Justice: L’honneur perdu de Célestin Tunda

Le PPRD Célestin Tunda ya Kasende paraît dans tous ses états. Depuis que plusieurs mandataires publics étiquetés « PPRD » (Fulgence Lobota Baramosi du Foner, Patient Sayiba Tambwe de l’Ogefrem, Benjamin Wenga Basubi de l’Office des voiries et drainage etc.) font face à des « ennuis judiciaires » dans le cadre du dossier « Programme de 100 jours », le ministre congolais de la Justice – qui fait partie des caciques de la mouvance kabiliste – s’agite nerveusement. Mal lui en a pris, il a tenté de donner des « injonctions négatives » au procureur général près la Cour de cassation. Il tenté également d’exercer des « pressions courtoises » sur le président de la Cour constitutionnelle en sa qualité de président du Conseil supérieur de la magistrature.

Après dix-huit années d’exercice d’un pouvoir autocratique, l’ex-président « Joseph Kabila » a privatisé le pays. Il a implanté une sorte de pieuvre dont les tentacules s’étendent sur l’appareil d’Etat. A savoir: la force publique, la justice et les finances publiques. Durant près de deux décennies, le prédécesseur de Felix Tshisekedi mettra les entreprises publiques à son service et à celui de sa famille biologique.

Benoît Lwamba Bindu

Lors de l’interpellation du directeur général du Foner (Fond national pour l’entretien routier), certains médias ont affirmé que des membres de la famille « Kabila » étaient « appointés » dans cet organisme public alors qu’ils n’y exercent aucune fonction. Les jours et semaines à venir pourraient être riches en rebondissements. Et pourquoi pas des « révélations »?

Redoutant cette dernière éventualité, le ministre de la Justice, Célestin Tunda ya Kasende, a pris les devants en écrivant, en date du 15 avril 2020, au président de la Cour constitutionnelle Benoît Lwamba Bindu. Celui-ci assume également la fonction de président du Conseil supérieur de la magistrature (CSM). L’objet de cette missive se passe de tout commentaire: Visite des juridictions, offices et services judiciaires de la ville-province de Kinshasa. En clair, le membre du Pouvoir exécutif qu’est le ministre de la Justice voudrait « visiter » les parquets mais aussi les Cours et tribunaux.

INDÉPENDANCE DU POUVOIR JUDICIAIRE

En réalité, le ministre de la Justice voudrait avoir une franche conversation sur les « dossiers judiciaires en cours ». Il le dit. Une démarche sans précédent. Et pourtant, le premier alinéa de l’article 151 de la Constitution est sans équivoque: « Le pouvoir exécutif ne peut donner d’injonction au juge dans l’exercice de sa juridiction, ni statuer sur les différends, ni entraver le cours de la justice, ni s’opposer à l’exécution d’une décision de justice ». Dans sa réponse, le Président du CSM s’est contenté de lui opposer cet argument en brandissant la séparation des Pouvoirs et son corollaire: l’indépendance du Pouvoir judiciaire.

Dans une nouvelle correspondance, datée du 22 avril, le ministre de la Justice répond au Président du CSM. Il commence par relever la « formulation agressive et peu courtoise » de la réponse lui adressée par le président Lwamba.

Manifestement à bout d’arguments juridiques, Célestin Tunda qui est avocat de profession se perd dans la rhétorique. Pour lui, « l’indépendance du Pouvoir judiciaire n’est pas un mûr bâti pour créer en faveur des magistrats un cercle cloisonné qui n’aurait de compte à rendre à rendre ».

Au lieu d’en rester là, le ministre s’est cru en droit d’admonester le procureur général près la Cour de cassation. Il reproche à ce haut magistrat d’avoir fait émettre le « mandat d’amener » lancé contre Patient Sayiba Tambwe, par son office. Pour le ministre, le PG a foulé aux pieds la loi en s’arrogeant la compétence d’instruction attribuée à la Cour d’appel.

« RIEN NE SERA (PEUT-ETRE) PLUS COMME AVANT »

PG Victor Mumba Mukomo (au centre)

La réponse du PG Victor Mumba Mukomo ne s’est pas fait attendre: « Je note pour ma part que le mandat d’amener peut être décerné par un officier du ministère public à la demande d’un officier de police judiciaire menant une enquête préliminaire contre un justiciable qui refuse de répondre à ses invitations, force devant rester à la loi ».

En « rappelant à l’ordre » le procureur général près la Cour de cassation, le ministre de la Justice a avoué implicitement qu’il fait partie de ceux qui avaient « entêté » le DG de l’Ogefrem d’ignorer les deux mandats de comparution lui adressés.

Au moment de boucler ce « papier », on apprenait que le juge Samy Samutondi Ikomba du Tribunal de Grande Instance de Kinshasa/Gombe n’a pas pu résister aux « pressions politiques ». Au lieu de faire semblant de dire le droit, ce magistrat a préféré « se déporter » de la composition de la chambre ayant reçu en appel la demande de liberté provisoire en faveur du DG de Foner, Fulgence Lobota Baramosi.

La justice zaïro-congolaise est malade des interférences politiques. On espère qu’une enquête sera menée pour identifier les « maîtres-chanteurs » à l’origine de l’auto-récusation de ce juge.

Dans le cas de Patient Sayiba autant que celui de Fulgence Lobota, tous les regards sont braqués sur le vice-Premier ministre en charge de la Justice, Célestin Tunda ya Kasende. Un homme qui a désormais son honneur derrière lui du fait de son zèle à servir les intérêts d’un « clan ». Le « clan kabiliste ». Le juriste Tunda risque de découvrir à ses dépens que rien ne sera (peut-être) plus comme avant…

 

B.A.W.

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