Des morts de trop

POUR UNE ARMÉE RÉPUBLICAINE, UNE POLICE CITOYENNE ET DES SERVICES DE SÉCURITÉ AU SERVICE DE L’ÉTAT ET DE LA NATION

 

Gilbert Kiakwama kia Kiziki

Rossy Mukendi, Eric Boloko, Thérèse Kapangala, Hussein Ngandu, Serge Kikunda… sont autant de jeunes congolais prometteurs, lâchement tués par des hommes et femmes en uniforme parfaitement identifiés et dont on attend les arrestations puis des jugements exemplaires.

Il est temps que les Forces armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) et la Police Nationale congolaise (PNC) prennent conscience que nous sommes fatigués de présenter des condoléances aux familles endeuillées.

Au porte-parole de la PNC qui aime raconter des fables macabres sur la RTNC, j’aimerais citer ce proverbe kongo: Bafuidi ku nvita, kabena lutangu ko. Kansi Babuta bana bazebi lutangu. En somme et en contextualisant: « Si lui a des difficultés à compter les morts causés par les forces en uniforme, qu’il soit certain que les parents qui ont perdu leurs enfants eux, savent les compter ». Il faut dès lors, nous épargner ces fables et simplement cesser de tuer des manifestants pacifiques et sans armes. Nous ne sommes pas des animaux et vous n’êtes pas à la chasse! Il faut, cher officier supérieur, prendre note, et je l’avais dit en Octobre 2017, que les congolais sont excédés et déterminés. La mort de tous ces jeunes gens appellera aussi, après les élections démocratiques, à une profonde réforme de l’Armée, de la Police et des Services de notre pays.

Vu les morts causés par les balles d’hommes en uniforme; vu le mépris des règles d’engagement élémentaire en République; vu l’absence de maîtrise du feu en temps de paix; vu l’utilisation disproportionnée des armes létales; vu les voies de faits causées par les troupes en uniforme; vu l’implication d’officiers dans des menaces ou des tabassages de prêtres; vu la profanation de lieux saints; vu l’absence d’éthique, de morale et d’humanisme des troupes sur les images diffusées; vu les tirs mortels sans sommations, tendus, pour donner la mort à des compatriotes mains nues dont l’unique tort est de réclamer une vie meilleure et leur droit de choisir leurs dirigeants lors d’élections pluralistes, transparentes, libres et équitables; vu les mutilations de citoyens causées par des hommes en uniforme; vu les arrestations arbitraires; vu les violations de domiciles; vu les enlèvements de jeunes, membres de mouvements citoyens ou non; vu la séquestration des corps des victimes; vu l’usage abusif et suffocant des gaz lacrymogènes… Il est impérieux que nous rappelions à tous les officiers supérieurs et subalternes, ayant une once de formation, l’engagement vrai qui doit être le leur pour notre Etat, nos Forces Armées et notre Police, dont il y a lieu de reconnaître que les tentatives de réformes ont manifestement échoué suite aux brassage, mixage, incorporation, intégration, mutations successives, redéploiement et dons de grades.

Quels sont vos devoirs républicains pour nos FARDC et notre Police Nationale?

  1. Lutter contre la dislocation de notre Etat-Nation et garantir la stabilité des institutions démocratiques.
  2. Lutter pour la méritocratie: les grades, les formations, les affectations, les réaffectations devront se faire à l’avenir avec un plan directeur, des références militaires et policières certaines et vérifiables.
  3. Veiller à la cohésion et à l’adhésion du peuple. Hier les troupes de l’AFDL se sont promenées d’Est en Ouest au Zaïre, uniquement parce que le Peuple voulait le changement. Il voulait l’alternance. Aujourd’hui aussi, ce peuple réclame l’alternance politique et son droit de s’exprimer pacifiquement. La police et l’armée doivent cesser d’être ce lieu où on déverse la misère de notre société ou celle des Etats voisins. Lieu où tous les rebelles de la terre ont droit de cité! Que ceux d’entre vous qui ont étudié, consenti à de nombreux efforts pour passer des examens fastidieux, restent inébranlablement républicains et comprennent les revendications du peuple congolais pour l’Etat de droit, la démocratie, les droits de l’homme, les libertés des citoyens et l’organisation régulière des élections! Vous êtes censé être nos fils, nos filles, nos frères, nos sœurs, et nos parents les plus valeureux, les plus intelligents, les plus capés, les plus vaillants: « Servez donc la nation, selon ses règles. Rien d’autre« . Les Etats voisins, qui ont déversé leurs ressortissants dans nos rangs doivent se rassurer que leur sécurité sera demain garantie par des mécanismes de coopération bilatéraux et régionaux efficients. Ils devront rappeler leurs nombreux ressortissants en détachement, chez eux. C’est un souhait déterminé et UNANIME des congolais.
  4. Nos Officiers généraux et supérieurs doivent veiller au parfait entraînement et encadrement des troupes car, au vu des trop nombreux morts par balles, il apparait que certains officiers des FARDC et de la PNC sont sans formations requises et totalement déconnectés de la troupe pour encadrer fermement leurs hommes et arriver à préserver les vies des manifestants pacifiques! Ces millions de congolais qui battent le pavée, à travers le pays, se battent également pour le mieux-être des Officiers Congolais et celui des Hommes de troupe.
  5. L’Armée et la Police ne doivent pas souffrir des commandements défaillants, des commandements multiples. Seuls l’ordre et la compétence devraient être les critères pour encadrer nos troupes déployées sur la voie publique, au front ou dans des missions internationales.
  6. L’Armée et la Police devront éradiquer l’affairisme. Beaucoup d’officiers supérieurs sont comme jadis, au vu et au su de leurs subalternes et du gouvernement complice, devenus des hommes d’affaires pour ne pas dire des négociants ou des facilitateurs!
  7. L’Armée et la Police doivent lutter contre l’indiscipline. L’indiscipline est visible partout: notre troupe abandonnée à elle-même et découragée déambule dans les rues, se comporte mal dans les transports en commun, dans nos régions, dans les opérations de maintien de la paix ou au front.
  8. L’Armée et la Police doivent rétablir l’éméritat. Les plus valeureux d’entre les officiers, les plus républicains d’entre eux devront être cités en exemples. Nos jeunes soldats, nos jeunes policiers ou officiers n’ont plus de modèles. Les Botheti, Mosala, Amela, Ipoma, feu Nzanza, feu Ilunga Shamanga, feu Mamadou Ndala, feu Lucien Bahuma sont voués aux gémonies et aujourd’hui, inutile à une Nation qui les a formés et qu’ils aiment ou aimaient viscéralement. Pendant que sous d’autres cieux on célèbre les Rawlings, les Obasanjo, les Amani Toumani Touré, les Foch, les Montgomery, les Patton… N’avons-nous pas d’Officiers congolais capables de prendre la mesure de ce qu’est l’INTERET NATIONAL? La vaillance et la fidélité doivent toujours être tournées vers la Nation. Car, les hommes politiques passent; la Nation et les institutions demeurent!

Chers frères en armes, préservez-vous! Préservez vos carrières au service de l’Etat et de la Nation.

Aujourd’hui comme demain, et tenant compte de la prééminence relative des questions sécuritaires ces deux dernières décennies, les gouvernants qui sortiront des urnes démocratiques devront discuter et arrêter un plan stratégique général de notre Armée, de notre Police et de nos Services d’intelligence. Car sans une sécurité professionnelle et dissuasive, la République Démocratique du Congo n’aura pas la paix ni la stabilité nécessaires à son développement durable! Le gouvernement démocratique futur devra avoir un plan directeur abouti sur le recrutement, l’encadrement, le financement, les priorités logistiques ainsi qu’une gestion efficace des ressources humaines.

La période électorale transparente et apaisée que nous souhaitons doit être l’occasion de confronter nos options fondamentales pour notre pays. Ceci est vrai s’agissant des domaines militaire, sécuritaire et policier que je viens d’évoquer mais, en réalité nos réformes devront concerner l’ensemble des domaines d’activités de l’Etat. Oui, « Kabila doit partir ». Mais, il faudra constituer une alternative crédible. Une alternative politique capable de changer l’Etat congolais et la vie de nos concitoyens au-delà d’un changement de personnel politique. Le défi pour la classe politique congolaise est de changer de système!

Nous ne pouvons plus compter sur ces « dirigeants » incapables de protéger nos vies et qui tolèrent l’assassinat de tous ces jeunes citoyens sans armes. Donnons la parole au peuple congolais à travers des élections libres, transparentes, justes, démocratiques et dans les meilleurs délais. Il faut partir sereinement. Le peuple gagne toujours disait Rossy Mukendi!

Kinshasa, le 1er Mars 2018.

 

Gilbert Kiakwama kia Kiziki
© Congoindépendant 2003-2018

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