Bemba à TV5 Monde: « Aucun élément juridique ne peut invalider ma candidature »

Acquitté le 8 juin par la chambre d’appel de la Cour pénale internationale (CPI) des infractions de crime contre l’humanité et des crimes de guerre en République Centrafricaine, l’ancien vice-président Jean-Pierre Bemba Gombo attend de connaitre le verdict de la seconde affaire dite de « subornation de témoins ». Le « Chairman » poursuit son offensive médiatique commencée le jeudi 19 juillet. Après une conférence de presse et une interview accordée à RFI ainsi qu’à la Deutsche welle, il a eu un entretien vendredi 27 juillet avec TV5 Monde. Le Président du MLC est attendu, mercredi 1er août, dans la capitale congolaise, via Gemena, en vue de déposer sa candidature auprès de la Commission électorale nationale indépendante (CENI).

A Kinshasa, un débat pour le moins politicien fait rage dans le microcosme politico-médiatique. Au centre des discussions, l’éligibilité de Jean-Pierre Bemba Gombo à l’élection présidentielle prévue le 23 décembre prochain.

André-Alain Atundu Liongo

Invoquant l’article 10 de la loi électorale telle que révisée à ce jour, les « mouvanciers » de la « Kabilie » soutiennent que le Président du MLC est purement et simplement « inéligible ». Au motif qu’il a été reconnu coupable de « subornation de témoins » par la Cour pénale internationale (CPI). Ici, la « subornation » est assimilée à la corruption.

La disposition précitée frappe d’inéligibilité notamment « les personnes condamnées par un jugement irrévocable du chef de vol, d’exploitation illégale des ressources naturelles, de corruption, de détournement de deniers publics, d’assassinat, de torture, de banqueroute et les faillis (…)« .

Dans le Lexique des termes juridiques (Dalloz), la « subornation de témoin » est définie comme des « actions diverses exercées sur autrui, au cours d’une procédure ou en vue d’une demande ou défense en justice, pour le déterminer, soit à faire ou délivrer une déposition, une déclaration, une déclaration ou une attestation mensongère, soit à s’abstenir de tout témoignage ». La « corruption », elle, est définie comme un « comportement pénalement incriminé par lequel sont sollicités, agrées ou reçues des offres, promesses, dons ou présents, à des fins d’accomplissement ou d’abstention d’un acte, d’obtention de faveurs ou d’avantages particuliers ».

Répondant aux questions de la journaliste Dominique Tchimbakala de TV5 Monde, le « chairman » s’est refusé d’évoquer l’affaire judiciaire en cours à la CPI. Il a, revanche, martelé qu’ « il n’y a pas d’élément juridique qui permet d’invalider sa candidature ». S’agissant de la condition de résidence, il a rappelé qu’il ne s’est pas absenté du pays de son propre fait.

La libération de Bemba Gombo semble bousculer l’échiquier politique congolais. Depuis que le leader du MLC a été désigné candidat de son parti à l’élection présidentielle, une certaine panique semble s’emparer du « clan kabiliste ». Un clan qui considère l’Etat comme son bien personnel.

« SIGNAUX INQUIETANTS »

Dans son discours du 19 juillet sur l’état de la nation devant les deux chambres du Parlement réunies en congrès, « Kabila » a été le premier à « dégainer » en déclarant notamment que les « prochaines élections » sont « ouvertes à tous ceux qui en réunissent les conditions légales (…)« . A qui pensait-il? A Moïse Katumbi? A Jean-Pierre Bemba?

Joseph Kabila devant le Parlement. Kinshasa 19 , juillet 2018. PHOTO AFP

Des observateurs n’ont pu s’empêcher de s’interroger sur le principe qui permettait au « raïs » de tenir de tels propos alors que son dernier mandat a expiré depuis le 19 décembre 2016. Faute de pouvoirs constitutionnels, son rôle devrait se limiter à expédier les affaires courantes.

Vendredi 27 juillet, l’ex-mobutiste André-Alain Atundu Liongo, porte-parole de la majorité sortante, s’est cru en droit de relayer les paroles de son « bienfaiteur » du moment en invitant Bemba Gombo à « prendre l’engagement de ne pas se présenter à la présidentielle ». A en croire Atundu, « la subornation de témoins est une corruption de témoins ». Question: au nom de quel principe, la mouvance kabiliste se croit-elle en droit de se substituer à la CENI autant qu’à la Cour constitutionnelle pour décréter qui est éligible et qui ne l’est pas?

Interrogé sur l’éventualité d’une candidature de « Joseph Kabila » au prochain scrutin présidentiel, Bemba a adopté la même stratégie en évitant de se lancer dans des « spéculations » en ajoutant néanmoins: « Si c’était le cas, ce serait un cas de violation de la Constitution de sa part alors qu’il en est le garant ». Et de redouter qu’une telle démarche engendre un « désastre pour le pays ».

Jean-Pierre Bemba a réitéré son appel au rassemblement des forces de l’opposition autour d’un candidat commun. « Si nous voulons promouvoir l’alternance dans ce pays, nous devons nous regrouper », a-t-il souligné.

A quelques cinq mois du vote, « Kabila » et sa « majorité sortante » ont, d’ores et déjà, commencé à envoyer des signaux inquiétants présageant d’une consultation politique qui ne sera ni libre, ni équitable. L’annulation, samedi 28, du vol de la compagnie aérienne « Congo Airways » à destination de Gemena en témoigne…

 

Baudouin Amba Wetshi

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