Conseil de sécurité de l’Onu: Quand Okitundu perd son sang-froid…

Ministre des Affaires étrangères dans l’oligarchie kabiliste, Léonard She Okitundu est apparu, lundi 12 février, à bout d’arguments face à Ida Sawyer, la directrice pour l’Afrique centrale de l’ONG « Human Right Watch » (HRW). C’était lors d’un débat au Conseil de sécurité des Nations Unies à New York. A l’ordre du jour notamment le processus électoral et la situation des droits humains au Congo-Kinshasa. Les experts en « body language » vont sans doute se régaler. La gestuelle affichée par « She » était celle d’un individu colérique, en plein désarroi. Un moment, l’homme a cherché l’appui sur les accoudoirs de sa chaise avant de tendre les paumes de ses mains vers le ciel comme pour implorer du « secours ». Les propos tenus par cet oligarque sur les droits humains confirment cette citation chère au Duc de la Rochefoucauld: « Nous regardons tranquillement et sans émotion les injustices qui ne nous frappent point ».

« La RDC n’est pas l’enfer des droits de l’Homme que l’on veut bien présenter à tort ». « Les exécutions extrajudiciaires! Quelles sont les personnes qui ont été exécutées de manière extrajudiciaire? » L’homme qui parle ainsi s’appelle Léonard She Okitundu. Ancien opposant au régime dictatorial de Mobutu Sese Seko, ce dernier se trouve, pour la seconde fois, à la tête de la diplomatie du régime… dictatorial de « Joseph Kabila ».

Ida Sawyer

Ida Sawyer

Okitundu répondait, avec un brin de fanatisme, aux accusations précises articulées par Ida Sawyer. La vérité des faits est battue en brèche par la propagande et le mensonge d’Etat. Et pourtant, outre la volonté à peine dissimulée de « Kabila » de faire réviser la Constitution, l’activiste du HRW a épinglé les exécutions extrajudiciaires en citant le cas de 1.180 citoyens tués par des membres de la « force publique » au cours de l’année 2017.

Dans sa réplique, « She » a opté pour la facilité en qualifiant les déclarations de Sawyer de « réquisitoire complètement péremptoire ». Référendum? « A quel moment, on va faire ce référendum? » Les exécutions extrajudiciaires? « En RDC, le code pénal prévoit la peine de mort. Aucun condamné à la peine capitale n’a été exécuté. Pourquoi devrions-nous nous livrer à des exécutions extrajudiciaires? »

En conclusion, l’envoyé de « Kabila » dit émettre de « sérieuses réserves » à l’égard d’un rapport onusien qui compare la situation au « Grand Kasaï » à celle qui prévaut en Syrie ou au Yémen. Dans leur message « Le pays va mal », les évêques de la CENCO (Conférence épiscopale nationale du Congo), parlant du Kasaï, ont fait état de 3.383 morts, 30.000 réfugiés en Angola, plus d’un million de déplacés internes et 3.698 habitations privées détruites.

La réunion précitée du Conseil de sécurité était présidée par l’ambassadeur des Etats-Unis, Nikki Haley. La diplomate a fait remarquer à Okitundu que le régime congolais est responsable des « souffrances de la population ». Et, au lieu d’exprimer des « frustrations » au Conseil de sécurité à New York, les dirigeants congolais feraient mieux, selon elle, de corriger les dysfonctionnements qui affectent l’appareil d’Etat.

UN ENFER POUR LES DROITS DE L’HOMME

A l’instar de « Joseph Kabila », le ministre Okitundu donne l’impression de vivre dans un autre monde. Il parait déconnecté des réalités congolaises. Comment peut-il soutenir sans pudeur que « la RDC n’est pas l’enfer des droits l’Homme que l’on veut bien présenter à tort »? Est-ce parce que les membres de la famille Okitundu sont jusqu’ici à l’abri de « balles perdues » des mercenaires recrutés par le régime? Oserait-il répéter un tel discours devant les familles congolaises qui pleurent des proches dont les vies ont été broyées par les sbires de « Kabila » ou dont les corps n’ont pas été retrouvés depuis 2015? Oserait-il affirmer devant des habitants de Beni – qui pleurent plus d’un millier des leurs assassinés par des prétendus rebelles ADF – que « la RDC n’est pas l’enfer des droits de l’Homme? ». Oserait-il parler ainsi devant les parents inconsolables de la jeune Dechade-Thérèse Kapangala, de Serge Kikunda et tant d’autres victimes des éléments de la garde prétorienne de « Kabila » épaulés par des mercenaires du M23?

Nikki Haley

Les faits parlent pourtant d’eux-mêmes.

En 2007 et 2008, « Joseph Kabila » a tombé le masque en montrant son véritable visage de tueur assoiffé de sang. Sous prétexte d’étouffer un « mouvement insurrectionnel » dans l’actuelle province du Kongo central, l’homme sorti du néant y dépêcha des éléments du fameux « bataillon Simba », commandé par le tristement célèbre John Numbi Banza. Bilan: plus de 200 adeptes du mouvement politico-religieux Bundu dia Kongo canardés comme des lapins. Le rapport établi par la Mission onusienne au Congo (Monuc) sera étouffé par son chef d’alors, l’Américain William Lacy Swing.

Lors des manifestations des 19, 20 et 21 janvier 2015, « Kabila » a fait commettre un nouveau bain de sang. Les victimes manifestaient pacifiquement contre le tripatouillage de la loi électorale. Des éléments de la garde prétorienne du « raïs » furent surpris en train d’emporter des cadavres. Est-ce pour fausser les « statistiques »? Des familles sont encore sans nouvelles de leurs proches disparus. Inutile de parler des blessés par balles et des arrestations arbitraires. Scène étrange, des « GR » seront positionnés devant des morgues de la capitale.

Le sang a, à nouveau, coulé les 19 et 22 décembre 2016. Des citoyens protestaient contre le maintien du Président sortant à la tête de l’Etat après l’expiration de son dernier mandat. Bilan établi par HRW: 62 tués. D’après cette organisation non gouvernementale, le régime kabiliste avait recruté en Ouganda et au Rwanda des ex-combattants du M23.

Les manifestations pacifiques organisées le 31 décembre 2017 et le 21 janvier dernier par le CLC (Comité Laïc de Coordination) se sont terminées dans le sang. Des tirs à balles réelles eurent lieu dans les églises où des gaz lacrymogènes furent lancés pendant que des fidèles étaient en prière. Le bilan oscille entre 6 et 20 morts. Ici aussi, des dépouilles mortelles ont été « dérobées ».

RÉFÉRENDUM

En balayant du revers de main l’idée d’un référendum pour permettre à « Kabila » de faire sauter les verrous constitutionnels qui l’empêchent de briguer un nouveau mandat, Okitundu n’a pas dit la vérité. Pire, il a menti.

Depuis 2013, les « faucons » de la « Kabilie » n’ont jamais fait mystère de leur volonté de voir leur « champion » conserver le pouvoir après le 19 décembre 2019. Et ce en dépit non seulement de l’interdit constitutionnel mais aussi d’un sombre bilan au plan économique, social, politique et sécuritaire.

Dechade-Thérèse Kapangala

Le professeur de droit constitutionnel Evariste Boshab, alors secrétaire général du PPRD, a été le premier à plaider dans son ouvrage « Entre la révision de la Constitution et l’inanition de l’Etat », que « toute Constitution est révisable ».

Lors du mini-congrès du PPRD tenu mi-avril 2014 à Mbandaka (Equateur), Boshab d’expliciter sa pensée: « Le respect de la Constitution de la RD Congo signifie notamment le respect de sa procédure de révision ». Il ajoute: « Le PRRD respectera la Constitution et alors toute la Constitution ».

Interrogé en novembre 2014 dans le cadre de l’émission « Grande édition » de la chaîne kabiliste Télé50, Aubin Minaku, président de l’Assemblée nationale et secrétaire général de la majorité présidentielle de lancer: « Le détenteur du pouvoir souverain, c’est le peuple. Et donc, pour toute question majeure en rapport avec la Constitution, nous souhaitons que cela se fasse par référendum ». Le mot est lâché! Minaku fait allusion à l’article 218 de la Loi fondamentale en vigueur. Celui-ci confère notamment au chef de l’Etat le pouvoir d’initier la révision constitutionnelle.

En guise de cerise sur le gâteau, les observateurs ont vu Tryphon Kin-Kiey Mulumba s’inviter dans les rédactions de quelques médias occidentaux. Objectif: conditionner l’opinion internationale à l’instauration du suffrage universel indirect pour l’élection présidentielle. « Joseph Kabila est un homme en pleine possession de ses moyens, pourquoi le mettre en congé », glissait-il dans un entretien publié par « Le Soir » de Bruxelles daté du 10 août 2015.

Plus folklorique, le chef de la maison civile de « Kabila » a battu et continue à battre campagne jusqu’à ce jour afin d’obtenir la « réformation » de l’actuelle Charte fondamentale. Au motif que celle-ci est une « pâle copie de la loi belge ». « Pour instaurer la bonne gouvernance des affaires de la Cité, les Congolais doivent donc associer Dieu, car il n’y a de bon que Dieu », soulignait le pasteur Théodore Mugalu. Dès mi-novembre 2015, il va ameuter, sans succès, ses « confrères » des églises dites de réveil.

Okitundu, Boshab, Minaku et Kin-Kiey savent parfaitement que les « Concertations nationales » et les « dialogues politiques » organisés par « Kabila » n’étaient nullement motivés par l’altruisme politique. Ils n’avaient comme but que le partage du pouvoir avec les personnalités « débauchées » de l’opposition. En contrepartie, le « raïs » espérait arracher la révision constitutionnelle particulièrement de l’article 70 – dont le premier alinéa énonce que la durée du mandat présidentiel est de 5 ans renouvelable une fois – et de l’article 220 qui prohibe « toute révision constitutionnelle » qui concerne notamment le nombre et la durée des mandats présidentiels.

« Joseph Kabila » et les « professeurs » qui peuplent son « clan » doivent revoir leur stratégie. Et pour cause, la véritable « opposition » congolaise est désormais incarnée non pas par quelques pique-assiettes mais par la puissante Eglise catholique. Ici, personne n’ose parier le moindre franc congolais sur la ferme volonté du successeur de Mzee de garantir l’alternance démocratique par des élections libres, transparentes et apaisées. Qui ne pourrait comprendre que She Okitundu perde son sang-froid. Il y a péril en la demeure…

 

Baudouin Amba Wetshi
© Congoindépendant 2003-2018

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