Grande corruption et farces macabres: nos PM (Premiers Médiocres) à la manœuvre

(La grande corruption: c’est une corruption à haut niveau où les décideurs politiques créant et appliquant les lois utilisent leur position officielle pour promouvoir leur bien-être, leur statut ou leur pouvoir personnel)

A Kinshasa, le burlesque et le drame se côtoient chaque jour. Parmi les farceurs, nos PM figurent en bonne position. [Adolphe] Muzito qui a brillé par sa passivité et son absence de vision durant tout son mandat se trouve subitement des talents de grand analyste de l’économie et pourfendeur des actions de la MP à laquelle il appartient et inonde les médias de ses écrits appelés « tribunes ».

Pendant son mandat, il a couvert toutes les turpitudes des dirigeants du pays et surtout celles de l’inamovible ministre des mines par ailleurs son « camarade » du PALU (Parti lumumbiste unifié). Tant qu’il était parmi les premiers servis à la mangeoire tout était bon: bradage des ressources minières, marchés de gré à gré, arrestations arbitraires d’opposants, fosses communes etc. Protecteur attitré de la famille Blattner, il a contribué à leur enrichissement. Il a aussi été mêlé aux opérations obscures pour le montage d’une loterie et aux déboires d’un homme politique belge mis en cause dans des affaires douteuses.

Une fois écarté de la mangeoire, sans doute rongé par la faim et la bouche vide, il a retrouvé la parole et se sent une vocation de visionnaire redresseur de torts. Sans crainte du ridicule, en tant que bon farceur il devient donneur de leçons sans que cette farce suscite beaucoup de réactions.

Comme s’il y avait une compétition entre PM dans la catégorie « farceurs », Muzito a été réduit au grade de petit comique par la performance de son successeur. En effet, la dernière farce, la plus audacieuse des dernières décennies, orchestrée – et payée – par le gouvernement avec la complicité de l’Union nationale de la presse congolaise est la création d’un prix nommé « prix Matata Ponyo pour la bonne gouvernance ». Malgré son incongruité dans le pays champion toutes catégories en matière de mal gouvernance, si le prix avait reçu le nom d’un intellectuel ou d’un artiste on aurait pu en sourire. Mais ici le prix porte le nom du chef de la plus redoutable bande de prédateurs que le pays ait connu au cours son histoire. Depuis la mise en place du gouvernement issu des élections de 2011, l’actualité révèle chaque jour son nouveau lot de turpitudes gouvernementales.

La ferme de Bukanza-Longo

Le CV du sieur Matata, successivement DG du BCECO (Bureau central de coordination), ministre des finances et PM est émaillé d’actions délictueuses, une des dernières étant le scandale de Bukanga Lonzo. Tout occupé à se boutiquer un doctorat en vue de préparer une carrière internationale auprès de ses amis de la BM il a cru l’affaire Bukanga Lonzo enterrée tout comme le projet et les 150 millions dépensés. Alors qu’on croyait l’affaire enterrée et oubliée, voilà que, comme un zombie sorti de sa tombe, le scandale refait surface. En effet, le partenaire Sud-africain du projet, African Commodities se manifeste en menant une action contre le gouvernement auprès de l’instance d’arbitrage de la chambre internationale de commerce à Paris. Connaissant les bénéficiaires des surfacturations et d’autres irrégularités, le partenaire veut récupérer sa part du gâteau et réclame 20 millions de USD qui seraient retenus par le gouvernement

Rappelons qu’un audit réalisé par un cabinet international a révélé, parmi une longue liste d’autres irrégularités, que des marchés totalisant plus de cent millions de dollars ont été passés de gré à gré, avec des surfacturations allant de 100 à 700%. De plus, le projet est un échec technique total et est à l’arrêt depuis plus d’un an. Le rapport d’audit a circulé sur Internet dans une indifférence générale et le projet a ainsi rejoint le grand cimetière des éléphants blancs et l’anthologie de la grande corruption.

Initié, conçu et réalisé sous l’autorité directe du PM Matata, ce projet est la parfaite illustration de de l’incompétence et de la cupidité de la plupart de nos dirigeants qualifiés désormais de « médiocres ». A l’exception de quelques fonctionnaires du ministère de l’agriculture, opposés à ce projet sulfureux, la plupart des observateurs, y compris Kabila qui a donné tout son appui au projet, ont été mystifiés. Il est probable que Kabila, qui a toujours manifesté un grand intérêt pour les activités agricoles n’a apprécié ni l’échec ni la mystification. Malgré les révélations de l’audit et la faillite complète du projet, le principal responsable de cette débâcle continue à tenter de se forger une image de technocrate surdoué et est même cité régulièrement comme possible dauphin de Kabila!

Pour paraphraser Einstein on pourrait dire que l’univers et la cupidité de nos dirigeants PM n’ont pas de limites mais que pour l’univers il subsiste un doute. L’idée était de monter une série d’opérations de ce type à travers le pays mais l’étendue de la cupidité et de l’incompétence a provoqué le crash de la première opération avant son décollage. Le projet Bukanga Lonzo n’est que l’aboutissement d’une longue série d’autres opérations douteuses menées de main de maître par le Premier Médiocre. Cette série comporte plusieurs chapitres dont (a) primes et avantages irréguliers (b) utilisation de fonds et biens publics pour usage privé (c) marchés de gré à gré (d) racket systématique de fournisseurs (e) avantages accordés aux témoins pour assurer leur silence (f) évasion fiscale etc. Bref l’éventail complet des actions qualifiées de « grande corruption » (La grande corruption: c’est une corruption à haut niveau où les décideurs politiques créant et appliquant les lois utilisent leur position officielle pour promouvoir leur bien-être, leur statut ou leur pouvoir personnel).

Dans le registre « primes et avantages irréguliers » le record a été atteint par les jetons de présence accordés aux membres de la fameuse « troïka » qualifiée de stratégique mais servant surtout de prétexte aux 20.000 USD encaissés par le PM chaque semaine soit 80.000 USD par mois. (Source: rapport de 165 pages rédigé par Joseph Ngoma di Nzau de l’inspection générale des finances révélé le 16 juin 2014 par Mediacongo). Avant ce record, au début des années 2000, lorsqu’il dirigeait un comité de pilotage était président l’attribution de diverses primes irrégulières pour lui-même et quelques complices et l’utilisation de fonds et équipements pour des usages privés ont fait partie de son pain quotidien. Après sa nomination comme conseiller du ministre des finances et comme président du comité de pilotage du BCECO, un système de jetons de présence irrégulier a été instauré. Plusieurs conseillers de la Présidence, membres du comité de pilotage ayant refusé de participer à la magouille pourraient en témoigner.

Cette pertinente citation de Mirabeau « il existe quelqu’un de pire que le bourreau, c’est son valet », dans cette rubrique, on pourrait continuer à en faire l’inventaire sans oublier une opposition « politique » d’opportunisme et de circonstances dont un grande partie a collaboré avec le pouvoir en place, contribuant à ce triste bilan de plus de 20 ans de famille Kabila.

Mon admiration va vers une population digne et courageuse qui malgré l’extrême misère dans laquelle elle se trouve sans parler de ce que elle subit comme violences quasi indicibles face à un pouvoir qui organise une véritable « stratégie du chaos » pour le conserver. Nous nous en sortirons qu’avec des institutions fortes qui naîtront d’une culture démocratique ou les élections iront d’aval vers amont et seront représentative d’une nouvelle classe politique issu de cette population qui a travers une société civile (non organisée par le pouvoir en place, bien sur) en montre le chemin …

 

Par Jean-Marie Lelo Diakese

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