Communication: Cacophonie au sommet de l’Etat

La désignation du Sud-Africain Thabo Mbeki en qualité d’Envoyé spécial de la SADC (Communauté de développement de l’Afrique australe) en Afrique centrale et au Congo-Kinshasa a mis à nu l’absence de coordination entre le gouvernement et le cabinet de « Joseph Kabila ». Le porte-parole du gouvernement a « pris acte » de cette nomination avant d’être démenti voire contredit par le conseiller diplomatique à la Présidence de la République. Ce « couac » est surtout révélateur de la nervosité certaine qui règne au sommet de l’Etat. Le « raïs » a les nerfs à vif.

Dans son édition datée du dimanche 19 août, le journal sud-africain « Sunday Times » annonce – dans un article intitulé « Thabo Mbeki doit être notre homme dans cette région explosive » – la désignation du prédécesseur de Jacob Zuma en qualité d’Envoyé spécial de la SADC pour l’Afrique centrale et le « Congo démocratique ».

Lambert Mende Omalanga, porte-parole du Gouvernement

Porte-parole du gouvernement, le ministre de la Communication et médias Lambert Mende Omalanga a réagi lundi en précisant que le gouvernement n’y voit aucun inconvénient du fait que le Congo-Kinshasa est membre de cette organisation régionale. Et d’ajouter dans le style particulier qui le caractérise: « ce que nous réprouvons, c’est des organisations auxquelles nous n’appartenons pas qui prétendent faire des choses pour nous et sans nous ».

Contre toute attente, Barnabé Kikaya bin Karubi, conseiller diplomatique de « Kabila » a bondi de sa chaise pour « recadrer » le « communicateur » du gouvernement en déclarant que « le chef de l’Etat n’accrédite plus les envoyés spéciaux ». Cette décision remonte à quelle date? Silence radio. Le moins que l’on puisse dire est que ça fait désordre.

Forcé de se dédire, le « souverainiste » Mende Omalanga s’est aussitôt rétracté en relayant la « mise au point » de Kikaya. Selon « Lambert », la proposition de l’Afrique du Sud « a été rejetée ». Au motif que les « envoyés spéciaux ont tendance à se comporter en proconsuls ». Traduction: « Kabila » insupporte ceux qui l’exhortent à respecter la Charte fondamentale. Et ce qu’il s’agisse des nationaux ou des étrangers.

Barnabé Kikaya traduit sans doute les « mauvais souvenirs » que son patron a gardés de deux Envoyés spéciaux américains. Il s’agit des sénateurs Russ Feingold et Tom Perriello. Après le passage à Kinshasa, début mai 2014, du secrétaire d’Etat d’alors John F. Kerry, l’Administration Obama avait chargé ces deux parlementaires d’assurer le « suivi ». Le suivi de l’exhortation faite à « Joseph Kabila » de respecter la Constitution en ce qui concerne la durée et le nombre des mandats du Président de la République.

Sur le plan des principes, la sortie médiatique du conseiller diplomatique de « Kabila » est parfaitement discutable. Et pour cause, la défense, la sécurité et les affaires étrangères « sont des domaines de collaboration » entre le Président de la République et le gouvernement. Reste que c’est à celui-ci que revient la mission de conduire la politique du pays. L’article 91 de la Constitution pourrait édifier les amateurs du juridisme. Le cinquième alinéa de cette disposition précise que c’est le gouvernement qui rend compte devant la représentation nationale.

« DÉSORDRE INSTITUTIONNEL »

Depuis l’arrivée au pouvoir de l’AFDL (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre), la Présidence de la République a instauré un « désordre institutionnel » consistait à laisser les membres du cabinet du chef de l’Etat faire des déclarations publiques alors qu’ils n’ont aucune existence constitutionnelle et n’assument aucune responsabilité politique. Sous le Mzee LD Kabila, il n’était pas rare de voir le « dircab » Abdoulaye Yerodia Ndombasi exercer le ministère de la parole. A tort et à travers.

Barnabé Kikaya Bin Karubi

Cette situation s’est exacerbée depuis l’arrivée au pouvoir de « Joseph Kabila ». Depuis 2007 à ce jour, une sorte de « gouvernement parallèle » a élu domicile à la Présidence. Conséquence: le Premier ministre n’exerce qu’une apparence du pouvoir. Le « dircab » à la Présidence de la République, lui, assume l’effectivité de l’imperium. A titre d’exemple, les fameux « contrats chinois » sont gérés au cabinet de « Kabila ». Le chef de l’Etat pose ainsi des actes de gestion alors qu’il est exonéré de l’obligation de rendre compte. Comment peut-on, dès lors, brandir l’infraction d’ « offense au chef de l’Etat » chaque fois les citoyens vitupèrent sur les excès commis par le premier magistrat du pays?

Depuis sa nomination en qualité de Premier ministre, l’ex-Udps Bruno Tshibala est devenu inaudible. Sa voix est étouffée par celle plus bruyante du « dircab » Néhémie Mwilanya Wilondja, professeur de droit de son état.

« Néhémie » n’hésite pas à présider des « séances de travail » auxquelles participent des membres du gouvernement ou à conduire des « missions d’inspection » notamment au poste frontière de Kasumbalesa. Une situation dénuée de toute base légale.

Une certitude: Lambert Mende et Barnabé Kikaya se sont livrés lundi 20 août à un spectacle lamentable. Le perdant dans cette histoire est et reste l’Etat congolais. Un Etat qui est assimilé à un bien personnel par le « clan Kabila ». « Nous ne sommes pas prêts à laisser le pouvoir à n’importe qui », tambourinait Zoé « Kabila » dans un entretien publié en février 2015 par l’hebdomadaire « Jeune Afrique ».

Depuis la « libération » du 17 mai 1997, l’Etat zaïro-congolais est déstructuré par ceux qui prétendaient combattre la dictature de Mobutu Sese Seko pour instaurer la démocratie et… l’Etat de droit.

 

B.A.W.

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