Congo-Kin: la justice toujours instrumentalisée

Quinze mois après l’investiture de Felix Tshisekedi Tshilombo, le changement intervenu au sommet de l’Etat peine à faire oublier les « années Joseph Kabila » dans la mémoire collective. L’Etat de droit proclamé par le nouveau chef de l’Etat tarde à mettre un terme aux interférences politiques dans le fonctionnement de l’appareil judiciaire. Des magistrats continuent à faire preuve de servilité à l’égard des personnes étiquettées Fcc/Pprd. Les cas Ibrahim Kabila et Pascal Mukuna en témoignent. « Le pouvoir rend fou », dit l’adage. Il faut espérer que les « Fatshistes » éviteront ces errements.

Le "général" Sylvano Kasongo Kitenge

Le « général » Sylvano Kasongo Kitenge

En réponse à sa plainte « à charge du criminel Ibrahim Bakenda, alias Ibrahim Kabila », déposée le vendredi 15 mai auprès du général Sylvano Kasongo, Inspecteur divisionnaire de la police provinciale de Kinshasa, lundi 18 mai, le substitut du procureur près le Tribunal de grande instance de Kinshasa/Gombe, Gilbert Mwamba Mwamba, a donné suite.

Dans une lettre, au ton déférent, adressée à Monsieur Théodore Mugalu « ancien chef de la maison civile du président Joseph Kabila », ce substitut du procureur écrit: « J’ai l’honneur de vous inviter à vous présenter à mon cabinet, (…), ce mardi 19 mai 2020 à 13h00 pour une communication relative à l’instruction du dossier judiciaire RMP.15.103/PRO 21/020/MG ouvert à charge de l’inculpé Ibrahim Kabila Tuaric, sur votre plainte ».

Flashback. Vendredi 15 mai, « Ibrahim » qui dit être un des enfants biologiques de Mzee Kabila est l’invité de l’émission « Bosolo na politik ». A la sortie du studio, il est « enlevé » par des policiers aux méthodes dignes du grand banditisme qui l’attendaient. Qui est le plaignant? Poser la question, c’est y répondre.

Au cours de cette émission, ce jeune Congolais a déclaré qu’il n’a reconnu aucun membre de la famille de Mzee Kabila parmi les individus agglutinés mercredi 13 mai devant le parquet général près la Cour d’appel de Kinshasa/Gombe pour « porter plainte » contre Pascal Mukuna afin qu’il leur dise « qui a tué » le président LD Kabila. « Nous ne reconnaissons pas cette plainte », dit-il en ajoutons: « Nous soutenons Mukuna, c’est un patriote »; « Dès que vous dites que vous êtes fils de Mzee, Joseph Kabila vous fait arrêter avec son complice Mugalu ». Pour Ibrahim, l’heure est venue pour tous ceux qui prétendent être les enfants de LD Kabila de se soumettre au test ADN.

LE « COMPLOT SE PRÉCISE » CONTRE PASCAL MUKUNA

Théodore Mugalu

Théodore Mugalu qui suivait manifestement cette émission animée par Israël Mutombo, a bondi de sa chaise pour griffonner à la vite une « plainte » à l’intention du général Sylvano Kasongo « à charge du criminel Ibrahim Bakenda, alias Ibrahim Kabila ». Apparemment Mugalu et Ibrahim sont de « vieilles connaissances »…

Comme on peut le voir, la police kinoise et le parquet de la République près le Tribunal de grande instance de Kinshasa/Gombe ont fait preuve, dans le cas de la plainte de Mugalu contre Ibrahim Kabila, d’une « efficacité » époustouflante autant qu’inhabituel. Est-ce parce que le dossier touche la personne de l’ex-président « Kabila » et son nervi?

Le même mercredi 15 mai, le conseil de Pascal Mukuna en l’occurrence Me Richard Bondo a porté plainte contre Barnabé Kikaya bin Kakubi auprès du procureur général près la Cour d’appel de Kinshasa/Gombe.

Dans un twitt posté le 14 mai – après le transfert de Mukuna à la prison de Makala -, cet ancien conseiller diplomatique de « Kabila » a proféré des menaces précises contre le leader du mouvement « Eveil Patriotique ». On peut lire: « Comme dans les fables, nous méditons sur les animaux malades de la peste avec le Covid-19. Voilà que la ‘grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf’ s’invite au débat. Tu seras châtié de ta témérité pour avoir prononcé le nom de Dieu en vain. Makala n’est qu’un avant goût ».

Pour le Cabinet Bondo, le « complot » contre son client « se précise ». Aussi a-t-il demandé au ministère public près cette dernière juridiction « de réserver le bénéfice de l’urgence » à la plainte de ce citoyen Congolais « car l’irréparable peut lui arriver ».

« DEKABILISER L’APPAREIL JUDICIAIRE »

Au moment où ces lignes sont écrites, cela fait cinq jours depuis que le parquet général près la Cour d’appel de Kinshasa/Gombe a réceptionné cette plainte. Comment peut-on expliquer la « célérité » manifestée par le ministère public dans la démarche menée par l’ancien chef de la maison civile de « Joseph Kabila » contre Ibrahim Kabila et « l’apathie » affichée dans le cas Mukuna? Pourquoi le magistrat ne réagit-il pas? Devrait-on donner raison à l’avocat du prévenu qui redoute l’existence d’une conspiration?

Pascal Mukuna

Dans communiqué daté du samedi 16 mai, l’association de défense des droits de l’Homme « La Voix des Sans Voix » abonde dans le même sens. Elle dit « suivre avec une attention toute particulière » l’affaire qui oppose Mukuna à la dame Mamie Tshibola. La « VSV » n’a pu s’empêcher de s’interroger sur la « célérité » avec laquelle ce dossier judiciaire est traité en rappelant, au passage, que la justice congolaise n’a pas fait preuve du même zèle dans d’autres faits graves. C’est le cas notamment de l’assassinat du défenseur des droits humains Floribert Chebeya Bahizire et Fidèle Bazana Edadi, Armand Tungulu. Sans oublier des manifestants pacifiques abattus, les fosses communes de Maluku. « Tous ces faits ont été dénoncés par l’évêque Pascal Mukuna », souligne la « VSV ».

Se remémorant le sort réservé jadis à Fernando Kutinho initiateur du mouvement « Sauvons le Congo », la « VSV » dit craindre pour l’intégrité physique et mentale de Pascal Mukuna. Elle redoute que celui-ci fasse les frais de sa campagne d’éveil patriotique et « des violations des droits de l’homme qu’il a dénoncées ». L’association ne va pas par quatre chemins en dénonçant « toute instrumentalisation » de la justice « à des fins politiques ».

Au moment où ces lignes sont écrites, le « chef bérets rouges » du PPRD, Henri Magie wa Lufetu, est embastillé à la prison centrale de Makala. Pourfendeur de « Fatshi », ce cadre de la ligue des « jeunes » du parti kabiliste serait poursuivi du chef d’outrage au chef de l’Etat. Sous « Joseph Kabila », la peine était maximale. Il faut espérer que les « Fatshistes » qui ne cessent de clamer leur attachement à l’Etat de droit feront preuve de cohérence en évitant de tomber dans les mêmes errements. L’heure est venue de « dé-kabiliser » l’appareil judiciaire.

 

B.A.W

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