Gouvernement: La coalition CACH-FCC « douche » l’espoir de changement

Quatre-vingt-dix jours (24 janvier-23 avril) après son investiture au sommet de l’Etat, Felix Tshisekedi Tshilombo a, pour la première fois, annoncé la « nomination imminente » d’un Premier ministre. Qui? Mystère. Il a fait cette annonce à Kisangani. La veille, le nouveau chef de l’Etat s’est entretenu à Kinshasa avec son prédécesseur le très sournois et rusé « Joseph Kabila ». Les pronostics vont bon train sur le nom du futur « Premier ». La société civile du Sud-Kivu propose Vital Kamerhe.

Le lundi 15 avril, l’opinion congolaise apprenait, non sans une désillusion certaine, que l’UDPS de Felix Tshisekedi Tshilombo et l’UNC de Vital Kamerhe font partie de la nouvelle « majorité parlementaire » née au lendemain des élections chaotiques du 30 décembre 2018. La coalition CACH-FCC est désormais scellée. Tant pis pour ceux qui s’attendaient à la cohabitation entre la « majorité parlementaire » du FCC et la « majorité présidentielle » incarnée par CACH.

« AU SECOURS, JOSEPH KABILA REVIENT »

Pourquoi, désillusion? Désillusion tout simplement parce que la nouvelle configuration politique du pays – avec le retour en force du « clan kabiliste » – est loin de rencontrer les attentes de changement que la grande majorité du peuple congolais nourrissait des consultations électorales du 30 décembre dernier. La tentation est forte de crier: « Au secours, Joseph Kabila revient! »

Mgr Fridolin Ambongo

Dans son message pascal diffusé le 20 avril, Mgr Fridolin Ambongo, s’est fait le porte-parole de tous les « désillusionnés »: « Dans notre pays, nous célébrons cette fête dans un contexte où les désespoirs gagnent de plus en plus les cœurs des Congolaises et de Congolais. Les récents événements sociopolitiques n’ont pas beaucoup réalisé les rêves de notre peuple ».

Certains analystes ont cru à tort que l’archevêque de Kinshasa remettait en cause « l’attitude conciliante » adoptée par l’église catholique après le grand chahut provoqué par le débat sur « la vérité des urnes ». Erreur. Le prélat est resté dans la logique de la CENCO. A savoir qu’une minorité de concitoyens persiste et signe dans sa volonté de prendre le pays en otage. But: préserver des intérêts égoïstes. Une situation qui engendre, a-t-il souligné, un « climat d’incertitude pour un lendemain meilleur » au Congo-Kinshasa.

Les Congolais n’ont pas oublié. Ils ont encore frais en mesure la répression sanglante des « manifestations pacifiques » menée par des sbires du pouvoir kabiliste épaulés par des ex-combattants du M23 respectivement le 31 décembre 2017, le 21 janvier et le 25 février 2018. Qui oubliera de sitôt les arrestations arbitraires, les morts, les humiliations, les bombes lacrymogènes et des tirs à balles réelles dans les églises? Qui oubliera enfin cette scène insoutenable où des hommes en tenue de policier malmènent des jeunes gens qui portaient le cercueil de Rossy Mukendi Tshimanga. Comment peut-on imaginer revenir au pouvoir, comme si de rien n’était, après tant d’atrocités et de mépris envers l’humanité?

La coalition CACH-FCC rassure sans doute ceux qui sont en quête du pouvoir pour le pouvoir. Ceux qui, en revanche, considèrent le pouvoir avant tout comme un service à rendre à la collectivité, eux, retiennent leur souffle. En dix-huit ans de pouvoir quasi-absolu, le successeur de Mzee et ses hommes n’ont laissé aucun souvenir impérissable en termes de réalisations. Pourront-ils accomplir des « miracles » en cinq ans?

Dans le communiqué conjoint signé le 13 mars dernier, le FCC Néhémie Mwilanya Wilondja et le CACH Jean-Marc Kabund-A-Kabund s’étaient mis d’accord: « Joseph Kabila » devait transmettre au président Felix Tshisekedi le nom du candidat Premier ministre que celui-ci devait nommer « diligemment ».

Quarante-trois jours après, la fumée blanche reste imperceptible sur le toit du Palais de la nation. Que s’est-il passé? Le postulant présenté serait-il loin d’être « présentable »? Sa mine serait-elle patibulaire au point de ne pas incarner le « renouveau » tant attendu tant par l’opinion congolaise que les « partenaires » extérieures du pays?

Dans son alinéa premier, l’article 78 de la Constitution congolaise stipule: « Le Président de la République nomme le Premier ministre au sein de la majorité après consultation de celle-ci. (…)« .

Lundi 22 avril, le chef de l’Etat et son prédécesseur se sont entretenus à la Cité de l’Union africaine. Mardi, le premier a pris un avion. Destination: Kisangani. C’est au chef-lieu de la province de la Tshopo que le président Tshisekedi a annoncé la « nomination imminente » d’un Premier ministre. Les pronostics vont bon train.

Va-t-on assister dans les tous prochains jours à une sorte de « retour de Zorro » d’un de ces oligarques « kabilistes » imbus de leur puissance, incapables et inhumains à la primature? Va-t-on assister au retour aux affaires de ces oligarques soucieux plus de la préservation des intérêts de leur « clan » que de l’intérêt général?

Vital Kamerhe

Comme pour couper la poire en deux, la société civile du Sud-Kivu dit avoir un candidat. Son nom:  Vital Kamerhe (VK). Le même. A l’appui de sa démarche, les activistes de ce regroupement assurent que la nomination de « VK » à ce poste pourrait insuffler un « nouveau leadership » au sommet de l’Etat. « Nous croyons qu’avec lui, une réconciliation entre les acteurs politiques sera possible autour des valeurs, étant donné son esprit d’ouverture et sa connaissance de la classe politique congolaise », peut-on lire dans un communiqué daté du 23 avril 2019.

Auteur du très controversé opuscule « Pourquoi j’ai choisi Kabila », « VK » a été un brillant président de l’Assemblée nationale avant d’y être éjecté sur ordre du « raïs » en mai 2009. A tort ou à raison, une bonne frange de la population congolaise le suspecte d’être resté « très proche » de la fratrie « Kabila ». Inutile de souligner que l’homme n’a pas que des admirateurs.

Vital Kamerhe, fulani ou sisa, on espère que le président Tshisekedi se gardera de brader l’héritage de « gardien de l’Etat de droit » et de « combattant des antivaleurs » que le regretté Etienne Tshisekedi wa Mulumba lui a légué.

En attendant de juger le futur chef du gouvernement et son équipe sur leurs actes et non sur les discours, la coalition CACH-FCC refroidit l’espoir de renouveau. Espérons que l’avenir donnera tort à l’auteur de ces lignes…

 

Baudouin Amba Wetshi

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