Affaire Salebongo: Quand un huissier de justice commet un « faux »

Expulsé le 21 décembre 2018 – en plein hiver – de sa maison achetée en 2005 grâce à un crédit immobilier en cours de remboursement, le médecin belgo-congolais Parfait Salebongo Ebwadu est surpris de lire dans le « procès-verbal d’expulsion » rédigé par un huissier de justice du cabinet bruxellois « Marc Sacré – Stefan Sacré – Piet de Smet » que sa propriété mise en « vente publique forcée » est décrite comme une « habitation de location ». Quid de l’implication de la chambre des saisies du tribunal de 1ère instance francophone de Bruxelles dans un dossier qui se limiterait, selon cet auxiliaire de justice, à un banal conflit entre un bailleur et son locataire? Devrait-on parler de confusion volontaire?

Un « faux » signifie toute altération frauduleuse de la vérité. En Belgique comme en France, cet acte est qualifié de crime ou délit. Que dire d’un faux dont l’auteur n’est autre qu’un auxiliaire de justice en l’occurrence un huissier de justice assermenté?

Dans son édition n°3531 datée du 7 au 13 mars 2019, l’hebdomadaire belgo-français « Le Vif/L’Express » publie une enquête sur les « abus » commis par des huissiers à l’occasion de recouvrement de créances « à l’amiable ». Citant Luc Chabot, représentant de la Chambre nationale des huissiers, le magazine note: « (…) certains ont totalement oublié qui ils étaient, quelles étaient leurs spécificités et sont devenus de véritables commerçants ». Pour le « Vif », les huissiers de justice « ont détourné l’Esprit des lois ».

De quoi s’agit-il?

Aux termes d’un jugement rendu par la chambre des saisies du tribunal de 1ère instance francophone de Bruxelles en date du 16 novembre 2018, un huissier de justice a été chargé d’expulser Parfait Salebongo de sa maison.

En parcourant le « procès-verbal d’expulsion » rédigé par ledit huissier (dont nous taisons le nom pour le moment), on est effaré d’y lire notamment: « Me suis présenté à 1090 Jette, Clos Ingrid Bergman, 27 dans les lieux loués ». Peut-on franchement confondre un bien immobilier acquis grâce à un prêt hypothécaire à un appartement de location? Devrait-on parler de confusion volontaire?

BIZARRERIE

Le conflit de travail ayant opposé docteur Parfait Salebongo à la direction de l’époque des hôpitaux Iris Sud (HIS) s’est transformé en un psychodrame. Des magistrats, des notaires, des banquiers, des greffiers et des huissiers véreux se sont engouffrés dans un dossier parsemé de plusieurs « bizarreries ». On se croirait dans une république bananière ou carrément dans un pays d’aliénés mentaux.

En 2005, le couple Salebongo a acquis une maison grâce à un crédit hypothécaire obtenu auprès de Argenta Spaarbank. Prix du bien: 329.500 €. L’acquéreur n’a jamais accusé le moindre retard dans le remboursement du crédit. Il ne lui restait plus que six années pour rembourser la totalité du prêt.

Première bizarrerie: Dans une lettre datée du 5 décembre 2017, la banque prêteuse, pour une raison connue d’elle seule, signale à la Banque nationale de Belgique (BNB) que les Salebongo « étaient en retard de paiement ». Une démarche aux conséquences infamantes dans la mesure où la personne « signalée » est fichée « débiteur irrégulier » auprès des organismes de crédit.

Deuxième bizarrerie: Cette manœuvre a apporté à la chambre des saisies du tribunal de 1ère instance francophone de Bruxelles l’argument en béton qui lui manquait pour mettre ce bien immobilier en « vente publique forcée » en apurement d’une créance de… 8.000 €. L’opération de vente est aussitôt confiée à un notaire bruxellois.

Troisième bizarrerie: Pendant que Salebongo croisait le fer avec les hôpitaux Iris Sud devant la Cour de cassation à Bruxelles, il reçoit une missive de la banque prêteuse l’informant que ledit notaire venait de verser le reliquat du prêt soit: 140.000 €. Vous avez bien entendu: le notaire chargé d’assurer la vente publique a payé auprès du banquier, en lieu et place de Salebongo, sans titre ni droit, le solde pour apurer le crédit obtenu jadis par le médecin.

LA FRAUDE CORROMPT TOUT

Quatrième bizarrerie: Dans une lettre n°CCP.LBS W2319POSF datée du 6 décembre 2017, La BNB informa Salebongo qu’il a été fiché « débiteur irrégulier » à la demande de la banque prêteuse. Motif: retard de remboursement du crédit immobilier.

Cinquième bizarrerie: En réaction, Salebongo brandit la preuve du paiement le plus récent qui remontait au 28 novembre 2017 par ordre permanent 06191907 pour le compte BE30 2100 0017 0511 Argenta. Il joignit, à l’appui, une « attestation de régularité » délivrée par la même banque prêteuse en date du 13 janvier 2017. En réponse, la BNB promet de le recontacter dès qu’elle aura « des informations complémentaires de la part du prêteur ». Elle rechigna, en revanche, à transmettre à l’emprunteur copie de la « plainte » de la banque prêteuse afin qu’il fasse valoir ses droit à la défense.

Le contact n’aura jamais lieu. La cause était sans doute entendue.

Sixième bizarrerie: Un notaire bruxellois qui se reconnaîtra s’empressa de procéder à la vente publique de ce bien sans présenter le moindre cahier de charges pouvant renseigner notamment sur l’identité du propriétaire et du créancier.

Septième et dernière bizarrerie: le 21 décembre 2018, Salebongo et sa famille sont expulsés de la maison. Leurs effets personnels sont jetés, sans ménagement, sur le trottoir. Le procès-verbal d’expulsion rédigé par un huissier de justice bruxellois présente le bien querellé sous le vocable de « lieux loués ». Quelle est la valeur juridique d’un tel acte? Que dire d’un huissier de justice qui commet manifestement un faux? Les praticiens du droit ne sont-ils pas les premiers à clamer que « la fraude corrompt tout »?

B.A.W.

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