H-Katanga: Le 1er président de la Cour d’appel accusé de monnayer les jugements

Dans un mémorandum, daté du 17 avril 2020, adressé au Conseil supérieur de la magistrature (CSM) qui exerce notamment le pouvoir disciplinaire sur les magistrats, l’organisation non gouvernementale « Justicia Asbl » accuse le 1er président de la Cour d’appel du Haut-Katanga d’avoir instituer une sorte de mafia spécialisée dans « monnayage » des décisions judiciaires rendus par les tribunaux de son ressort.

Justicia Asbl accuse. Elle ne dévoile guère l’identité du 1er Président de la Cour d’appel du Haut-Katanga à Lubumbashi. Sauf erreur, il s’agit de Paulin Ilunga Ntanda. Un magistrat très politisé qui s’est rendu « célèbre » en juillet 2016 dans la fameuse affaire Katumbi/Stoupis.

Cette association de défense des droits de l’Homme reproche à haut magistrat d’entretenir l’ « insécurité judiciaire » en foulant aux pieds, contre espèces sonnantes et trébuchantes, les règles de procédure.

A en croire Justicia Asbl, cet « homme de loi » en attente d’un nouveau poste d’affectation fait « vendre » des « jugements » rendus par les tribunaux de son ressort afin, dit-il à qui voudrait l’entendre, de se procurer de l’argent nécessaire pour soudoyer son « parrain politique ». Est-ce le vice-Premier ministre en charge de la Justice? Est-ce le président du Conseil supérieur de la magistrature qui n’est autre que le président de la Cour constitutionnelle? Est-ce le conseiller juridique à la Présidence de la République ou à la Primature? Mystère!

Des « sources concordantes » contactées par Justicia Asbl assurent que Paulin Ilunga Ntanda commettrait des « abus de pouvoir » décrits ici au motif qu’il « est obligé d’envoyer plus d’argent à son parrain politique ». Le magistrat serait décidé à payer le prix fort pour garder son poste à la tête de la très prestigieuse Cour d’appel de Lubumbashi.

A l’appui de sa démarche, Justicia Asbl épingle quelques « jugements incongrus » intervenus dans cette juridiction. On apprend par exemple qu’avant de prononcer le verdict, les juges ont l’obligation de soumettre tous les « dossiers emblématiques » au 1er Président « pour qu’il donne son avis ». On apprend également qu’un jugement serait « vendu » au prix de $ 2.500 aux justiciables désargentés. On apprend, par ailleurs, qu’un justiciable avait « réussi » à récuser le président et tous les juges du Tribunal de Grande Instance de Lubumbashi. Au motif que ces derniers s’étaient efforcés de dire le droit et non de s’incliner aux injonctions du 1er Président.

Juge Jacques Mbuyi

Justicia Asbl de rappeler la tentative d’assassinat dont fut l’objet le juge Jacques Mbuyi. Celui-ci avait rechigné à exécuter les ordres arbitraires émanant du même haut magistrat dans l’affaire Alexandros Stoupis contre Moïse Katumbi Chapwe.

Il n’est pas sans intérêt d’ouvrir la parenthèse pour rappeler que le magistrat Paulin Ilunga Ntanda « trône » à la tête de la Cour d’appel de Lubumbashi depuis bientôt cinq ans. La juge Chantal Ramazani Wazuri, ancienne présidente du Tribunal de paix de Lubumbashi/Kamalondo l’avait cité – dans sa lettre de protestation, datée du 25 juillet 2016, adressée au ministre de la Justice – suite aux pressions « hiérarchiques » exercées sur elle. C’était dans le cadre du dossier précité n°RP 7652: Emmanouil Alexandros Stoupis contre Moïse Katumbi.

La juge Ramazani dira son écœurement d’entendre sa hiérarchie exiger la condamnation de l’ex-gouverneur du Katanga à 36 mois d’emprisonnement pour des faits déjà prescrits. Notons qu’au mois d’août 2016, huit fonctionnaires dudit tribunal furent arrêtés. Il leur était reproché la disparition des « dossiers pénaux » de Katumbi. Fermons la parenthèse.

A la décharge des magistrats, cette association note que « la majorité des magistrats du Haut Katanga souffre en silence ». En cause, « la répartition déséquilibrée et injustifiée du budget du pouvoir judiciaire qui affecte 70% aux frais de fonctionnement, régulièrement détourné, et 30% à la rémunération ».

Un membre du syndicat des magistrats (Synamag), parlant sous l’anonymat, a confié ce qui suit à Justicia Asbl: « Le magistrat n’a pas accès aux soins de santé, à la scolarité des enfants ni aux frais funéraires. (…). Il se rend à son lieu de travail en transport public au risque de se faire agresser par des justiciables ». On ne pourrait s’empêcher d’ajouter qu’un magistrat affecté en province doit « se débrouiller » pour rejoindre son nouveau poste avec femme et enfants.

Justicia Asbl espère que le Conseil supérieur de la magistrature inscrira parmi les points à l’ordre du jour de son Assemblée générale les questions relatives à la discipline et la carrière des magistrats.

Dans ses recommandations destinées au CSM, cette association de défense des droits de l’Homme demande notamment une permutation urgente de tous les chefs de juridiction ayant dépassé la période légale de trois ans de service dans un ressort, la réactivation de la commission de discipline chargé de mettre à jour des enquêtes et poursuites contre les abus commis dans les juridictions du Haut-Katanga et d’auditer le budget du Pouvoir judiciaire national, exécuté de 2011 à 2019.

 

B.A.W.

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