Après le 19 décembre 2016 = Avant le 19 décembre 2016?

Le président haïtien Michel Martelly dont le mandat a expiré le mardi 7 février 2016, a remis l’écharpe présidentielle non pas à son successeur mais aux présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale.

Suite aux accusations de l’opposition dénonçant un « coup d’Etat électoral » en faveur du candidat du parti au pouvoir, le président du CEP (Conseil électoral provisoire) a décidé de renvoyer le second tour du scrutin présidentiel.

Initialement prévue le 27 décembre dernier, cette consultation politique a été reportée au 24 janvier, puis sine die. La Constitution de la République haïtienne a inscrit le 7 février comme étant la date de la passation de pouvoir entre le Président sortant et le Président entrant.

Pour éviter d’exacerber le malaise ambiant, Michel Martelly a conclu un « accord de sortie de crise » avec les présidents des deux chambres du Parlement. Un « Président de transition » devra être désigné dans moins d’une semaine pour diriger le pays durant 120 jours. Mission: organiser des nouvelles élections.

La situation politique qui prévaut en Haïti présente quelques similitudes avec l’ambiance délétère qui règne au Congo-Kinshasa étant entendu que le second et dernier mandat du président sortant « Joseph Kabila » expire le 19 décembre 2016. Et que celui-ci parait décidé à s’accrocher au pouvoir par la force des armes.

Des questions se posent avec acuité. Primo: Quel sera le statut du Président actuellement en exercice dans l’hypothèse où l’élection présidentielle n’avait pas lieu avant l’expiration de son mandat en cours? Secundo: Le président sortant pourrait-il se prévaloir du principe de la « continuité de l’Etat » pour « justifier » sa présence à la tête de l’Etat jusqu’à l’élection hypothétique de son successeur?

QUEL EST LE PROBLEME?

Il s’agit tant en Haïti qu’au Congo-Kinshasa de la « compétence temporelle » ou compétence ratione temporis. Cette compétence temporelle qui est le fondement même de la légitimité. Une légitimité qui commence à l’investiture et cesse à la fin de l’investiture. La compétence temporelle confère au détenteur du pouvoir d’Etat le droit de commander et, à la nation, le devoir de se soumettre à ses commandements.

Il va sans dire que pour être titulaire du droit de commander et de se faire obéir par les citoyens, tout détenteur du pouvoir d’Etat doit exercer celui-ci dans le « timing » fixé par la Charte suprême.

Que disent les principes en ce qui concerne le Congo-Kinshasa? « Le président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois », énonce le premier alinéa de l’article 70 de la Constitution.

« Elu » en 2006 et « réélu » en 2011, « Joseph Kabila » achève actuellement son dernier mandat dont l’expiration est fixée au 19 décembre 2016. « A la fin son mandat, le Président de la République reste en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau Président élu », précise le deuxième alinéa du même article.

Cette dernière disposition est interprétée par les « kabilistes » au gré des intérêts de l’oligarchie au pouvoir. « Le Président de la République restera à son poste jusqu’à l’élection du nouveau Président », déclarait, fin janvier, le ministre chargé des Relations avec le Parlement Tryphon Kin-Kiey Mulumba. Quid alors de l’article 73 qui proclame: « Le scrutin pour l’élection du Président de la république est convoqué par la Commission nationale des élections, quatre-vingt-dix jours avant l’expiration du mandat du président en exercice »?

« KKM » feint d’ignorer que la perte de la compétence temporelle ne laisse au détenteur du pouvoir d’Etat qu’une sorte de « cache-sexe » appelé la « légalité ». C’est-à-dire le pouvoir d’édicter des règles de droit sans bénéficier de la confiance populaire. Cette confiance populaire qui anime la légitimité.

« Joseph Kabila » et les jusqu’au-boutistes de son régime devraient tirer des leçons des événements qui se déroulent en Haïti au regard de l’impasse dans laquelle se trouve la situation politique au Congo-Kin. Au-delà du 19 décembre 2016, le « raïs » sera à la tête d’un Etat despotique dont les dirigeants sont affranchis de toute règle de droit. Une situation qui ne manquera pas de générer une résistance citoyenne de la part des 70 millions de Congolais qui aspirent à un autre avenir.

Aucun citoyen de ce pays appelé jadis Zaïre n’est prêt à admettre qu’avant le 19 décembre 2016 soit égal à après le 19 décembre 2016.

 

Baudouin Amba Wetshi

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