Elections du 23/12: « Néhémie » tance la « communauté internationale »

Au cours d’une conférence de presse organisée, jeudi 16 août à Kinshasa, par le « comité stratégique » de la coalition politique pro-« Kabila » dite « Front commun pour le Congo » (FCC), Néhémie Mwilanya Wilondja, directeur de cabinet du Président hors mandat a fait une sortie médiatique pour le moins intempestive au sujet des consultations politiques à venir. Ciblant la « communauté internationale », le « dircab » a réaffirmé, avec sa grandiloquence habituelle, la volonté du « Congo » de financer, lui-même, l’organisation matérielle et la logistique des opérations électorales. La preuve est ainsi faite que « Joseph Kabila » tient à rester « maître du jeu électoral ». Après le discours du 24 avril 1990 annonçant la fin du monopartisme, le maréchal Mobutu était tenté par une démarche analogue en lieu et place de libérer le jeu démocratique…

Une semaine après la désignation par « Joseph Kabila » de son « dauphin » en l’occurrence Emmanuel Ramazani Shadary, le « comité stratégique » de cette nouvelle coalition politique initiée par le « raïs » a tenu, jeudi, un point de presse au cours duquel le FCC (Front commun pour le Congo) a pris l’engagement d’apporter « son soutien » à « son candidat à la présidentielle ».

Jean-Pierre Bemba, Président du MLC

Il est assez symptomatique d’entendre le FCC « promettre » de « soutenir » Ramazani Shadary qui est pourtant son candidat. Depuis le 8 août, il ne se passe plus un jour sans que l’on entende tel gouverneur de province ou telle composante de la majorité sortante clamer à haute et intelligible voix son « appui » au futur ex-secrétaire permanent du PPRD. On peut gager que la cohésion qu’affichaient les bonzes du FCC au siège de la CENI n’était que de façade. Le « fait accompli » du « raïs » avait stupéfait plus d’un.

 

Au cours de ce point de presse, les quelques « souverainistes » autoproclamés qui gravitent autour du Président hors mandat ont profité pour montrer des biceps pour le moins avachis. C’est le cas du « dircab » Néhémie Mwilanya Wilondja. Cet homme qui enseignerait le droit à l’université de Kinshasa s’est mis en vedette en ânonnant ce que son patron avait déclaré dans son discours du 19 juillet dernier. A savoir que l’Etat congolais a décidé de prendre en charge l’ « organisation matérielle » et la « logistique » des élections.

Ce sont donc des « kabilistes » qui vont assurer le transport et le dispatching du matériel de la CENI (Commission électorale nationale indépendante). Bonjour, le bourrage des urnes et autres irrégularités! Notons que tous les gouverneurs de province sont membres du PPRD. Il en est de même des bourgmestres et des maires.

A l’instar de son patron, « Néhémie » vient de découvrir que le vote relève « de la souveraineté » du pays. Un discours qui n’a pas été entendu lors de la présidentielle de 2006 au cours de laquelle la « communauté internationale » avait « adoubé » un OVNI politique nommé « Joseph Kabila » contre le « Mwana mboka » Jean-Pierre Bemba brocardé par une presse occidentale complaisante comme étant le « petit Mobutu ».

« KABILA » SUR LES TRACES DE MOBUTU SESE SEKO

A quelques rares exceptions près, « Joseph Kabila » semble faire le même parcours que le maréchal Mobutu Sese Seko.

Après son discours du 24 avril 1990 annonçant la fin du monopartisme, Mobutu reçut plusieurs émissaires de la puissante Amérique. C’est le cas notamment de James Baker et de Hermann Cohen, alors respectivement secrétaire d’Etat et sous-secrétaire d’Etat aux Affaires africaines. Un seul message: promouvoir la démocratie et le respect des droits humains.

Mobutu Sese Seko

Le maréchal Mobutu dont le mandat devait expirer en décembre 1991 ne jurait que par sa réélection. « Je suis le seul dictateur qui exige des élections », déclarait-il notamment au mensuel « Jeune Afrique Economie ». Le problème: le Zaïre comptait sur l’Occident pour financer les opérations électorales. Vieil allié des Occidentaux, le « Grand Léopard » n’avait pas compris que ses « amis » avaient réajusté leur politique étrangère. Et qu’ils le considéraient dorénavant comme l’incarnation d’un passé révolu. Aucun pays occidental n’osa financer le processus électoral de peur, sans doute, que l’ex-parti-Etat qui était encore implanté aux quatre coins du pays n’en sorte vainqueur. La suite est connue. Il n’eut guère de consultations politiques jusqu’au déclenchement de la guerre dite de « Banyamulenge » à la fin du mois d’octobre 1996. Le 17 mai 1997, les « libérateurs » firent leur entrée à Kinshasa.

Le 26 janvier 2006, « Joseph Kabila » succéda, contre toute attente, à Mzee LD Kabila. Celui-ci était décédé dix jours auparavant dans des circonstances non élucidées à ce jour. Investi le 20 janvier 2001, l’Américain Georges W. Bush sera le premier dirigeant occidental à congratuler le nouveau « Mister President ». Le reste du monde s’est engouffré dans la « brèche » ouverte par « W ».

« Elu » en 2006 face à Bemba Gombo et « réélu » en 2011 avec Etienne Tshisekedi wa Mulumba en guise de challenger, « Kabila » a commencé à rêver d’un troisième mandat dès 2012. Ce désir s’est matérialisé sous la forme d’un ouvrage publié en juin 2013: « De la révision de la Constitution à l’inanition de la nation ». L’auteur n’est autre que le constitutionnaliste Evariste Boshab, alors secrétaire général du parti dominant, le PPRD (Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie). Sa thèse est simple: toutes les constitutions sont révisables y compris les matières « verrouillées ». Le juriste avait dans son collimateur notamment l’article 220 qui prohibe toute révision constitution notamment le nombre et la durée des mandats du Président de la République.

En mai 2014, les Etats-Unis ont dépêché le secrétaire d’Etat John Kerry auprès du « raïs ». Un seul message: respecter la Constitution congolaise en ce qui concerne le nombre de mandats. Kerry sera « remplacé » successivement par les sénateurs Russ Feingold et Tom Perriello. Sans succès. Ce dernier a même été menacé verbalement par un des « communicateurs » de la majorité sortante.

Comme Mobutu en 1990, « Kabila » n’est plus « charmant » aux yeux de ceux qui l’avaient adoubé en 2001 et 2006.

COMMENT EN EST-ON ARRIVE LÀ?

Telle une pièce de théâtre, le scénario s’est passé en trois actes. Premier acte: attaque à l’arme lourde de la résidence de Jean-Pierre Bemba Gombo par la garde prétorienne de « Kabila ». C’était à la fin du mois d’août 2006, au lendemain de la publication des résultats du premier tour de l’élection présidentielle. Vice-président de la République et challenger, Bemba s’y trouvait en pleine réunion avec une vingtaine d’ambassadeurs étrangers. Dans son édition datée du 24 août 2006, le très influent quotidien bruxellois « Le Soir » de noter: « Kabila, « gendre idéal », a montré son vrai visage, celui d’un chef qui ne recule pas devant l’usage de la force ». « (…), la communauté internationale mettra du temps à lui pardonner l’affront infligé aux ambassadeurs », soulignait le journal sous la plume de Colette Braeckman. Deuxième acte: affrontement à l’arme lourde, du 22 au 24 mars 2007, en plein centre des affaires à Kinshasa, entre la garde prétorienne de « Joseph » et les éléments affectés à la garde de Bemba. Troisième et dernier acte: le double massacre en 2007 et 2008 des adeptes du Bundu dia Kongo dans le Kongo Central. Des opérations menées par John Numbi Banza Tambo et des membres du « bataillon Simba ». Les conclusions du rapport ad hoc rédigées par des experts de la Monuc furent étouffées par l’Américain William Lacy Swing.

William Lacy Swing

Suite à ces événements, la communauté internationale a acquis la conviction qu’elle s’était trompée. D’où les atermoiements pour apporter des capitaux frais promis à la veille de la présidentielle de 2006. En 2009, « Kabila » décide de se tourner vers la Chine. En 2011, la « communauté internationale » rechigna de délier les cordons de la bourse pour financer les élections. Les « souverainistes » décidèrent de « se prendre en charge ». On rappelle les réserves exprimés à l’époque par les observateurs tant nationaux qu’étrangers sur ces scrutins.

Malgré sa renonciation de briguer un troisième mandat, « Joseph Kabila » feint d’ignorer qu’il est « sous surveillance » de ceux qui l’avait fait roi. La « communauté internationale » pourra difficilement « saluer » la « victoire » éventuelle du « dauphin » du « raïs ». En mai 2017, Emmanuel Ramazani Shadary, alors ministre de l’Intérieur, était « blacklisté » par l’Union européenne.

Au cours de la conférence de presse précitée, le « dircab » à la Présidence – dont la fonction n’a aucune existence constitutionnelle et n’assume, de ce fait, aucune responsabilité politique – a eu ces mots: « Ça serait quand même surprenant de voir cette communauté internationale commencer à travailler pour déstabiliser le processus électoral par exemple, déstabiliser le pays, les institutions ».

Néhémie semble avoir compris que rien ne sera facile pour le « raïs » et son « dauphin ». On voit mal les principaux acteurs de la communauté internationale « applaudir » les résultats des élections à venir en cas de la reconduction de la majorité sortante. Et pour cause? En refusant à la Mission onusienne un droit de regard sur l’organisation matérielle et la logistique des consultations politiques, le « raïs » et ses affidés ont réussi l’exploit d’alimenter la suspicion selon laquelle ils auraient quelque chose à cacher…

 

Baudouin Amba Wetshi

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