Elections: « Kabila » renâcle son statut « d’homme du passé »

En « séjour de travail » dans la province du Haut-Katanga, le président hors mandat « Joseph Kabila » a organisé une réunion avec une délégation des « notabilités » de cette province. But: confirmer la tenue des élections générales le 23 décembre prochain. L’homme – dont le dernier mandat a expiré le 19 décembre 2016 – continue à se comporter en chef d’Etat de plein exercice alors qu’il expédie les affaires courantes. Friand de l’humour noir, sans jeu de mots, certains Kinois le comparent à l’arbitre d’un match tout en étant le président de l’équipe adverse.

Zoé, Jeannette et Joseph « Kabila »

Fils putatif de Mzee Laurent-Désiré Kabila, un natif du « Grand Katanga », « Joseph » – qui a foulé le sol zaïrois, pour la première fois, à la fin du mois d’octobre 1996 – a toujours considéré l’ex-Shaba comme son « fief ». Les autres membres de la fratrie, mêmement. Lors des élections législatives de 2011, la sœur « Jaynet » a été « élue » députée à Kalemie; le frangin « Zoé », lui, à Manono en plein pays Balubakat où ces derniers n’ont aucune adresse connue.

Depuis son accession à la tête de l’Etat congolais le 26 janvier 2001, le successeur de Mzee a effectué plusieurs « séjours de travail » dans cette région riche en minerai. Il y possède, d’ailleurs, au moins deux immenses fermes. C’est le cas notamment de Kashamata et de Kundelungu. Vous avez bien entendu « Kundelungu » où se trouve un Parc national.

Tout ce qui se passe dans le « Grand Katanga » est considéré par le président hors mandat comme une affaire personnelle. On a vu récemment une délégation ministérielle, conduite par le ministre de l’Economie Joseph Kapika, se rendre en catastrophe à Lubumbashi suite… à la hausse du prix de la farine de maïs. Et ce sur instruction du « raïs ». A Kalemie (province du Tanganyika), « Joseph » a financé, sans appels d’offres, plusieurs travaux de « modernisation » des infrastructures. Il y construit notamment un navire de 3,5 tonnes. Cet assaut de « prévenances » fait passer les « katangais » pour les « chouchous » du régime finissant. Bref, des « intouchables ».

Samedi 1er samedi décembre, « Kabila » est allé à Likasi, à 120 kilomètres de Lubumbashi, où il a procédé à l’inauguration d’une usine sino-congolaise de fabrication des « explosifs à charge civile ». L’appétit venant en mangeant, il envisage d’autres projets avec l’aide sans doute des « amis chinois ».

« NOTABILITÉS LUSHOISES »

Dans l’interview qu’il a accordée au quotidien « Le Soir » daté du 1er décembre 2018, « Kabila » – qui exerce un pouvoir inconstitutionnel depuis le 19 décembre 2016, date de l’expiration de son dernier mandat -, continue à échafauder des projets « à moyen terme ». Inimaginable! Selon lui, le Congo-Kinshasa sera obligé « d’avoir une industrie de la défense ». Ladite industrie aura à fabriquer « de tenues, des bottines mais aussi engins, véhicules de combats, de blindés ».

Gabriel Kyungu wa Kumwanza

Mardi 4 décembre, il a organisé une rencontre avec une « importante délégation » des « notabilités » du Haut Katanga. Aucun nom n’a été cité. Une certitude cependant: le katumbiste Gabriel Kyungu wa Kumwanza, alias « Baba wa Katanga » ne figurait pas parmi les invités.

Sans que personne ne le lui demande, le Président hors mandat s’est cru en droit de confirmer à ses interlocuteurs le « caractère irréversible » des élections prévues le 23 décembre prochain. On croirait entendre le maréchal Mobutu qui répétait les mêmes mots durant la transition 1990-1997. En dépit d’un bilan mitigé, le « Grand Léopard » était convaincu qu’il battrait n’importe quel adversaire à la présidentielle.

Bien qu’inéligible, le « raïs » ne cesse d’interférer sur le processus électoral dont l’épilogue devrait avoir lieu le 23 décembre prochain. Il a profité pour demander à ses allocutaires de « sensibiliser leurs bases respectives pour une participation massive à ce scrutin qui doit se dérouler dans un climat apaisé ». Comment peut-on parler de « climat apaisé » lorsqu’on a sous son contrôle non seulement la force publique (l’armée, la police et les services de renseignements) mais aussi les moyens financiers de l’Etat? « Kabila » redoute-t-il des « troubles » en réaction aux fraudes massives annoncées?

« HOMME DU PASSÉ »

Le Congo-Kinshasa vit depuis le 19 décembre 2016 une situation bien surréaliste. Président sortant dont le dernier mandat a expiré depuis bientôt deux ans, « Joseph Kabila » continue à se comporter en chef d’Etat de plein exercice en s’arrogeant le droit de « commander » les Congolais. Sans mandat de ceux-ci. Et pourtant sa situation est assimilable à un gouvernant qui expédie les affaires courantes. Et qui ne peut, de ce fait, prendre des décisions importantes qu’en cas d’urgence.

Par des stratagèmes, le successeur de Mzee ne cesse de repousser la date de l’élection présidentielle. Selon son entendement, il peut rester en fonction « jusqu’à l’élection du nouveau Président » alors que le deuxième alinéa de l’article 70 stipule clairement qu’ « à la fin de son mandat, le Président de la République reste en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau Président élu ».

Dechade-Thérèse Kapangala

Les scrutins prévus initialement à mi-septembre 2016 ont été reportés malicieusement. D’abord, au 31 décembre 2017. Ensuite, le 23 décembre 2018. Entre le mois de septembre 2016 et février 2018, plusieurs manifestations pacifiques ont été organisées notamment par le Comité laïc de coordination. La population entendait signifier au dictateur que « deux mandats ça suffit ». Beaucoup de sang a coulé. Des vies ont été broyées par les sbires d’un homme sans foi ni loi qui considère le pouvoir d’Etat comme le bien personnel de sa fratrie. Les noms de Rossy Mukendi et de Thérèse Kapangala symbolisent les martyrs de ces « revendications populaires ».

Président hors mandat, « Kabila » refuse son nouveau statut « d’homme du passé ». Au lieu de se mettre au-dessus de la mêlée en observant une stricte neutralité face aux prétendants, « Joseph » se substitue à l’Etat. Un Etat censé faire preuve de neutralité et d’impartialité pour être respecté.

Dans l’interview accordée au « Soir », le « raïs » dit avoir rejeté toute aide étrangère à l’organisation matérielle des élections. Une posture qui lui donne, semble-t-il, le droit d’interdire la venue au Congo-Kinshasa des observateurs électoraux européens et américains. Incapable de peser le poids des mots, il a lâché cette phrase: « Ce seront les meilleures élections que ce pays aura connues depuis 1959 ».

Conseiller diplomatique du Président hors mandat, Barnabé Kikaya bin Karubi a traduit dans l’hebdomadaire Jeune Afrique (n° 3021 datée du 2-8 décembre 2018) la pensée profonde de son patron en déclarant que « notre candidat [Emmanuel Ramazani Shadary, Ndlr] a 90% de chance de gagner la présidentielle ».

On le voit, le successeur de Mzee refuse de constater avec la grande majorité de Congolais qu’il n’est plus désormais qu’un « homme du passé »…

 

Baudouin Amba Wetshi

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