Amen!

Mayoyo Bitumba Tipo-Tipo

Mayoyo Bitumba Tipo-Tipo

Ça y est, la Cour constitutionnelle ou la « Tour de Pise » congolaise a confirmé Félix Tshisekedi Tshilombo « Président élu ». Conformément au deal que ce dernier a conclu avec le plus grand perdant de l’élection présidentielle, à savoir le despote Joseph Kabila à travers son dauphin Emmanuel Shadary. Comme le stipule l’article 168 de la Constitution éminemment boiteuse du pays, cette décision n’est susceptible d’aucun recours et est immédiatement exécutoire. Le véritable vainqueur de l’élection, Martin Fayulu, a beau crier au scandale, les jeux sont désormais faits. Tel est le destin des peuples aux élites sans boussole en termes de gouvernance et aux hommes politiques inconséquents.

Sans boussole et inconséquent, le vainqueur de la présidentielle Martin Fayulu l’est à l’instar de l’ensemble des élites intellectuelles et politiques congolaises. En effet, toute compétition repose sur deux bases: des règles du jeu impersonnelles et la présence d’un arbitre impartial pour les faire respecter. En se lançant dans la course au pouvoir dans le contexte de la démocratie de façade, Fayulu et les autres candidats savaient que le despote était la loi faite homme. Il pouvait à tout moment violer impunément les règles du jeu. Tout au long du processus électoral, Joseph Kabila ne s’est pas privé de le démontrer. Après l’enrôlement des électeurs, le fichier électoral a traduit plus sa volonté personnelle que la réalité et cela dans l’unique but de tripatouillage. Il a également violé, toujours impunément, le caractère inclusif du processus électoral en empêchant un rival politique, Moïse Katumbi, de déposer sa candidature. Parmi les chanceux, certains seront écartés de la course non pas par la force des règles mais une fois de plus par la volonté, toujours non sanctionnée, du despote. Une fois la course enclenchée, un candidat, Martin Fayulu, fut ouvertement empêché par les moyens mêmes de l’Etat de battre campagne. Contrairement à l’esprit et à la lettre des règles du jeu et conformément à la volonté une fois de plus inchâtiée du despote. Cerise sur le gâteau pour ce dernier, une fois le vainqueur de l’élection connu, le despote devint un faiseur des rois à la place du peuple en négociant avec l’un des perdants pour conserver tous les leviers du pouvoir. Aujourd’hui que la « Tour de Pise » a dit le dernier mot qui reste en réalité celui du despote, Martin Fayulu et les autres membres de notre « crasse politique » ne doivent s’en prendre qu’à leur propre inconséquence.

Né avec une cuillère d’or dans la bouche en sa qualité de fils d’un homme politique dans une république bananière, le successeur du despote Joseph Kabila, Félix Tshisekedi Tshilombo, ne s’est pas distingué comme d’autres fils à papa de la nomenklatura mobutiste. Adepte de la loi du moindre effort, il a préféré l’école buissonnière et la dolce farniente à la dureté des études. Plutôt que de décrocher des diplômes, il lui a été plus simple d’en fabriquer des faux et de s’en attribuer. Tel est le profil du cinquième président de la république que le despote Joseph kabila vient d’imposer au peuple congolais qui, il faut le rappeler, a le malheur d’avoir des élites sans boussole en matière de gouvernance.

La première responsabilité du gâchis tragique auquel le village planétaire entier vient d’assister à travers la plus grande élection jamais bâclée en Afrique subsaharienne n’incombe pas aux deux premiers heureux bénéficiaires que sont les tricheurs récidivistes Joseph Kabila et Félix Tshisekedi Tshilombo. Le Congo-Kinshasa, nous l’avons déjà souligné à plusieurs reprises, est avant tout victime de ses élites intellectuelles et politiques qui, face à la gouvernance nationale, ne disposent d’aucune boussole. Comme l’a si bien noté Baudouin Amba Wetshi dans son article « Election présidentielle du 30/12/2018: Nouveau rebondissement! » (16 janvier 2019), « sous d’autres cieux, l’élection se déroule dans une ambiance festive. Bon enfant. Les citoyens sont détendus voire souriants au moment de glisser leur bulletin dans l’urne. Engagée sur le tard dans la voie démocratique, l’Afrique subsaharienne – à quelques exceptions près -, fait bande à part. Ici, chaque consultation électorale prend l’allure d’une pré-guerre civile avant, pendant et après le vote. Des vies humaines sont broyées dans un duel dont le but reste le contrôle de l’appareil d’Etat, les privilèges et les ressources qui s’y rattachent ».

Partout au monde, quand une activité humaine donne des résultats aussi consternants, les élites, qu’elles soient intellectuelles ou politiques, ont l’obligation ou le devoir de se pencher dessus afin de rectifier le tir. Mais au Congo-Kinshasa, cela fait près de six décennies que les élites restent impuissantes face à la mauvaise gouvernance endémique. Parmi les vingt et un candidats à la dernière élection présidentielle, par exemple, aucun leader ou formation politique mais alors aucun n’a remis en cause le schéma démocratique dans lequel le pays s’est engagé depuis les élections de 2006, pour ne pas parler du lancement officiel du processus de démocratisation le 24 avril 1990. Telle est la source de misère du peuple congolais qui souffre le martyre depuis de longues décennies.

L’ascension de Félix Tshisekedi Tshilombo dans le contexte ci-dessus ramène l’Etat congolais à la case départ que fut l’arrivée au pouvoir de l’AFDL. Le national tribalisme étant le moteur du pouvoir en Afrique subsaharienne, la nation a alors assisté impuissante à la montée en puissance des membres des deux ethnies: des Luba-Kat avec Laurent-Désiré Kabila comme porte-étendard et des Tutsi du Congo et d’ailleurs, surtout rwandais, sous la conduite de Paul Kagame. Ce qui devait arriver arriva. Une guerre d’hégémonie eut lieu au sommet de l’Etat. Les Luba-Kat et d’autres Katangais remportèrent une bataille: l’expulsion des Tutsi. Devenus des chouchous de l’Occident, ces derniers finirent par gagner la guerre à travers l’arrivée au pouvoir d’un des leurs en la personne de Joseph Kabila.

Le deal entre Félix Tshisekedi et Joseph Kabila va se traduire par le remplacement des Luba-Kat par des Luba-Kasaïens. Deux options s’offrent devant le nouveau président de la république. Il peut se complaire de la victoire de l’hégémonie tutsi en vigueur depuis l’arrivée au pouvoir de Joseph Kabila, en laissant à ce dernier le contrôle de l’effectivité du pouvoir. Pour le nouveau président, cela présenterait l’avantage de s’enrichir paisiblement à son tour sur le dos du peuple. Il peut aussi chercher à s’émanciper de la camisole de force du piège tendu par l’hégémonie tutsi; ce qui constitue un exercice périlleux pouvant conduire à sa déchéance politique voire même à son élimination physique.

Si Félix Tshisekedi jouit de la reconnaissance internationale en dépit de la énième comédie électorale qui vient de se jouer sous le ciel congolais, ce qui est fort probable, ses chances de gouverner réellement seront certes très minces, mais cela ne signifie pas qu’il soit impossible de mitiger les nuisances de Joseph Kabila et l’hégémonie qu’il incarne. Pour ce faire, Tshisekedi n’aurait d’autre choix que de ratisser large dans la composition de son premier gouvernement; une entreprise difficile compte tenu des la culture de la « crasse politique » congolaise et des plaies ouvertes par l’accord avorté de la candidature commune de l’opposition signé à Genève et surtout par le hold-up électoral en sa faveur. Il devrait également brader l’économie congolaise pour espérer un certain soutient des puissants de ce monde. Dans les deux cas de figure, Félix Tshisekedi est mal parti. Et le peuple ne manquera pas de payer un lourd tribut à ce mauvais départ. Pendant que les ténors du véritable vainqueur de cette comédie électorale, l’hégémonie tutsi incarnée par Joseph Kabila, se frotteront les mains, prenant les Congolais dans leur ensemble pour des êtres inferieurs venus au monde pour être éternellement dominés même par d’autres ex-peuples colonisés.

 

Par Mayoyo Bitumba Tipo-Tipo

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