Jean-Jacques Mamba: « Je vais rentrer au pays… »

Initiateur de la pétition ayant abouti à la destitution, le 26 mai dernier, du 1er vice-président de l’Assemblée nationale, Jean-Marc Kabund-A-Kabund (UDPS), le député national Jean-Jacques Mamba Kabamba, ancien porte-parole du MLC, séjourne actuellement en Europe. Dans certains milieux judiciaires kinois, son départ est perçu comme une dérobade. Bref, une « fuite ». Le parquet venait d’émettre un nouveau mandat d’amener contre lui. Le 13 mai, cet « élu du peuple » initie la pétition précitée. Un des signataires, en l’occurrence le député Simon Mpiana Ntumba, saisit la Cour de cassation. Il accuse Mamba d’avoir « trafiqué » sa signature. Le 23 mai, le parquet engage, en procédure de flagrance, des poursuites contre cet élu de Lukunga (Kinshasa) et le place en résidence surveillée. Le Bureau de la chambre basse du Parlement demande le « gel » de cette procédure judiciaire en application de l’article 107 de la Constitution dont le deuxième alinéa interdit la poursuite ou l’arrestation d’un parlementaire « en cours de session », sauf en cas de flagrant délit. Le parquet a émis un nouveau d’amener au mois de septembre. Le député national, lui, avait déjà quitté le territoire national. Pour Jean-Jacques Mamba, sa « condamnation » a déjà été « décidée ». INTERVIEW.

Que faites-vous à l’étranger pendant que le Parlement est en pleine session budgétaire?

Je suis venu en Europe pour un contrôle médical. J’ai quitté le pays le 6 septembre. J’ai été informé le 12 que l’affaire qui m’oppose à mon collègue Simon Mpiana devait passer devant les juridictions, avant le 15, de sorte que je puisse être jugé avant que le démarrage de la session. Constatant que je n’étais pas à la maison, le parquet a lancé un mandat d’amener. Je me trouvais déjà à l’étranger. Etant donné que je ne peux pas comparaître en homme libre, j’ai considéré cette situation comme une forme d’acharnement. Aussi ai-je décidé de saisir l’Union Interparlementaire (UIP) à Genève.

Vous n’ignoriez pas que le parquet allait relancer les poursuites après la session parlementaire de mars…

Dès lors que les poursuites avaient été suspendues et que mes immunités n’avaient pas été levées, j’ai considéré que l’affaire était désormais sans objet. A ma grande surprise, le parquet est revenu à la charge. C’est pourquoi j’ai pris mes responsabilités en m’adressant à l’UIP. J’ai posé la question de savoir si on pouvait poursuivre un parlementaire pour les actes posés dans le cadre de ses activités parlementaires. J’ai été entendu. Le ministre en charge des Droits humains a été également entendu. J’ai dû prolonger mon séjour à l’étranger pour attendre la décision l’UIP qui a été publiée. Je ne suis pas rentré du fait le mandat d’amener me concernant se trouve à l’aéroport de Ndjili.

Est-ce le début d’un exil forcé?

Absolument pas! Je rentrerai au pays. Je dois participer à la session d’autant plus que je suis le rapporteur d’une des Commissions.

Que répondez-vous à ceux qui s’étonnent de l’implication du député de l’opposition que vous êtes, dans un bras de fer FCC-CACH?

Aujourd’hui, quoi que vous posiez comme acte, vous serez suspecté de servir les intérêts de CACH ou ceux de FCC. La question centrale ici est de savoir comment je suis arrivé à initier cette pétition. Ce n’est pas parce que l’UDPS est au pouvoir que tout deviendrait parfait. Ce n’est pas parce que l’UDPS est au pouvoir que l’opposition n’existe plus. Ce ne pas parce que l’UDPS est au pouvoir que l’opposition devrait passer son temps à applaudir. L’UDPS et le FCC représentent la coalition au pouvoir. En tant qu’opposant, je me suis livré à un « exercice banal ». Il y avait une querelle entre le FCC et le CACH autour de l’organisation du congrès. il y avait une suspicion légitime que le FCC cherchait à mettre le chef de l’Etat en accusation. Le 1er vice-président du Bureau de l’Assemblée nationale, Jean-Marc Kabund, a déclaré que chaque réunion des deux chambres en congrès coûtait la somme de sept millions de dollars. Des jeunes de mon quartier m’ont interpellé à ce sujet. Vouloir en avoir le cœur net, j’ai écrit à M. Kabund, en bonne et due forme. J’ai chargé un jeune homme de lui porter la lettre avec accusé de réception. En gros, je lui ai demandé les preuves dont il détenait pour me permettre d’attaquer le Bureau pour « détournement »..

Pourquoi c’est le député Jean-Jacques Mamba qui devait se charger de cette démarche?

En tant que député national, mon mandat n’est pas impératif. Je tiens à vous rappeler qu’au milieu de l’année 2019, j’avais adressé sept questions écrites notamment à plusieurs mandataires du portefeuille sans omettre Monsieur Vital Kamerhe, directeur du cabinet du chef de l’Etat. C’était au sujet des marchés publics. Aujourd’hui trois de ces personnes sont en prison. D’ailleurs, au cours d’un débat organisé dans le cadre de l’émission « Bosolo na Politik », les intervenants avaient essayé de répondre à la question de savoir si le « dircab » du Président de la République était tenu de répondre aux questions d’un parlementaire. Des gens de l’UDPS m’avait traité à l’époque de « fou ». Moi, je fais modestement mon travail en tant que représentant du peuple. J’ai été élu pour défendre les intérêts de la population. Nous sommes 500 députés. Chacun de nous suit les dossiers qui l’intéressent. Les dossiers concernant Kamerhe et Kabund avaient attiré mon attention. Revenons à l’affaire Kabund qui est connue. Je lui ai adressé un premier courrier. Il refuse de répondre. Cette attitude m’a paru condescendante de la part d’un membre du Bureau qui est avant tout un collègue. Dans ma deuxième correspondance, j’ai adopté un ton comminatoire en lui donnant un ultimatum de 48 heures avant de faire actionner les mécanismes disciplinaires. Nouveau refus de me répondre. J’ai lui ai envoyé un troisième courrier. Malheureusement, mon assistant qui était porteur de la missive s’est fait tabasser.

Tous ces détails sont connus du grand public…

Je me suis insurgé contre ce comportement. C’est ainsi que j’ai initié une pétition.

On dit que l’intérêt est le moteur de toute action humaine. Quelle était votre motivation ou intérêt dans cette démarche?

Je n’ai pas la prétention de dire que je suis plus patriote que tout le monde. J’ai agi par conviction. Rien n’empêchait M. Kabund de répondre à mes questions. Je ne crois pas que la qualité d’une personne suffit pour nous plonger dans la résignation et fuir mes responsabilités. Mon intérêt est d’accomplir correctement la mission pour laquelle j’ai été élu. Je suis de ceux qui pensent que notre pays n’avancera pas en l’absence de l’objectivité et de la culture de la méritocratie. Nous devons nourrir l’ambition de faire évoluer notre pays.

D’après l’UPI, vous avez quitté le territoire national au motif que vous avez perdu confiance en la justice de votre pays. Et que votre condamnation serait, selon vous, déjà décidée? Confirmez-vous cela?

Je vais vous donner quelques faits. Lorsqu’on m’a donné le mandat d’amener, on a prétendu que j’avais reçu deux convocations et que j’avais refusé de répondre. Ce qui est faux. Le mandat a été signé la nuit. Mon arrestation est intervenue le matin. Les fonctionnaires venus m’arrêter n’avaient ni document ni prévention. Allez-vous faire confiance en une justice qui fonctionne de cette manière-là? Le chef de l’Etat s’est engagé sur la voie d’améliorer la justice. Nous y croyons mais nous devons nous impliquer. Cette implication implique qu’on ne reste pas muet face à des « incorrections ». J’espère que nous allons nous acheminer vers l’apaisement. Mon souci est que la procédure judiciaire soit strictement respectée.

 

Propos recueillis par Baudouin Amba Wetshi

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