Document: Quand Laurent Nkunda expliquait le sens de son combat…

Rebel General Laurent Nkunda (C) walks in the courtyard of a house after a speaking with the international press on November 2, 2008 in the north eastern Congolese town of Kitshoumba days after his army belonging to the National Congress for the Defence of the People (CNDP) pushed their way to the outskirts of Goma. Renewed fighting broke out August 28 in eastern DRC, with government troops and Nkunda's CNDP violating the ceasefire reached under the Goma peace accord in January. AFP PHOTO/Roberto SCHMIDT

« Les Forces armées de la RDC contrôlent totalement la zone Goma-Kiwanja, Runyoni et Tshanzu, abandonnée par les rebelles du M23 ». C’est la déclaration faite le mercredi 6 novembre, par le général au cours du point de presse hebdomadaire de la Monusco, le général brésilien Carlos Alberto Dos Santos, commandant de la Force onusienne. Celui-ci a souligné que l’armée congolaise, appuyée par les troupes onusiennes, était occupée à « consolider » leurs positions. La veille, « Joseph Kabila » est rentré au pays, via Lubumbashi. Il revenait de Pretoria en Afrique du Sud où il a pris part, lundi au sommet conjoint des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) et de la Conférence internationale sur la région des Grands lacs (CIRGL). Les dirigeants africains présents ont exhorté tous les pays signataires de l’Accord-cadre signé le 24 février dernier à Addis Abeba « à mettre en œuvre les engagements » contenus dans ce document. Celui-ci met l’accent notamment sur la « réconciliation nationale et la tolérance ». Tous les observateurs sont unanimes à reconnaître que sans les « fortes pressions » euro-américaines sur le Rwanda de Paul Kagame, la rébellion du M23 n’aurait pas été vaincue « aussi aisément ». Pour ces mêmes observateurs, au lieu de faire des « libations » pour « fêter » la « victoire » des FARDC, les dirigeants congolais devraient, sans attendre, identifier les causes objectives de l’instabilité cyclique qui secoue la partie orientale du Congo-Kinshasa en général et la province du Nord Kivu en particulier. Objectif: promouvoir une paix durable. Il n’est pas exclu que les gouvernants congolais fassent l’objet des pressions de la part de la « communauté internationale » afin de signer un « accord » avec l’ex-rébellion.

Sans émettre un jugement de valeur, Congo Indépendant publie à nouveau l’interview réalisée, en septembre 2007, avec Laurent Nkunda Mihigo. L’homme y explique le sens du combat des membres de la communauté Tutsie. « Je ne protège pas les Tutsi. Je plaide leur cause. Il y a une cause tutsie qui n’a jamais été défendue dans cette République, déclarait-il en substance. Il y a des gens qui ne savent pas s’ils sont Congolais ou Rwandais. Depuis des années, ils naviguent entre le Rwanda et le Congo ». Débat.

Vous êtes un homme plutôt mal connu. Qui êtes-vous?

Je suis né dans le Territoire de Rutshuru précisément dans la collectivité de Bwito, localité de Mirangi. J’ai fait mes études à l’université de Kisangani à la fin des années 80. C’est au cours de l’année académique 1987-1988 que je suis arrivé dans la ville. Parmi mes anciens camarades d’études, il y a par exemple Justin Kabongo qui est actuellement professeur assistant à la même université. Après Kisangani, j’ai poursuivi mes études à l’université (adventiste) de Mudende, au Rwanda. J’ai quitté le Rwanda en 1990 lorsque le Front patriotique rwandais (FPR) a déclenché les combats. Je suis marié et père de six enfants. Mon épouse est originaire de la Province orientale. Son père travaille à la RVA (Régie des voies aériennes). Il est en poste à l’aéroport de Simi Simi.

Après vos études, quel a été votre parcours professionnel?

J’ai enseigné dans un institut d’enseignement secondaire mis sur pied par les responsables du parc national de Virunga. J’y donnais le cours de psychopédagogie. J’ai été enseignant également à Kitshanga.

Je tiens à vous prévenir que j’aurai à vous poser des questions parfois dérangeantes. J’espère que vous êtes prêt à jouer le jeu…

Il n’y a pas de questions taboues pour moi!

Quelle nationalité portez-vous au moment où nous parlons?

La nationalité congolaise! Je n’ai jamais sollicité l’obtention d’une autre nationalité. Je n’ai jamais renié ma qualité de Congolais même lorsque j’étais enrôlé dans l’APR (Armée patriotique rwandaise) en 1993. J’ai fait partie de l’armée rwandaise pour des raisons strictement idéologiques. Révolutionnaires. Au Rwanda, les autorités pourront vous confirmer que « Laurent » a servi au sein de l’APR en tant que Congolais.

Pourquoi avez-vous rejoint l’APR alors que vous revendiquez votre statut de Congolais?

En 1990, je quitte le Rwanda. Je suis rentré à Goma. Pendant que la guerre faisait rage au Rwanda, tous les jeunes zaïrois, issus de l’ethnie tutsie, faisaient l’objet de diverses tracasseries policières. Ils étaient accusés d’être des « Inkothanyi », autrement dit des complices du FPR. Il devenait de plus en plus difficile de se mouvoir dans la ville. Ayant constaté que nous n’étions pas accepté comme des citoyens zaïrois à part entière, il ne nous restait plus qu’à rejoindre le Front. En 1992, j’ai rejoint la branche politique du FPR.

Avez-vous personnellement été menacé – à l’époque du Zaïre de Mobutu – du fait de votre appartenance à la communauté tutsie?

Non! Nous avons été menacés pendant un certain temps lorsque la guerre rwandaise a commencé à partir du mois d’octobre 1990. Cette situation peut être expliquée par l’amitié qui existait entre Mobutu et Habyarimana. Je peux vous dire cependant que je garde personnellement un excellent souvenir de l’époque de Mobutu durant laquelle tout le monde jouissait de la liberté d’aller et de venir aux quatre coins du Zaïre d’alors. J’en garde un grand souvenir. J’ai toujours répété aux gens qu’on devrait suivre l’exemple de Mobutu dans le « management » de toutes les ethnies du pays. Au sein du CNDP (Congrès national pour la défense du peuple, ndlr), nous considérons cette méthode comme un modèle de leadership à suivre. A cause de ses affinités avec Habyarimana, Mobutu a, au cours des dernières années de son régime, perdu « un peu » le contrôle des provinces du Kivu où des extrémistes se sont lancés dans le tribalisme.

Où étiez-vous durant le génocide rwandais de 1994?

J’étais déjà dans l’armée rwandaise. J’étais sous-officier.

Le FPR a pris le pouvoir à Kigali en juillet 1994. Qu’avez-vous fait après?

Après le génocide, des contacts ont été amorcés avec André Kisase Ngandu en vue de la mise sur pied de l’AFDL (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre). Six à sept mois avant le déclenchement de la guerre dans les provinces du Kivu, j’ai fait partie des officiers chargés d’encadrer les combattants – Zaïrois et ceux issus du maquis de Ruwenzori – envoyés en formation dans le Parc de l’Akagera.

Dans une interview accordée au quotidien bruxellois « Le Soir », vous affirmez avoir assuré la sécurité de Joseph Kabila à Kisangani durant la guerre de l’AFDL…

Après la « libération » de Kisangani en mars 1997, j’avais en charge la sécurité de cette ville. C’est à ce titre que l’on m’a présenté « Joseph » comme étant le fils de mon « boss ». Je devais assurer sa sécurité. Il logeait à l’hôtel Palm Beach. A l’époque, il était très discret. Calme. Il savait écouter. L’homme avait soif d’apprendre. Il était très sympathique. Malheureusement, nous ne nous sommes plus revus depuis ce temps.

Le 17 mai 1997, les troupes de l’AFDL font leur entrée à Kinshasa. Quelle fonction avez-vous assumée après la « libération »?

Après la guerre, j’ai été désigné « S2 », c’est-à-dire responsable des renseignements à la 7ème brigade à Kisangani. En juin 1998, j’ai été affecté à Walikale, au Kivu, dans la 224ème brigade dirigée par le commandant Ali Gisatero.

Fin juillet 1998, c’est la rupture entre le président Laurent-Désiré Kabila et ses parrains rwandais et ougandais. Que faites-vous?

Je me trouvais à Walikale. Je n’avais aucun contact avec Goma. C’est à partir de Walikale donc que j’ai appris que les jeunes soldats banyarwandas présents à Kisangani ont été massacrés. A la tête d’un groupe de militaires, j’ai « libéré » Kisangani le 23 août 1998. A l’époque, je n’avais eu aucun contact avec le staff dirigeant du RCD (Rassemblement congolais pour la démocratie). Je ne connaissais ni le général Ondekane encore moins le général feu Sylvain (Ndlr, Sylvain Buki).

Je vais peut-être sauter une étape pour arriver à la mise en place des institutions de transition à partir du 30 juin 2003. Pourquoi avez-vous rechigné de rejoindre Kinshasa après votre intégration dans l’armée nationale congolaise?

Pour comprendre mon histoire, il me semble qu’il faut partir de la fin du Dialogue intercongolais dont les travaux se sont achevés à Sun City, en Afrique du Sud, le 22 décembre 2002. De retour de Sun City, le collège des fondateurs du RCD convoque une réunion à Goma. Tous les officiers sont présents. L’objectif est de restituer les négociations politiques de Sun City. J’ai à cette occasion soulevé une préoccupation. A savoir que cette réunion a certes abouti à un accord politique se limitant à un partage de postes. En revanche, il n’y avait pas d’accord militaire. En clair, les parties se sont accordées sur rien en matière militaire et sécuritaire. Le président du RCD, Azarias Ruberwa, m’avait laissé entendre qu’une commission ira à Kinshasa pour traiter de ces questions. J’ai suggéré en vain que cet accord militaro-sécuritaire soit signé avant notre arrivée à Kinshasa. Je lui ai fait observer que, dans le cas contraire, il n’y aura pas de garantie du fait qu’il ne sera pas le chef suprême de l’armée dans la capitale. Voilà pourquoi je me suis abstenu de rejoindre Kinshasa. Et ce, pour de ne pas être victime de l’arbitraire. Les faits me donnent raison. L’arbitraire continue à régner jusqu’à ce jour. L’armée est gérée de manière monolithique. Les combattants issus des ex-forces belligérantes devaient être régis par des textes élaborés d’un commun accord. J’avais prévenu Ruberwa. Il ne m’avait pas entendu.

D’aucuns vous accusent d’avoir commis des atrocités à Kisangani en 2002 à l’occasion de la répression d’une mutinerie. Que répondez-vous?

On m’a toujours fait un mauvais procès sur mon intervention à Kisangani. J’ai quitté le chef-lieu de la Province orientale en y laissant une bonne impression. J’ai fait plus de quatre ans à Kisangani. J’étais l’officier le plus écouté de cette ville. La mutinerie de Kisangani a commencé au moment où j’étais en formation à l’académie militaire au Rwanda. J’ai été désigné pour accompagner le général Amisi « Tango four », alors chef d’état-major de l’armée du RCD, qui devait mettre fin à ce soulèvement. Peut-on franchement m’imputer des actes qui ont été commis sous la supervision du chef d’état-major du RCD?

En juin 2004, vous êtes stigmatisé comme l’organisateur d’une mutinerie à Bukavu…

En 2004, je n’assumais aucune fonction militaire. J’étais à la tête d’une organisation non gouvernementale dénommée « Synergie nationale pour la paix et la concorde » dont le siège se trouvait à Goma. La mutinerie de Bukavu a eu pour détonateur le bras de fer entre le colonel {Jules} Mutebusi et son chef hiérarchique le général Budja Mabe. Le conflit a fini par dégénérer en affrontements armés dans la ville. Les Banyamulenge vivant à Bukavu devaient faire l’objet d’une rafle. En ce moment, je me trouvais en Ituri pour tenter de réconcilier les Lendu et les Hema. J’avais engagé des pourparlers avec des milices de l’Ituri afin d’arrêter le massacre des Bahema. De même, j’avais pris langue avec le général Kakolele Bwambale. Celui-ci devait m’apporter son concours grâce à ses relations avec les Balendu. C’est en Ituri que j’apprendrai que les « Banyamulenge » de Bukavu étaient menacés. Voilà pourquoi, j’ai pris la décision d’intervenir. Nous avons amené au Rwanda les 1 500 Banyamulenge qui résidaient à Bukavu. Après, je me suis replié sur Goma.

Comment avez-vous fait pour mobiliser des soldats alors que vous n’étiez que le président d’une ONG?

Comme vous le savez, j’ai été le commandant de la deuxième région militaire du RCD au Nord Kivu. Une fonction que j’exerçais encore trois mois auparavant. C’est ainsi que je n’ai éprouvé aucune peine à mobiliser des combattants.

Vous aimez bien vous présenter en « défenseur de vos frères Tutsi ». N’est-ce pas une erreur de communication en tentant d’attraper les mouches avec du vinaigre?

Il ne faut pas qu’on se cache la vérité. Là où je me trouve, je ne protège par les Tutsi. Je plaide leur cause. Il y a une cause tutsie qui n’a jamais été défendue dans cette République. Il y a des gens qui ne savent pas s’ils sont Congolais ou Rwandais. Depuis des années, ils naviguent entre le Rwanda et le Congo. Il y a des réfugiés qui sont au Rwanda, en Ouganda et au Burundi. Aucun officiel congolais n’a jamais pris la peine de se pencher sur leur situation. Je me dis qu’il faut plaider pour ce peuple pour qu’il ne soit pas exclu de la République. J’ai le malheur d’être Tutsi comme ces gens. Reste que je fais un grand travail. J’ai convaincu beaucoup d’autres officiels, civils et militaires – qui ne sont pas issus de la communauté tutsie – sur la nécessité de plaider cette cause. Je les ai sensibilisé sur le travail que je fais qui ne se limite pas uniquement à défendre les Tutsi mais surtout parce que ceux-ci n’ont pas de défenseur.

C’est un « malheur » d’être Tutsi, selon vous?

Ce n’est pas un malheur! Malheureusement, c’est un malheur qu’on peut créer. Aujourd’hui, il y a d’une part des Tutsi qui ont honte de leur origine. De l’autre, il y a des gens qui les ostracisent. Je ne pense pas qu’être Tutsi est un malheur parce que nous avons été créés par le même Dieu.

Qui, selon vous, menace la vie des membres de la communauté tutsie du Congo?

La menace ne se situe pas au niveau de la population. C’est au niveau des pouvoirs publics. A titre d’exemple, lorsque la guerre a repris en août 1998, plusieurs officiers tutsis avaient refusé de prendre l’avion avec James Kabarebe et des Rwandais. Ces officiers étaient notamment à Kinshasa, à Kamina et à Kisangani. Sans oublier Lubumbashi. Ils ne voulaient en aucun cas être confondus avec les officiers rwandais. Savez-vous ce qu’ils sont devenus? Ils ont été massacrés. Certains ont été brûlés vifs dans la capitale. Le gouvernement congolais constitue la première menace qui plane sur les Tutsi. Le gouvernement doit changer sa façon d’agir. La deuxième menace émane des FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda) qui ont transplanté leur politique d’extermination des Tutsi, du Rwanda vers le Nord et le Sud Kivu. Les FDLR ont fini par intoxiquer d’autres Congolais. C’est le cas notamment des Bashi et des Bahutus du Congo. Certains parmi ceux-ci ont adhéré à cette idéologie. Nous pensons que la réconciliation entre Congolais doit être une priorité. Il faut commencer par faire rapatrier les FDLR au Rwanda. Voilà une piste pour le retour de la paix au Congo.

Pendant plusieurs années, l’armée rwandaise avait occupé les provinces du Kivu. Comment n’a-t-elle pas pu régler définitivement cette question des FDLR?

Cette question est simple. A l’époque, les FDLR bénéficiaient d’un soutien total du gouvernement congolais. Ils participaient aux combats aux côtés des troupes congolaises. Ils étaient même incorporés dans l’armée congolaise. Aujourd’hui, les FDLR continuent à bénéficier du soutien des autorités congolaises.

Pouvez-vous citer des faits susceptibles d’étayer ce soutien?

C’est très facile. Durant la guerre rwando-congolaise à savoir RCD contre le gouvernement de Kinshasa, les FDLR combattaient aux côtés des troupes congolaises revêtus du même uniforme. Aujourd’hui, nous sommes en train de nous battre. Suivez les nouvelles. La radio Okapi rapporte que la semaine passée, le vendredi ou le samedi, les troupes des FDLR ont occupé la localité de Ngungu dans le Masisi. Le même jour, le Conseil des ministres réuni à Kinshasa annonce que les troupes gouvernementales ont libéré Ngungu. Je peux vous faire parvenir des preuves des munitions que nous avons interceptées sur la route Rutshuru-Ishasha. Elles étaient destinées aux FDLR. A Rutshuru, il n’est plus un secret pour personne. Les FDLR portent les tenues des FARDC. Le gouvernement congolais n’a jamais traité les FDLR comme une « force négative ». C’est pour toutes ces raisons que les forces onusiennes hésitent à intervenir aux côtés des FARDC.

Les FDLR ont annoncé que 12.000 soldats rwandais se battraient aux côtés de vos combattants. Qu’en dites-vous?

Ce sont des allégations parfaitement fausses. Ce sont des militaires mixés qui se battent entre eux. Les troupes rwandaises ne sont pas au Congo.

La MONUC dit avoir surpris vos combattants en tenue de l’armée rwandaise?

Pour nous, la tenue ne sert qu’à nous protéger contre le froid. Nous portons la tenue que nous trouvons sans nous préoccuper de son « identité ». Nous avons des uniformes belges, sud-africains, FARDC et autres tenues de camouflages. Lorsque le RCD est parti à Kinshasa, c’est moi qui étais chargé de gérer le stock des uniformes y compris les armes.

Vous pouvez comprendre, dès lors, que l’opinion congolaise vous suspecte « de travailler » pour le compte du Rwanda de Paul Kagame…

Cette affaire d’uniformes rwandais est un faux problème.

Vous êtes pourtant mieux placé que quiconque pour connaître l’état des relations existant entre le Rwanda et la RD Congo. N’est-ce pas une forme de provocation?

Non! Nous portons la tenue qui est disponible. Pourquoi ne parle-t-on pas de la tenue de l’armée belge que j’ai portée sur la photo prise par « Colette » {la journaliste Colette Braeckman du « Soir » de Bruxelles, Ndlr}?

En janvier 2007, vous avez conclu un accord avec Joseph Kabila, représenté par John Numbi. Pourquoi avez-vous recouru à la « facilitation » rwandaise alors que, le ministre rwandais des Affaires étrangères, Charles Murigande, vient de déclarer à Kinshasa que l’affaire Nkunda est un problème « congolo-congolais »?

Nous n’avons jamais pris l’initiative de solliciter les bons offices du Rwanda. Ce sont les autorités congolaises qui avaient demandé au président Kagame de faciliter ce dialogue.

Pouvez-vous confirmer ou infirmer l’information selon laquelle « Kinshasa » avait pris l’engagement de vous nommer à la tête de la 8ème région militaire (Nord Kivu) et de concéder quelques portefeuilles ministériels aux membres du CNDP?

Nous n’avons pas évoqué ces sujets. A Kigali, il était surtout question de la conclusion d’un cessez-le-feu et de trouver des mécanismes de son renforcement. D’où le « mixage ». Après le mixage, nous allions passer aux négociations politiques. Celles-ci n’ont jamais eu lieu.

Pourquoi un mixage en lieu et place du brassage?

Le brassage signifie un mélange définitif des militaires issus de divers mouvements. Nous avons pensé qu’il fallait commencer par le « mixage ». Le brassage ne pouvant avoir lieu qu’à l’issue d’un accord politique.

Depuis la création de la Force Publique en 1886, les militaires congolais ont l’habitude d’être affectés dans toutes les provinces du pays. Pourquoi vos « anciens combattants » ne peuvent travailler que dans le Kivu?

Nous n’avons jamais posé cette exigence. En vérité, nous ne voulons pas travailler dans une armée comme des mercenaires dans un pays où nos parents ne peuvent pas revenir y vivre. Nous avons demandé qu’on nous donne la chance de travailler à l’Est afin de nous occuper du problème sécuritaire, autrement dit de la traque des FDLR, pour permettre à nos parents de revenir au pays. Après cela, nous pourrions être déployés partout à travers le pays.

Pensez-vous, comme Charles Murigande, que l’affaire Nkunda est un problème congolo-congolais?

C’est tout à fait vrai dans la mesure où d’aucuns prétendent que « Laurent » est un « satellite » du Rwanda. Les autorités rwandaises savent que je ne suis pas leur satellite. Je suis responsable des actes que je pose.

Vous n’êtes peut-être pas un satellite du Rwanda. Mais qui finance la formation, l’entretien et la logistique de vos troupes?

J’ai hérité d’une armée formée par le RCD. Nous bénéficions du soutien de la population. Par ailleurs, notre mouvement est composé de membres qui versent leurs cotisations. Nos soldats ne sont pas payés. Ils sont en revanche nourris et soignés.

Quelle est, au moment où nous parlons, la situation qui prévaut dans la province du Nord Kivu?

L’état-major des FARDC a emménagé dans le Nord Kivu. Toutes les troupes de la République sont rassemblées au Nord Kivu contre le « général Laurent ». La province est super militarisée avec la présence de plusieurs brigades. Nous assistons aux combats depuis une semaine sur l’axe Rutshuru-Masisi.

Avez-vous une « recette » pour ramener une paix durable dans les provinces du Kivu?

Nous avons proposé au gouvernement de Kinshasa un plan de paix. Il ne s’agit pas d’un plan de partage des postes. Pour nous, il s’agit d’arrêter la guerre et de poursuivre le « processus de Kigali » qui avait si bien commencé. J’ai reçu une délégation du Sénat congolais ici. Je leur ai remis ce plan de paix en leur demandant de me dire si le document comporte un seul passage qui met en danger la souveraineté ou l’indépendance du pays. « Laurent » ne demande rien que la paix et la sécurité en RD Congo. Je suis prêt à y participer et à contribuer.

Quels sont les éléments essentiels de ce plan de paix?

Nous disons que le Congo doit être débarrassé des « forces négatives » étrangères.

Les forces négatives ne constituent-elles pas une affaire rwando-rwandaise? Quel est l’intérêt pour le Congolais que vous êtes de se préoccuper de cette question?

Ces forces occupent le territoire congolais et tuent les nationaux. Tant qu’elles seront là, nos réfugiés ne pourront pas regagner le pays. Les FDLR ne sont pas un problème rwandais. Il s’agit d’un problème congolais.

Des éléments des brigades mixées notamment « Bravo » ont été accusés de meurtres et autres exactions infligées à la population…

Ces accusations n’avaient qu’un seul but: mettre fin au mixage. On a voulu sacrifier les « mixés ». Ce sont de fausses accusations. Les soldats mixés n’ont jamais opéré sans l’ordre de l’état-major général. Il y a eu un incident à Buhamba. C’est un territoire contrôlé par les FDLR et les Maï Maï du colonel Jackson.

Au-delà de ce qui a été dit précédemment, quel est, en définitive, l’objectif de votre combat?

Je veux qu’il y ait la paix en République démocratique du Congo. Il est illusoire d’escompter la paix tant que le gouvernement sera allié aux forces négatives lesquelles font souffrir les populations congolaises vivant à l’Est. Le gouvernement doit prendre ses responsabilités en rétablissant la paix et la sécurité en intégrant ce plan de réconciliation. Les Congolais n’ont pas été réconciliés durant la transition. Quand vous observez la manière dont {Jean-Pierre} Bemba a quitté Kinshasa, ce n’est nullement honorable pour une personnalité qui a récolté plus de 40% de suffrage à l’élection présidentielle. Bemba avait fait intégrer ses troupes dans l’armée en gardant un petit contingent pour sa sécurité rapprochée. Aujourd’hui, je suis en train de vivre le même scénario. J’ai accepté les négociations tout en donnant mes troupes au gouvernement. Voilà que je me fais attaquer. Nous ne voulons nullement remettre le Congo entre les mains d’un jeune dictateur. Il faut éviter que ce qui est arrivé à Bemba arrive à quelqu’un d’autre. Nous soutenons les institutions issues des élections. Cependant, le gouvernement doit prendre ses responsabilités pour rétablir la paix et la sécurité.

Je vous ai contacté sur un numéro de téléphone précédé par le préfixe « 00250 », celui du Rwanda, encore un mauvais signal qui ne pourrait que troubler les esprits…

Le téléphone n’a pas de nationalité. Ici à l’Est, nous avons l’habitude d’utiliser notamment le réseau du MTN-Rwanda Cell. C’est une question de simple commodité. Le problème du téléphone me fait penser à la question de la nationalité. Le CNDP continue à réclamer la double nationalité. La motion Makila nous donne raison. On a donné un moratoire de trois mois pour permettre aux députés ayant des nationalités étrangères de régulariser leur situation. Rien n’a été fait à ce jour. Plaidons pour que les Congolais ayant acquis une autre nationalité puissent garder celle d’origine.

Que répondez-vous à ceux qui ironisent que les Tutsi congolais ressemblent à des joueurs de football qui jouent une mi-temps dans le camp congolais et un autre dans le camp rwandais?

(Rires). Il y a des Tutsi congolais et des Tutsi rwandais. Ce sont des frères. Ils ont été séparés par le tracé de frontières fait à Berlin. J’espère que vous vous souvenez d’une visite effectuée à Kinshasa par le président Bongo, du Gabon. Issu de l’ethnie batéké, Bongo dira à son homologue qu’il est le « Mwami » des Batéké. Y a-t-il un mal que les Batéké considèrent le président gabonais comme leur « Mwami »? La situation est identique en ce qui concerne les Tutsi. Ils sont au Rwanda, au Burun di, en Ouganda et au Congo. Ceux qui sont au Congo se reconnaissent comme citoyens congolais à part entière.

Que pensez-vous du projet d’organisation d’une table-ronde inter-communautaires dans les provinces du Kivu?

La situation qui prévaut à l’Est est un problème politique. Il ne s’agit pas d’un différend entre communautés. Est-ce que ces différentes communautés n’existaient pas à l’époque de Mobutu? Pourquoi la situation déplorée aujourd’hui n’existait pas? On se trouve face à un problème de leadership. Cette table-ronde n’est rien d’autre qu’une fuite en avant. La cohabitation harmonieuse entre les différentes communautés est l’affaire du président de la République et du gouvernement. Ce n’est nullement une affaire des ethnies. Les pouvoirs publics doivent assurer à tous les Congolais une protection égale devant la loi.

 

Propos recueillis depuis Bruxelles par Baudouin Amba Wetshi

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