Affaire Kapangala (suite): Le PGR et l’Auditeur général jouent les Ponce Pilate

Dechade-Thérèse Kapangala

Où va la justice congolaise? Plus d’un mois après l’assassinat de Dechade-Thérèse Kapangala Mwanza, 24 ans, les parents de la défunte commencent à perdre patience. En cause, le silence tant du Procureur général de la République (PGR) que de l’Auditeur général de l’armée congolaise aux plaintes déposées à leurs offices respectivement le 24 janvier et le 13 février derniers. La première était lancée contre « X ». La seconde désigne nommément le « responsable présumé » en l’occurrence le commissaire provincial de la police kinoise, le général Sylvano Kasongo. Décidée à connaitre la vérité sur les circonstances exactes du décès de leur fille, la famille Kapangala – qui est conseillée par l’avocat Kabengela Ilunga – persiste et signe: elle interpelle à nouveau les deux plus hauts magistrats du ministère public du « Congo démocratique ». La famille menace de saisir les juridictions internationales.

Dans une lettre datée du 26 février 2018, l’avocat kinois Kabengela Ilunga n’est pas allé par quatre chemins en précisant l’objet de sa missive: « Suites réservées aux plaintes de la famille Thérèse Kapangala Mwanza ».

Le conseil fait remarquer aux deux hauts magistrats du Ministère public l’étonnement de sa cliente face au mutisme que leurs offices respectifs observent « alors qu’il s’agit de mort d’homme imputée aux agents de l’Etat agissant sous le commandement de l’autorité ».

Selon Maître Kabengela, la famille Kapangala note qu’en ne l’informant pas « des suites réservées » à ses deux plaintes, les deux offices du Ministère public ont violé l’article 158, alinéa 1er, du Règlement Intérieur des Cours, Tribunaux et Parquets.

Pour ce juriste, le silence observé par ces deux Parquets notamment sur la deuxième plainte qui vise le général Sylvano Kasongo « à qui sont imputés tous les actes ayant causé mort d’homme sur base de la responsabilité pénale du commandant des troupes » de la police kinoise « laisse penser que les membres cette famille sont des victimes collatérales des actes rentrant dans la définition du crime contre l’humanité dirigé contre l’Eglise catholique et ses membres ».

Kabengela Ilunga de relever que pour sa cliente, cet officier de la police nationale congolaise a semblé endosser la responsabilité de la répression de la marche pacifique du 21 janvier dernier en déclarant: « On ne fait pas d’omelette sans casser des œufs ». Des propos que sa cliente décrypte comme suit: « En d’autres termes, on ne peut pas contenter le pouvoir en place sans tuer ceux qui s’y opposent ».

UNE BALLE EN PLEIN CŒUR

Aspirante à la vie religieuse chez les Sœurs de la Sainte famille de Bergame, la jeune « Dechade-Thérèse » s’est rendue, comme à son habitude, à la messe dominicale à l’église Saint François de Sales située dans la commune kinoise de Kintambo.

Major Carine Lokeso en uniforme de la police nationale

Ce dimanche 21 janvier, le Comité laïc de coordination (CLC) avait appelé les fidèles catholiques à une seconde « marche pacifique ». Vers 9 heures, des policiers agissant sous les ordres de Sylvano Kasongo ont commencé à lancer des gaz lacrymogènes alors que les fidèles se trouvaient dans la Paroisse.

Pour une raison inconnue, des témoins assurent avoir entendu une « voix féminine » donner l’ordre à un agent de police: « Tirez! » La jeune fille s’est écroulée. Une balle l’a frappé en plein cœur. A l’époque, certains témoins murmuraient déjà le nom d’une certaine « colonel Carine ». S’agit-il du désormais célèbre major Carine Lokeso Koso que le colonel Pierrot Mwanamputu tente d’absoudre de manière malhabile avant même que l’autorité judiciaire ait accompli ses devoirs d’enquête?

La mort de cette jeune fille a failli prendre la tournure d’un mélodrame. La famille a éprouvé toutes les peines du monde pour faire embaumer le corps et organiser les obsèques. Sous prétexte de réquisition de la dépouille « pour raison d’enquête », le procureur général près la Cour d’appel de Kinshasa/Gombe refusa à cette famille le droit de retirer cette dernière de la morgue.

Pour des observateurs, le pouvoir kabiliste – habitué à faire disparaître les cadavres de ses victimes – redoutait sans doute qu’une autopsie ne puisse déceler non seulement la présence des balles ayant broyé la vie de cette jeune citoyenne congolaise mais aussi l’origine des munitions. L’objectif initial était d’imputer les « dégâts corporels » à des « infiltrés ».

Dans sa troisième correspondance datée du 26 février, l’avocat Kabengela Ilunga de conclure que la famille de la disparue l’a chargé de faire savoir au PGR ainsi qu’à l’Auditeur général de l’armée qu’elle n’exclut pas de saisir « d’autres instances à compétence pénale universelle ou subsidiaire à la compétence nationale pour se faire justice ». Une affaire à suivre.

 

Baudouin Amba Wetshi
© Congoindépendant 2003-2018

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