Affaire Lwamba Bindu: L’étrange silence du Fcc/Pprd

Près de cinq jours après l’annonce de la démission, démentie puis confirmée, du Président de la Cour constitutionnelle, la mouvance kabiliste dite « Front commun pour le Congo » (Fcc) a donné sa langue au chat. Emmanuel Ramazani Shadary et ses collègues se taisent dans toutes les langues nationales. Pourquoi? Qui a forcé Benoît Lwamba Bindu à rendre le tablier alors que son mandat expire en avril 2021? Pourquoi a-t-il envoyé sa lettre de démission avant de se rétracter? Des questions sans réponses. Le mutisme du Fcc/Pprd surprend. Et pourtant. Lwamba n’est pas n’importe qui. Depuis le 26 janvier 2001, il fait partie des personnalités Luba du Katanga ayant « parrainé » les premiers pas de « Joseph Kabila » au pouvoir. Devrait-on parler de « syndrome du Kleenex »?

Des juges de la Cour constitutionnelle lors d’une audience

C’est désormais officiel: le Président de la Cour constitutionnelle (qui est de droit Président du Conseil supérieur de la magistrature) a remis sa démission. Le président Felix Tshisekedi Tshilombo a réceptionné, lundi 13 juillet, le « procès-verbal de prise d’acte » établi par les membres de cette haute cour.

Au nom du chef de l’Etat, le directeur de cabinet ad intérim, Désiré-Cashmir Kolongele Eberange a, dans une lettre, datée du mardi 14 juillet, accusé réception dudit « PV ». Il a, par la suite, rendu un hommage convenu au Président démissionnaire de cette juridiction en le félicitant. Sans omettre de le remercier pour les « services rendus ».

Le même mardi 14 juillet, Paul-Crispîn Kakhozi Bin Bulongo s’est fendu d’un communiqué. Bien que portant le titre d’ambassadeur, ce dernier assume depuis 2016 les fonctions de chargé d’affaires a.i. de l’ambassade du Congo-Kinshasa à Bruxelles. Une situation inédite. C’est un autre débat.

En bon juriste, le président Lwamba, en séjour médical en Belgique, avait pris soin de faire légaliser sa signature apposée sur la lettre datée du 10 juillet qu’il adressait aux autres membres de cette juridiction. Objet: démentir sa démission.

Un détail: dès le premier paragraphe dudit communiqué du 30, rue Marie de Bourgogne, Lwamba Bindu est désigné comme suit: « l’ancien Président de la Cour constitutionnelle… ». La messe est dite dans cette représentation diplomatique tenue pourtant par un « kabiliste ». C’est le cas à tous les postes. Pas le moindre signe d’aigreur ou de regret. « L’ambassade tient à porter à la connaissance de l’opinion tant nationale qu’internationale que ce document n’a aucune valeur juridique et ne peut aucunement engager sa responsabilité », peut-on lire.

A en croire l’ambassadeur-chargé d’affaires a.i Kakhozi Bin Bulongo, l’ambassade à Bruxelles « a été induite en erreur ». Tiens! Tiens! Par qui? Qui d’autre sinon « l’ancien président » Lwamba! Selon ce diplomate, celui-ci « avait déjà officiellement démissionné d’une part, et d’autre part il apporte un démenti ». Une attitude que l’ambassade considère comme de la « diversion » dont le but serait de « semer le trouble dans le bon fonctionnement des institutions (…) tant souhaité ». Des propos plus politiques que diplomatiques. La légalisation de la signature querellée est déclaré « nulle et de nul effet ». Ainsi a décidé Kakhozi.

Rappelons que lundi 13 juillet, on apprenait que les « services » avaient mené une « opération spéciale » dans les installations de la Cour constitutionnelle. Des « agents » se seraient introduits notamment dans le bureau du président Lwamba. Selon des sources, ils recherchaient le « sceau » de cette institution. Une telle action est-elle légale? « L’Agence nationale de renseignement peut mener des opérations de ce genre de manière autonome dès qu’elle a connaissance d’une menace qui plane sur la sécurité nationale », estime un expert joint à Kinshasa.

Des membres du Fcc procèdent à la signature de leur charte qui élève « Kabila » au rang de « gourou » d’une secte

Depuis près de cinq jours, la démission de Benoît Lwamba ne suscite ni joie, ni colère au sein du Fcc/Pprd. Bizarre. Les « durs de durs » du clan kabiliste sont plongés dans une sorte d’aphasie. Où est passé le tronitruant Emmanuel Ramazani Shadary qui tenait des propos guerriers du genre « personne ne peut nous intimider », au plus fort de l’interpellation de Célestin Tunda? Où est passé Néhémie Mwilanya, le coordonnateur? Et si Benoît Lwamba était victime du « syndrome du Kleenex »?

LE « SYNDROME DU KLEENEX »

La marque « Kleenex » est entrée dans le vocabulaire populaire. Elle est devenue synonyme du mouchoir en papier qu’on jette après usage.

Né le 19 juillet 1945, Benoît Lwamba Bindu a fait ses premiers pas dans la magistrature en 1970. Après la « prise du pouvoir » par l’Afdl (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre),  il rejoint le Mzee Kabila avec lequel ils partagent les mêmes origines tribales.

Le 26 janvier 2001, Mzee décède dans des conditions non-élucidées jusqu’à ce jour. Il est remplacé par un quasi-illustre inconnu nommé « Joseph Kabila ». Décidés à pérenniser le pouvoir d’Etat détenu par des Luba du Katanga, Lwamba, alors « simple » président à la Cour suprême de justice, et le procureur général de la République de l’époque, Luhonge Kabinda Ngoy, vont « parrainer« , tels des mafieux, le nouveau chef de l’Etat au parcours personnel nébuleux.

Sans avoir mené la moindre enquête de moralité, les deux hauts magistrats mentionnent noir sur blanc, dans le procès-verbal d’investiture, qu’il n’existe à l’égard du remplaçant de Mzee « aucun antécédent judiciaire » et « aucune cause d’empêchement à accéder et à exercer » les fonctions de chef de l’Etat. Né en Tanzanie où il a, par ailleurs, fait le service militaire, l’homme a foulé le sol du pays qui s’appelait encore le Zaïre à plus de 25 ans. Quel est son passé? Mystère!

En juin 2003, Lwamba est promu premier président de la Cour suprême de Justice. Douze années plus tard, soit en 2015, le voilà nommé à la tête de la toute nouvelle Cour constitutionnelle. Celle-ci est non seulement le juge pénal du Président de la république et du Premier ministre mais aussi du contentieux des élections présidentielles et législatives. Un poste stratégique.

Benoit Lwamba Bindu

« Kabila » dont le second mandat expirait le 19 décembre 2016, a fait appel à Lwamba – qui était déjà à la retraite – sans doute pour lui permettre de briguer un « troisième mandat ». Les pressions internes et externes ont rendu cette mission impossible. On peut gager que le sort de (l’ancien) Président de la Cour constitutionnelle a été scellé en avril dernier lorsqu’il opposa une fin de non-recevoir à la demande de Célestin Tunda Ya Kasende, alors ministre de la Justice, de le visiter afin d’avoir « une franche discussion sur les affaires judiciaires en cours ». Les dossiers judiciaires en cours suscitent la peur et l’effroi au sein de la mouvance kabiliste

Devenu « inutile » dans le « combat » pour la promotion des intérêts politiques de l’ex-raïs à l’horizon 2023, Benoît Lwamba pourrait grossir la longue liste de ces hommes ayant servi de « marchepied » à l’OVNI politique nommé « Joseph Kabila ». Ces hommes ont été victimes de ce qu’on pourrait appeler le « syndrome du Kleenex ». L’ex-raïs s’est servi d’eux avant de les « jeter » après usage. On pourrait citer notamment: Augustin Katumba Mwanke, Jeannot Mwenze Kongolo, Eddy Kapend Irung, Dominique Sakombi-Inongo, Vital Kamerhe Lwa Kanyiginyi, Moïse Katumbi Chapwe, Gabriel Kyungu wa Kumwanza, Charles Mwando Nsimba, Jean-Claude Muyambo Kyassa. La liste n’est pas exhaustive.

On ne peut que comprendre la « discrétion » qui entoure le départ de l’actuel Président de la Cour constitutionnelle au sein du Fcc/Pprd. « Il serait bien dommage que le Président Felix Tshisekedi ne profite du vide créer par ce départ pour mettre fin à l’hégémonie du Fcc au sein de cette Cour », analyse un juriste.

 

Baudouin Amba Wetshi

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