Doit-on faire allégeance à « Joseph Kabila » ou à la Constitution?

De retour à Lubumbashi, mardi 12 avril, après un bref séjour à Kinshasa où il a appris la signature de l’ordonnance présidentielle portant son investiture en qualité de gouverneur de la province du Haut Katanga, Jean Claude Kazembe Musonda a exhorté la population venue l’écouter à la Place Moïse Tshombe, à « soutenir et à marcher » avec « Joseph Kabila » « pour la bonne marche du pays ».

Le nouveau « Gouv' » a, par ailleurs, appelé ses administrés à « faire confiance » à « Joseph Kabila » qui, selon lui, « ne ménage aucun effort » pour améliorer le bien-être du peuple congolais.

On comprend que le « Gouv » n’ait pas osé aller jusqu’au bout de sa logique en énumérant les réalisations à mettre à l’actif du Président sortant au niveau des services sociaux de base que sont: la sécurité des personnes et des biens, le logement, l’emploi, l’eau, l’électricité, la santé et l’éducation. Le bilan est affligeant.

En l’absence d’une enquête scientifique, certains éléments sociologiques permettent de douter que Kazembe Musonda ait pu convaincre les « Katangais » dont la grande majorité dissimule à peine une déception certaine suite aux nombreuses promesses non-tenues.

Tout en comprenant « l’émotion » de cet homme qui porte désormais le titre très convoité de gouverneur de la riche province du Haut Katanga, on ne pourrait s’empêcher de se demander s’il est au courant que « Joseph Kabila », dont le second et dernier mandat expire le 19 décembre prochain, n’a plus de rêve à proposer aux Congolais. Et qu’il est désormais un homme du passé, voire du passif. En dépit de la résistance ambiante.

Les propos tenus par Jean-Claude Kazembe interpellent par leur anachronisme. On se croirait revenu vingt-sept années en arrière à l’époque du MPR Parti-Etat où les cadres civils et militaires devaient se « déhancher » pour trouver grâce aux yeux d’un Mobutu Sese Seko qui était le seul à détenir la plénitude du pouvoir de nomination et de révocation.

Au-delà de l’obséquiosité observable dans l’ex-Katanga et ailleurs, c’est le lieu de s’interroger sur la difficile émergence d’un Etat institutionnalisé. Un Etat qui fonctionne selon des règles préétablies et non au gré du « bon plaisir » du puissant du moment.

On attend généralement d’un chef de l’Etat qu’il se comporte en arbitre et en rassembleur. On est en droit d’attendre les mêmes attitudes de la part d’un gouverneur de province. Hélas, Jean-Claude Kazembe Musonda a annoncé les couleurs: il sera au service de « Joseph Kabila » qu’il considère comme un « bienfaiteur » pour le choix porté à sa personne. Tant pis donc pour la Constitution qui proclame le pluralisme politique et érige l’instauration du parti unique en « infraction imprescriptible » de « haute trahison ».

Pourquoi les cadres civils et militaires congolais sont-ils prompts à faire allégeance plus au président sortant « Joseph Kabila » qu’à la Charte fondamentale qui régit le pays? On peut gager qu’un début de réponse pourrait être trouvé dans la concentration de tous les pouvoirs – législatif, exécutif et législatif – entre les mains d’un seul homme.

La concentration de pouvoirs entre les mains d’un seul individu a été décriée lors des consultations populaires organisées, entre janvier mars 1990, par le président Mobutu Sese Seko. Le même grief fut articulé à l’occasion de la Consultation nationale tenue à Kinshasa du 24 février au 11 mars 2000 sous la présidence de Laurent-Désiré Kabila.

Question finale: l’absence de contre-pouvoirs et particulièrement d’un pouvoir judiciaire jouissant d’une indépendance effective pour sanctionner toute infraction à la loi ne constitue-t-elle pas la cause fondamentale de l’allégeance faite au puissant du moment plutôt qu’à la Charte fondamentale?

 

Baudouin Amba Wetshi

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