Diplomatie congolaise: Marie Tumba Nzeza, ministre sans pouvoir…

Lors des travaux de la Conférence nationale souveraine (1991-1992), Mgr Laurent Monsengwo Pasinya, alors président du Bureau de la CNS, avait l’habitude de « réprimander » les gouvernants zaïrois de l’époque qui passaient leur temps à se lamenter. « Celui qui détient le pouvoir ne se plaint pas. Il agit », disait-il. Jeudi 8 avril, les auditeurs de radio « Top Congo » ont suivi, avec peine, les jérémiades de la ministre sortante des Affaires étrangères. Marie Tumba Nzeza a avoué son impuissance – devrait-on parler d’incompétence? – face aux menaces d’expulsion, de leurs résidences, qui planent sur les diplomates congolais. Ceux-ci n’ont plus payé les loyers de leurs habitations depuis huit mois. La ministre dit avoir tout essayé. Sans succès. Un aveu d’incompétence?

Dans un langage un peu embrouillé, la ministre des Affaires étrangères en affaires courantes a annoncé que tous les diplomates congolais sont menacés par les propriétaires de leurs habitations. En cause, le non transfert de frais de fonctionnement depuis huit mois. « Toutes les chancelleries sont concernées », a-t-elle précisé avec une pointe de d’irresponsabilité. Le Congo « entretient » à l’étranger 61 postes diplomatiques (ambassades et consulats généraux).

Les auditeurs de ce média kinois ont entendu un membre du gouvernement – qui est responsable de son ministère – faire étalage de son impuissance à résoudre les problèmes qui se posent au sein de son département. Marie Tumba assure avoir entrepris des démarches notamment auprès du Premier ministre. « Ça n’a pas abouti », a-t-elle fait remarquer. Comme pour souligner qu’il s’agissait d’une situation générale, elle releva que, depuis un certain temps, les ministères ne reçoivent pas non plus les frais de fonctionnement. « Mes prédécesseurs disposaient d’une dotation. Mais depuis que nous sommes là, nous ne recevons rien ». C’est un membre du gouvernement qui parle. A quel niveau se situe le « blocage »? Est-ce au ministère des Finances? Est-ce au ministère du Budget? Réponse: « Je ne sais pas! ».

Le ministère des Affaires étrangères fait partie de ce qu’on appelle les « ministères de souveraineté ». A savoir notamment: le ministère de l’Intérieur, le ministère des Finances, le ministre de la Défense et le ministère de la Justice. On pourrait ajouter à cette liste la Banque centrale (la monnaie). Et pourquoi pas le ministère des Mines?

« LA DIPLOMATIE, C’EST L’APPARAT« 

Dans le Lexique de Science politique (Dalloz), la souveraineté est définie comme étant « la prérogative que possède l’Etat d’exercer une domination légitime, inaliénable et impersonnelle sur une population déterminée et sur un territoire délimité ». Autre définition: « Pouvoir suprême reconnu à l’Etat, qui implique l’exclusivité de sa compétence sur le territoire national et son indépendance internationale, où il n’est limité que par ses propres engagements » (Le petit Larousse Illustré).

Pour préserver sa souveraineté, Tout Etat a besoin d’une armée forte, moderne, bien équipée pour assurer la défense de son territoire. Il a besoin également d’envoyer des diplomates à l’étranger (ambassades et consulats généraux). Outre la mission de représenter, les diplomates sont chargés d’observer et d’informer l’Etat d’envoi tout en assurant la protection des nationaux dans le pays d’accueil.

Ministère des affaires étrangères

« La diplomatie, c’est l’apparat », disait un ancien chef du Protocole français. On ne peut faire de la diplomatie sans ressources financières. Encore moins, sans un personnel hautement qualifié. Dans sa mission d’informer l’Administration centrale, le diplomate commence sa journée par s’informer lui-même. Parcourir les journaux constitue le premier acte que tout diplomate pose dès qu’il franchit la porte de son bureau. Après lecture et des contacts, il rédige un rapport au ministère des Affaires étrangères. Comment pourrait-on acquérir des journaux et autres publications sans argent? Comment pourrait-on offrir une tasse de café ou un repas à un collègue étranger sans le sou? En clair, les missions diplomatiques congolaises ont cessé, depuis belle lurette, d’être l’œil et l’oreille du pays à l’extérieur.

Sous le Zaïre de Mobutu, l’Etat affectait, chaque mois, une somme de trois millions de dollars américains au fonctionnement des postes diplomatiques. Les difficultés ont commencé à partir de 1992. Et ce suite non seulement à la crise politique mais surtout au déclin de la Gécamines qui était la grande pourvoyeuse en devise forte.

MARIE TUMBA NZEZA, UNE « ERREUR DE CASTING »

Durant la « transition démocratique » (1990-1997), le ministère des Affaires étrangères a vu défiler à sa tête plus d’une dizaine de ministres (Didier Mushobekwa Kalimba wa Katana, Bagbeni Adeito, Inonga Lokongo L’Omé, Ipoto Iyebu Bakandasi, Pierre Lumbi Okongo, Buketi Bukayi, Gérard Kamanda wa Kamanda, Vincent de Paul Lunda Bululu, Jean-Marie Kititwa Tumansi). La plupart de ces « excellences » n’ont « excellé » que dans l’art de gonfler le nombre de diplomates à l’étranger par l’affectation des parents, amis et partisans. Clientélisme politique oblige! La grande majorité de ces ministres se sont limités à diagnostiquer les « maux » dont souffre la diplomatie zaïro-congolaise: personnel pléthorique et soixante et une missions diplomatiques. Pour promouvoir quels intérêts? Avec quels moyens?

L’arrivée de l’Udps Marie Tumba Nzeza à la tête de ce ministère régalien avait suscité un espoir de changement. D’ailleurs, le Premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba avait donné le ton. La « redynamisation de notre diplomatie et réhabilitation de son image de marque », constituait le « Pilier 3 » du programme de son gouvernement présenté en septembre 2019 devant l’Assemblée nationale.

Au cours de la réunion du Conseil des ministres du 14 août 2020, le président Felix Tshisekedi Tshilombo avait instruit la ministre des Affaires étrangères de « lui faire rapport » sur la situation des représentations diplomatiques du pays. Et alors?

Après 16 mois passés à la tête de ce ministère de souveraineté, « Mama Tumba » n’a amorcé aucune réforme significative tant à l’Administration centrale que dans les postes. Ni modernisation et renforcement de l’efficacité de l’Administration centrale. Ni « dégraissage » des missions diplomatiques. Ni réduction d’un personnel pléthorique. Le constat est là: Marie Tumba Nzeza aura été un ministre sans pouvoir. Bref, une « erreur de casting ». Procès d’intention? Assurément pas!

 

B.A.W.

Happy
Happy
0 %
Sad
Sad
0 %
Excited
Excited
0 %
Sleepy
Sleepy
0 %
Angry
Angry
0 %
Surprise
Surprise
0 %