Indignons-nous!

« Nous regardons tranquillement et sans émotion les injustices qui ne nous frappent pas », disait La Rochefoucauld.

Activiste du groupe de pression « Filimbi », Carbone Beni vient de confier à un confrère kinois ses conditions de détention dans des cachots à l’Agence nationale de renseignements (ANR) et au Camp Tshatshi. Ce camp sert de base aux tristement célèbres « GR », la garde prétorienne de « Joseph Kabila ».

« Enfer! ». C’est par ce mot qu’il a qualifié les 29 jours qu’il a passés entre les mains des sbires de « Joseph Kabila ». « On a subi des atrocités énormes qu’on ne peut pas détailler », a-t-il confié. « Nul ne peut être soumis à un traitement cruel, inhumain ou dégradant », énonce le quatrième alinéa de l’article 16 de la Constitution promulguée le 18 février 2006 par … « Joseph Kabila ».

Qui aurait pu imaginer que vingt années après la disparition de la DSP (Division spéciale présidentielle), du SNIP (Service national d’intelligence et de protection) et autre SARM (Service d’action et de renseignements militaires) des années Mobutu, que les « libérateurs » du 17 mai 1997 allaient mettre sur pied des officines à barbouzes analogues. A savoir: la « Garde Républicaine » (GR), l’ANR et une multitude de « services » destinés non pas à surveiller les menaces éventuelles sur la sécurité nationale mais pour traquer et intimider les contradicteurs du « raïs »?

Carbone et ses camarades ont été interpellés le mardi 13 décembre. Ils n’ont pas « outragé » le chef de l’Etat. Ils n’ont pas non plus créé un groupe armé du genre « Maï Maï machin » ou « Maï Maï truc ».

Leur « crime » est d’avoir organisé un sit-in devant le Centre Interdiocésain – où se déroulent les négociations entre les signataires et les non-signataires de l’accord du 18 octobre dernier – pour rappeler aux évêques catholiques ainsi qu’au personnel politique de ne pas transiger sur le respect de la Constitution. Une allusion claire à la date du 19 décembre 2016 qui marque la fin constitutionnelle du second et dernier mandat du Président en exercice.

L’exigence du respect de la Constitution aurait-elle été érigée en infraction? Lors de son investiture le 20 décembre 2011, « Joseph Kabila » n’avait-il pas juré « d’observer et de défendre la Constitution et les lois de la République »?

Le 19 décembre 2016, les Congolais ont salué à coup de sifflet et en tapant sur des casseroles la fin du second et dernier mandat du Président sortant. Déployés la veille à travers la ville de Kinshasa, des éléments de la garde présidentielle ont interpellé plusieurs manifestants. Certains de ces manifestants n’ont plus donné signe de vie.

C’est au cours de cette journée fatidique du 19 décembre que l’opposant Franck Diongo Shamba a été arrêté et passé à tabac par des éléments de la garde prétorienne de « Kabila ». A l’instar des activistes de Filimbi et de la Lucha, Diongo fait partie de ceux qui n’ont cessé de clamer haut et fort leur opposition à tout sursis à accorder au tyranneau qui « trône » au sommet de la République (mal nommée) démocratique du Congo. Un tyranneau qui a trahi son serment.

Ne devrions-nous pas nous indigner lorsque les forces dites de sécurité arrêtent et infligent la torture aux filles et fils de ce pays qui expriment simplement leurs opinions et convictions au cours d’une réunion pacifique?

Ne devrions-nous pas nous indigner face à l’intolérance et surtout à l’émergence d’un néo-parti-Etat sous la douce appellation de « Majorité présidentielle »?

Ne devrions-nous pas nous indigner lorsque le Président sortant – qui a fait le serment d’observer et de défendre la Constitution et les lois de la République – bloque sciemment le processus électoral pour perpétuer son pouvoir pour le pouvoir?

Ne devrions-nous pas nous indigner lorsque le Président de la République, fin mandat, continue à détourner la force publique de sa mission au service de l’intérêt général en envoyant celle-ci porter atteinte à la liberté de réunion exercée tant par les partis politiques que les activistes de la sociétés civile?

Ne devrions-nous pas enfin nous indigner lorsque les tortionnaires du « raïs » se croient en droit d’arrêter et de détenir des citoyens en violation du délai constitutionnel en matière de garde à vue?

En cette année 2017, on ne peut s’empêcher d’inviter le peuple congolais à prendre une résolution. La résolution de s’indigner face aux injustices et abus commis par ceux qui nous gouvernent.

Les Congolais doivent retrouver toute leur capacité d’indignation. Il s’agit de cette capacité d’indignation qui permet aux masses d’être des acteurs et non des simples observateurs de leur propre Histoire.

Indignons-nous chaque fois qu’il y a une injustice. Que cela touche un de nos proches ou pas!

 

Baudouin Amba Wetshi

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