Des changements climatiques et la guerre de l’eau

Gaston Mutamba Lukusa

La consommation mondiale d’eau a plus que doublé depuis 1900. L’eau douce disponible pour les usages humains représente 0,3% des eaux terrestres, qui ne représentent elles-mêmes que 3% des eaux de la planète. Dans des régions d’Afrique du Nord et du Moyen Orient, l’homme exploite 120% de la production d’eau (et surexploite ainsi les eaux souterraines qui ne se renouvellent plus). Une Africaine parcourt en moyenne 6km par jour pour approvisionner sa famille en eau. Un africain consomme en moyenne 30 litres d’eau potable par jour, contre 250 litres pour un européen et 600 litres pour un américain.

Les déserts recouvrent plus du tiers des terres émergées et ils avancent à un rythme préoccupant: la désertification gagne l’équivalent de la surface de la Belgique chaque année. Ce n’est pas pour rien qu’on évoque régulièrement le déclenchement des guerres en vue de contrôler l’approvisionnement en eau douce.

Il y a le projet TRANSAQUA qui vise le transfert d’eau interbassins au départ de certains affluents du fleuve Congo vers le lac Tchad par un canal qui utiliserait la vallée du fleuve Chari, principal tributaire du lac. C’est comme cette autre initiative consistant à capter l’eau à l’embouchure du fleuve Congo et à l’acheminer par pipeline ou aqueduc vers l’Afrique du Sud en proie régulièrement à la sécheresse. Il est envisagé un aqueduc qui peut supporter un débit de 10m³ par seconde. La grande crainte est de voir un jour la communauté internationale imposer ces deux projets à la RD Congo sous la menace des canons ou d’un embargo économique et financier.

ATTENTION AUX CONVOITISES

C’est connu, les ressources naturelles de la République Démocratique du Congo sont d’une richesse et d’une variété extraordinaires. Le sous-sol abonde de plusieurs minerais. Le pays possède un riche bassin hydrographique par suite d’une abondance et d’une régularité des pluies. Le bassin du fleuve Congo est le deuxième du monde (après celui de l’Amazone) par son étendue. Les eaux atteignent à l’embouchure du fleuve Congo entre 70 et 80.000m³ par seconde. Le pays est aussi doté de vastes étendues de terres d’une superficie de 2,3 millions de km² dont 35% sont fertiles. A ceci il faut ajouter une bonne pluviométrie ainsi que de nombreux cours d’eau poissonneux, à savoir fleuves, rivières, lacs.

Les experts estiment que si ces terres étaient mises en valeur, elles pourraient contribuer à nourrir près de quatre milliards de personnes, soit environ la moitié de l’humanité. Malheureusement, bien que 35% des terres, à savoir 80 millions d’hectares sont jugés propres à l’agriculture, il n’y a que 10 millions d’hectares seulement, soit moins de 15% qui sont effectivement consacrés aux cultures et aux pâturages. Le potentiel agricole demeure donc inexploité.

Il en est de même des énormes possibilités existantes dans les domaines de la foresterie. Le pays possède plus de 170 millions d’hectares de forêts naturelles dont la majeure partie n’est pas encore touchée. Ces forêts représentent près de 10% de l’ensemble des forêts tropicales du monde et 45% de celles de l’Afrique.

IL FAUT PRESERVER LA BIODIVERSITE

La RD Congo se classe parmi les 10 pays de la méga biodiversité du monde avec 480 espèces de mammifères, 565 espèces d’oiseaux, 1.000 espèces de poissons, 350 espèces de reptiles, 220 espèces de batraciens et plus de 10.000 angiospermes dont 3.000 seraient endémiques.

Mais tout ce capital n’a pas été épargné par les divers conflits et leurs effets dévastateurs sur la faune et la flore. Des milliers d’hectares de forêts sont dégradés, entraînant la perte de la biodiversité. Les aires protégées font l’objet de spoliation, de contrebande et de braconnage. Il y a aussi envahissement de la population en quête de logement ou pour des champs. Les guerres successives que le pays connaît se traduisent par la destruction de l’environnement et de l’écosystème.

Les groupes armés s’illustrent non seulement par le déboisement des forêts mais aussi par le braconnage d’éléphants, de gibiers et d’espèces rares dans les réserves naturelles protégées que sont les parcs Virunga, Kahozi-Biega, Okapi, Garamba et Rwindi. Les quatre premiers parcs cités ont pourtant été désignés par l’UNESCO comme sites du patrimoine mondial.

Une bonne gestion des ressources naturelles permettra de lutter contre la pauvreté et de préserver l’environnement mondial. Le monde est aujourd’hui confronté à l’augmentation des concentrations de gaz à effet de serres (GES) dans l’atmosphère qui est à l’origine du phénomène du changement climatique. La RD Congo avec ses forêts peut contribuer à l’atténuation de ces effets pervers. L’Afrique représente moins de 4% des émissions mondiales des gaz à effet de serres. Mais d’après les experts, c’est elle qui subit de plein fouet les effets du changement climatique: désertification, inondation, sécheresse, crises sanitaires, destruction des écosystèmes naturels.

La RD Congo n’est pas à l’abri des changements climatiques. Dans sa forme sévère, les conséquences peuvent se résumer à ceci:

  • Impact sociétal: afflux massif de migrants dû à la pénurie d’eau dans les zones arides de l’Afrique;
  • Impact géopolitique et sécuritaire: pression des pays limitrophes pour les ressources de la RD Congo (eau, forêt, terres arables). On le voit déjà avec l’arrivée des éleveurs Mbororo qui viennent faire paître leurs troupeaux;
  • Impact économique et agricole: réduction des ressources en eau pour l’hydroélectricité, diminution des ressources de pêche, baisse des rendements agricoles, avancée de la désertification.

 

Gaston Mutamba Lukusa

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