Joseph Kabila ». Des témoignages concordants font état des « policiers » qui s’exprimaient en anglais. Que dire des tirs à balles réelles pendant que les fidèles étaient en prière? Que dire également des images circulant sur les réseaux sociaux où l’on voit les fameux « GR » récupérer les corps de leurs victimes? « Bilan »: 5 morts et plusieurs blessés. Sans omettre, plus d’une centaine d’arrestations. Une situation qui a mis l’archevêque de Kinshasa hors de lui.

L’opinion tant nationale qu’internationale suit avec intérêt la polémique aux allures d’épreuve de force entre le cardinal Laurent Monsengwo Pasinya et le « clan kabiliste ». Le premier a traité le second de « menteurs » et de « médiocres ». « Des médiocres qui doivent dégager ». Pour les porte-flingues de la mouvance kabiliste, Lambert Mende et André-Alain Atundu en tête, « le Cardinal est descendu dans les caniveaux ». Ambiance! Dimanche 7 janvier, une phrase signée Laurent Monsengwo occupait tous les esprits: « Le moment est venu pour que la vérité l’emporte sur le mensonge systémique et que les médiocres dégagent et que règne la paix, la justice au Congo ». Fermons la parenthèse.

« POINT DE NON-RETOUR »

« C’est l’occasion de prier pour les morts et les blessés », a dit l’Abbé Joseph Muaka dans un mot introductif. Il a ajouté que le Congo-Kinshasa « se trouve à un point de non-retour ». Pour lui, la dynamique actuelle doit aboutir à l’avènement d’un temps nouveau permettant aux Congolais de vivre libre et heureux dans leur pays.

Pour ce prêtre, le CLC a pris l’initiative de cette marche « pour sortir le peuple congolais de l’immobilisme et de l’esprit de fatalisme ». Et de fustiger, au passage, la « réaction disproportionnée » des forces dites de sécurité. Une réaction qui n’a pas respecté, selon lui, le « caractère pacifique » de cette manifestation. Il a invité l’assistance à prier pour les compatriotes « qui sont tombés pour la démocratie et l’avènement d’un Congo nouveau ».

Après la lecture de deux textes bibliques tirés des livres d’Esaïe et de l’Epitre de Paul aux Ephésiens, l’abbé Faustin Kwakwa, curé à Jodoigne a prononcé l’homélie tant attendue en pareille occasion.

Introduisant son propos par les conditions ayant entouré la naissance de Jésus le roi des Juifs d’une part et la vie du roi Hérode de l’autre, Faustin Kwakwa a fini par « parler politique » en évoquant l’actualité brûlante au Congo-Kinshasa. « Quelle est la mission régalienne de l’Etat? », s’est-il interrogé.

Les « hommes de Dieu » conduisant la messe

« PLUS JAMAIS ÇA AU CONGO »

Pour lui, l’Etat doit assurer la sécurité des personnes et des biens et promouvoir la coexistence entre les différents membres de la Cité. « Abbé Faustin » considère, de ce fait, que nul n’a le droit d’empêcher les religieux ou des fidèles chrétiens à exprimer leur opinion lorsque l’Etat paraît incapable d’assumer ses missions. Il lance aussitôt une rafale de questions: Peut-on franchement pourfendre un citoyen parce qu’il a fait le constat que le pays est mal géré et que la corruption, les détournements des deniers publics et la misère y règnent au vu et au su de tous? En tant que citoyen, chacun de nous n’a-t-il pas une responsabilité vis-à-vis de la patrie? Est-on en droit de critiquer un fils du pays parce qu’il a stigmatisé les antivaleurs qui ont élu domicile dans notre pays?

Faustin Kwakwa a ponctué son homélie en citant à plusieurs reprises quelques valeurs. A savoir: la justice, la paix, la vérité et l’amour. Des valeurs, selon lui, « qui ne sont pas au rendez-vous ».

Le cas de la jeune kinoise Dorcas Makaya a été évoqué. Agée de 18 ans, la jeune fille a été grièvement blessée par une balle qui a fait littéralement « exploser » sa bouche. Elle devrait être transférée en Belgique pour recevoir des soins appropriés en compagnie d’un membre de sa famille. Les bonnes volontés sont sollicitées pour héberger celui-ci.

C’est ici que l’orateur a invité l’assistance à « s’engager » en participant à la mise en œuvre des « actions concrètes pour que les médiocres puissent dégager ». A ces chrétiens qui attendent que « Dieu agisse » en leur lieu et place, Faustin Kwakwa de lancer: « Dieu qui nous a créé sans nous, ne nous sauvera pas sans nous… ».

Pour lui, l’heure a sonné pour que ce qui s’est passé le 31 décembre 2017 ne se reproduise plus. « C’est bien beau de prier, a-t-il conclu. Nous devons dire: Plus jamais ça au Congo! »

 

Baudouin Amba Wetshi
© Congoindépendant 2003-2018

Happy
Happy
0 %
Sad
Sad
0 %
Excited
Excited
0 %
Sleepy
Sleepy
0 %
Angry
Angry
0 %
Surprise
Surprise
0 %