Fcc/Pprd: Benoît Lwamba n’est plus en odeur de sainteté…

Benoît Lwamba Bindu

Président de la Cour constitutionnelle et de droit président du Conseil supérieur de la magistrature, Benoît Lwamba Bindu – qui séjourne à l’étranger – a fait démentir la nouvelle de sa démission. Une démission qui a été pourtant constatée sur procès-verbal, le vendredi 10 juillet, par la majorité des juges de cette haute juridiction. D’aucuns y voient une « conjuration » fomentée à Kingakati. Ce haut magistrat ne serait plus « en odeur de sainteté » au sein de la mouvance kabiliste dite « Front commun pour le Congo ». Un échange épistolaire, en avril dernier, entre Lwamba et le ministre démissionnaire de la Justice, Célestin Tunda ya Kasende, semble donner une piste d’explication.

Qui veut évincer Benoît Lwamba Bindu, âgé de 75 ans, de la présidence de la Cour constitutionnelle alors que son mandat doit expirer au mois d’avril 2021? Le président Felix Tshisekedi? Il semble bien que non. L’Assemblée nationale? Pas directement! La mouvance kabiliste dite « Front commun pour le Congo »? La tentation est forte de répondre par l’affirmative. Pourquoi?

Depuis l’investiture d’un nouveau Président à la tête du pays, un certain vent du renouveau souffle sur le monde judiciaire congolais. Lwamba serait de plus en plus « légaliste ». Pour « Joseph Kabila » et certains « durs » de son entourage, le magistrat qu’ils avaient catapulté à la tête de cette haute cour ne serait plus « fiable » à leur goût.

UNE DÉMISSION DÉMENTIE

Dans une lettre n° 214/CC/CAB-PRES/06/00/2020 datée du 27 juin 2020 adressée aux autres juges de cette haute cour, Benoît Lwamba Bindu présente sa « démission ». Raison invoquée: « convenance personnelle ». Une copie de ladite correspondance était réservée au chef de l’Etat.

Vendredi 10 juillet, les huit juges restant ont « pris acte de cette démission » dans un procès-verbal. Ils n’ont trouvé « aucun motif de nature à contrarier cette démission volontaire ».

Dans une lettre datée du même jour, publié le lendemain samedi 11 juillet par son « dircab » Valentin Ngoie Napenda, Lwamba – qui séjourne à l’étranger pour raison médicale – est sorti de son silence: « Contrairement aux informations répandues dans les réseaux sociaux, faisant état de ma démission à la présidence de la Cour constitutionnelle (…), je tiens à préciser qu’il ne s’agit là que des rumeurs contre lesquelles j’apporte un démenti ». Rumeurs?

Vital Kamerhe lors d’une audience foraine du TGI de Kinshasa-Gombe à Makala

Dans son édition en ligne, l’hebdomadaire parisien « Jeune Afrique » donne une toute autre version. Selon ce magazine, Lwamba aurait fait part au Président de la République de sa volonté de démissionner. Au motif qu’il faisait l’objet de « pressions ». Sans plus. C’était lors d’une audience en date du 4 juillet. A en croire J.A., le juge n’excluait pas de « renoncer » à cette prestigieuse fonction.

« PROCÈS 100 JOURS »

Par un pur hasard de calendrier, on apprenait samedi 11 juillet la démission du ministre de la Justice, le Fcc/Pprd Célestin Tunda Ya Kasende. Il n’est pas sans intérêt de scruter les relations houleuses entretenues, au cours de trois derniers mois, entre ce dernier et Lwamba. Ceci explique peut-être cela.

La cascade des procès contre certains mandataires publics dans le cadre du « programme d’urgence de 100 jours » a mis les caciques de la mouvance kabiliste les nerfs à vif. « Kabila » en tête. Pour avoir régenté les affaires du pays durant dix-huit ans, ce dernier commençait à confondre l’Etat congolais avec un bien personnel. Les poursuites engagées contre certains mandataires publics nommés par lui ont été perçues comme une « déclaration de guerre ». C’est le cas notamment de Patient Sayiba de l’Ogefrem (Office de gestion du fret multimodal) et Fulgence Lobota Baramosi du Foner (Fonds national d’entretien routier).

Durant dix-huit ans, les entreprises publiques ont été transformées en « pompe à fric » pour la fratrie « Kabila ». Selon des sources, certains membres de la famille de l’ex-raïs étaient appointés dans ces entreprises sans la moindre contrepartie en termes de prestation.

Le 15 avril dernier, Célestin Tunda Ya Kasende, alors ministre de la Justice, écrit au Président de la Cour constitutionnelle qui est de droit président du Conseil supérieur de la magistrature. Il lui annonce sa volonté de visiter les parquets et les Cours et tribunaux de la ville-province de Kinshasa. Tunda d’ajouter qu’il entend profiter de cette occasion pour avoir « une franche conversation sur les dossiers judiciaires en cours ».

« L’HOMME CHANGE SELON LES TEMPS ET LES CIRCONSTANCES »

Lwamba s’est sans doute souvenu que le ministre de la Justice dispose d’un « droit d’injonction positive » qui lui permet d’instruire les magistrats du parquet d’engager des poursuites dans telle ou telle autre affaire. Il s’est souvenu également que le premier alinéa de l’article 151 de la Constitution tempère ce « droit d’injonction » en ce qui concerne les juges: « Le pouvoir exécutif ne peut donner d’injonction au juge dans l’exercice de sa juridiction, ni statuer sur les différends, ni entraver  le cours  de la Justice, ni s’opposer à l’exécution  d’une décision de justice ».

En réponse, Benoît Lwamba Bindu – qui doit son ascension sociale à « Kabila » – y oppose un refus courtois mais ferme. Il cite à l’appui la « séparation des pouvoirs » et la sacro-sainte « indépendance du pouvoir judiciaire ». Des principes qui furent pourtant foulés aux pieds allègrement sous le pouvoir de l’ex-raïs. Furieux, Tunda de répondre: « L’indépendance du pouvoir judiciaire n’est pas un mur bâti pour créer, en faveur des magistrats, un cercle cloisonné qui n’aurait de compte à rendre à personne ».

Tunda n’avait pas compris que rien ne sera peut-être plus comme avant dans ce secteur. Dans une interview accordée, le 13 avril dernier, à Congo Indépendant, le criminologue Boniface Kabisa a expliqué le phénomène de changement d’attitude chez l’humain: « L’histoire de l’humanité foisonne des exemples qui démontrent que l’homme change selon les temps, les circonstances et l’environnement. C’est ainsi que les criminologues se gardent de classifier les gens en ‘bons’ et ‘mauvais’. Tout dépend des circonstances ».

L’analyse de ces faits donne une piste d’explication non seulement sur les « pressions » exercées sur Lwamba mais aussi sur les trois propositions de lois initiées, mi-juin, par les députés nationaux Aubin Minaku et Garry Sakata. Les deux juristes veulent faire « réformer » notamment le Statut des magistrats et le fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature. Comme par hasard, le pouvoir du ministre de la Justice sur les magistrats sort renforcé. On connait la suite.

La Cour constitutionnelle suscite pas mal de convoitises. Et ce pour au moins deux raisons. Primo: elle est la juridiction pénale du chef de l’Etat et du Premier ministre (article 163). Secundo: elle juge du contentieux des élections présidentielles et législatives (article 161-2).

Qui voudrait « défenestrer » l’actuel Président de la Cour constitutionnelle? Benoît Lwamba Bindu serait-il devenu « peu fiable » pour un « Kabila » qui rêve de revenir aux affaires en 2023?

 

Baudouin Amba Wetshi

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