« Kabila » a-t-il fait exécuter le colonel John Tshibangu?

Près de trois mois après son arrestation, le 29 janvier, en Tanzanie, et son transfert, le 5 février, à Kinshasa, le colonel John Tshibangu n’a toujours pas été vu en public. Le procès annonce « pour rébellion » se fait attendre. Des sources sécuritaires assurent que cet officier dissident « a déjà été passé par les armes ». Le pouvoir kabiliste ne pourrait renverser cette annonce qu’en exhibant l’intéressé.

« Le colonel John Tshibangu sera jugé dans quelques semaines ». « Il sera jugé pour rébellion ». Ces déclarations ont été faites le 5 février dernier respectivement par Alexis Thambwe Mwamba, ministre de la Justice, et Crispin Atama Tabe, ministre de la Défense. C’était lors de l’arrivée de l’officier « rebelle » – patriote? – dans la capitale.

Neuf semaines après sa détention dans un « lieu secret » géré par l’état-major des renseignements militaires (ex-Demiap), le colonel John Tshibangu n’a toujours pas été vu en public. Sa famille n’a pas eu de contacts avec lui. Le procès annoncé se fait attendre.

Pour la petite histoire, c’est Kalev Mutond, le chef de la police politique de « Joseph Kabila », et non une autorité judiciaire, qui a été dépêché à Dar es-Salaam, fin janvier. Mission: négocier « l’extradition » de ce concitoyen.

Le despote tanzanien John Pombe Magafuli – qui traite ses propres adversaires politiques avec mépris et cruauté – n’a pas eu besoin d’une semaine pour livrer Tshibangu à ses bourreaux. Et ce en violation notamment de l’article 14-1 de la Déclaration universelle des droits de l’homme  qui stipule: « Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays ».

Une rumeur alarmante s’est répandue comme une traînée de poudre au cours des journées de vendredi 13 et samedi 14 avril. On apprenait de bouche à oreille que le colonel Tshibangu « est mort ». Sur les réseaux sociaux, certains internautes situent cet « assassinat politique » à la date du 10 avril. D’autres internautes se contentent de « démentir » avec désinvolture: « John Tshibangu akufi te! » Traduction: John Tshibangu n’est pas mort.

ULTIMATUM

Après recoupements auprès de plusieurs sources dignes de foi à Kinshasa, il se semble se confirmer que le colonel Tshibangu – qui était un « ennemi intime de « Joseph Kabila » – a bel et bien été « descendu ».

Dans un récent enregistrement vidéo, Tshibangu avait « signifié » à « Kabila » un ultimatum de 45 jours pour quitter le pouvoir. Passé ce « délai », il menaçait de le chasser. Les autorités de Kinshasa, elles, avaient accusé le dissident d’avoir des accointances avec quelques « mouvements terroristes ». C’est le cas notamment des ex-Seleka en Centrafrique et les Nigérians de Boko Haram.

Chef d’état-major en second de l’ancienne 4ème Région militaire (les deux provinces du Kasaï), John Tshibangu a fait défection de l’armée le 16 août 2012. Au départ, il justifiait son « combat » après avoir acquis la conviction selon laquelle « les plus hautes autorités civiles et militaires » étaient de connivence avec les rebelles pro-rwandais du M23 dans un projet de « balkanisation » du pays. « Au commencement, les mutins étaient à peine une trentaine, curieusement les autorités de Kinshasa ont ordonné un cessez-le-feu. Comment ne pas suspecter le gouvernement d’avoir donné aux insurgés du temps pour se renforcer en hommes et en matériel ? », martelait-il dans un entretien téléphonique avec l’auteur de ces lignes.

Outre ce grief, « John » reprochait à « Kabila » d’avoir volé la « victoire » à Etienne Tshisekedi wa Mulumba lors de l’élection présidentielle du 28 novembre 2011. Pour lui, il fallait renverser l’usurpateur et installé le « véritable vainqueur ».

Depuis le « rapatriement » de Tshibangu par des sbires du régime, les commentaires font rage sur la mansuétude de « Kabila » vis-à-vis des officiers d’expression rwandophone. « Un simple démenti ne suffira pas pour rassurer l’opinion sur l’intégrité physique de John Tshibangu, commente un expert congolais. Joseph Kabila doit l’exhiber. Il est étrange de constater que le fameux raïs n’a jamais demandé au régime rwandais de Paul Kagamé d’extrader Laurent Nkunda, Jules Mutebusi, Sultani Makenga et consorts. En revanche, le général Faustin Munene a fait l’objet d’une demande d’extradition au Congo-Brazza. Maintenant, c’est Joseph Tshibangu qui est pris ».

D’aucuns commencent à donner raison à ceux qui n’ont cessé de clamer que « Joseph Kabila est chargé d’une mission qui consiste à détruire l’élite congolaise et le tissu économique afin de maintenir le pays à genoux… » Où est John Tshibangu?

 

Baudouin Amba Wetshi
© Congoindépendant 2003-2018

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