Kasaï central: Quand Denis Kambayi rend un hommage immérité à « Joseph Kabila »

A l’occasion de la célébration de la messe d’action de grâce à la mémoire de Patrice-Emery Lumumba et de LD Kabila à Kananga, le gouverneur de la province du Kasaï central, le PPRD Denis Kambayi a rendu un « hommage mérité » à « Joseph Kabila ». On cherche en vain le service rendu à la nation congolaise par cet homme qui a transformé le Congo-Kinshasa en une immense fosse commune.

Denis Kambayi Cimbumbu a déclaré à cette occasion que le successeur de Mzee mérite un « hommage appuyé » pour « avoir tenu sa promesse d’organiser les élections d’organiser les élections sur fonds propres de la RDC sans interférence extérieure ».

L’ancien ministre des Sports ne s’est pas arrêté là! Il a « félicité » le président sortant – qui continue à trôner à la tête du pays alors que son dernier mandat a expiré depuis le 19 décembre 2016 – d’avoir respecté « son engagement de ne plus se présenter pour un troisième mandat à la tête du pays, consacrant ainsi l’alternance politique au sommet de l’Etat ». Quelle imposture!

Kambayi a enfin « salué » la « détermination » de « Joseph Kabila » « pour l’achèvement de l’œuvre de son feu père assassiné par les ennemis du progrès des congolais ». On doit se munir d’une lampe en plein jour pour aller à la recherche cette prétendue oeuvre dont question.

A sa « décharge », le gouverneur sortant de la province du Kasaï central n’est pas le premier membre de la mouvance kabiliste à tenter de contrefaire l’histoire en attribuant au futur ex-Président des mérites oniriques.

UN PUR PRODUIT DES INGÉRENCES EXTÉRIEURES

« Joseph Kabila » est un pur produit de certaines « officines occidentales ». Lors de son accession à la tête de l’Etat congolais le 17 janvier 2001, l’homme fut porté à bout de bras par la très nébuleuse « communauté internationale ». Chef de la diplomatie belge d’alors, Louis Michel, jouait le rôle de « parrain ».

Laurent Désiré Kabila

Une propagande politico-médiatique de grande envergure a aussitôt été menée par certains médias occidentaux. Objectif: faire dissiper le doute ambiant sur les origines autant que le parcours de cet homme – qui est né en Tanzanie où il a grandi et fait le service militaire – qui n’a découvert l’ex-Zaïre qu’à la fin du mois d’octobre 1996. C’était lors de la naissance du mouvement rebelle « AFDL » (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo) qui portera LD Kabila au pouvoir le 17 mai 1997.

Une illustration de cette propagande. Dans son édition datée du 20 janvier 2001, soit six jours avant l’investiture du successeur de Mzee, le quotidien bruxellois « Le Soir » écrit: « La nomination de Joseph Kabila a mécontenté de nombreux Congolais. (…). En outre, le fils du président défunt est à moitié Tutsi. Ce qui n’améliore pas sa popularité à Kinshasa: de nombreux Kinois détestent les Tutsis, assimilés aux Rwandais, agresseurs honnis au Congo ».

Coup de théâtre! Dans son édition du 26 janvier de la même année, le même quotidien fait un virage à 180 degrés: « Les Congolais ont dû se rendre à l’évidence: Safi Mahanya, la mère de leur nouveau Chef, est bien congolais, originaire de Bangu Bangu (sic!) dans le Maniema ».

En juillet 2006, « Joseph » se présente à l’élection présidentielle sans le moindre projet de société ou programme. L’homme se savait chouchouter par le monde occidental qui déboursa près de 450 millions de dollars pour financer ce scrutin. La quote-part de l’Etat congolais atteignait à peine 10 millions de dollars. Les « nationalistes-souverainistes » étaient à l’époque invisibles.

Jean-Pierre Bemba Gombo

Les Congolais ont encore frais en mémoire l’énigmatique phrase prononcée par le challenger Jean-Pierre Bemba Gombo au lendemain de la proclamation de la « victoire » de « Joseph »: « J’ai accepté l’inacceptable ». Le chairman a-t-il été obligé de « céder » sa victoire au « chouchou » du moment? On connait la suite à travers les affrontements à l’arme lourde, en plein centre des affaires à Kinshasa, en mars 2007, entre la garde prétorienne du nouveau « Président élu » et des éléments chargés de la garde rapprochée du vice-président Bemba Gombo.

DESPOTE BRUTAL, ASSOIFFE DE SANG

L’homme a fini par ôter le « masque d’agneau » derrière lequel il se dissimulait pour dévoiler sa vraie face. Celle d’un despote brutal et assoiffé de sang. « Beaucoup de gens ne connaissent pas le président Kabila, déclarait-il au « Soir » daté du 16 novembre 2006. Ils se trompent s’ils pensent qu’après les élections, ce sera la même chose que pendant la transition. Ce sera la rigueur, et surtout la discipline, car sans la discipline, on ne peut pas construire une nation ».

Au nom de la « rigueur » et de la « discipline », « Joseph » enverra, en 2007 et 2008, le fameux « bataillon Simba », commandé par John Numbi Banza et Raüs Chalwe Ngwashi, dans l’actuel province du Kongo central. Mission: canarder les adeptes du mouvement politico-religieux Bundu dia Kongo.

Les membres de cette association sont accusés de menées subversives. Bilan: 100 morts et plusieurs blessés graves. Les conclusions de l’enquête menée par des experts onusiens seront enfouies dans le « congélateur » par l’Américain William Lacy Swing, alors chef de la mission onusienne (Monuc). « Ce qui s’est passé dans le Bas Congo n’était pas une simple manifestation de mécontentement, il s’agissait d’une rébellion en gestation, d’une révolte contre les institutions étables », clamait « Joseph » dans son quotidien favori en l’occurrence « Le Soir » daté du 24 avril 2008.

Après ces événements sanglants, les Occidentaux ont commencé a traîné les pieds. Les investissements promis ne venant pas, « Joseph » se tourna en 2009 vers la Chine.

En 2011, l’homme décide de se passer de ses anciens parrains occidentaux devenus frileux. Il annonce que l’Etat congolais va financer lui-même le budget électoral. Montant: 450 millions USD. L’origine de cette somme reste opaque. Blanchiment?

Etienne Tshisekedi wa Mulumba

Les observateurs tant nationaux qu’internationaux dénoncèrent des irrégularités et autres fraudes massives ayant émaillé cette consultation électorale. Face à Etienne Tshisekedi wa Mulumba, « Kabila » est déclaré, à nouveau, « vainqueur ». Et ce à la surprise générale. « Les irrégularités dénoncées n’ont pas altéré l’ordre d’arrivée ». Autrement dit, la fraude n’a pas corrompu tout. Qui parle? C’est le Belge Didier Reynders, ministre belge des Affaires étrangères.

DÉVERROUILLER L’ARTICLE 220

« Joseph Kabila » n’a jamais pris l’engagement de ne pas se représenter pour un troisième mandat. Bien au contraire. Dès 2013, l’homme multiplia des artifices au mépris de l’article 70 de la Constitution qui limite le nombre de mandats (2) et la durée (5 ans). Les « concertations nationales » avaient été le premier artifice en vue d’une révision de la Constitution. Sans succès.

En mars 2014, plusieurs caciques du PPRD lancèrent une campagne pour « changer de constitution ». « L’article 220 doit être déverrouillé pour permettre à Joseph Kabila de réaliser sa politique », affirmait le PPRD Claude Mashala. Chef de la maison civile du « raïs », Théodore Mugalu va multiplier des sorties médiatiques. Il soutient, sans vergogne, que la Charte fondamentale promulguée le 18 février 2006 est « tâchée de sang ». Au motif qu’elle a été rédigée par les belligérants. « Le texte ne fait pas assez mention de Dieu », ajouta-t-il. En août 2015, Tryphon Kin-Kiey Mulumba, président de l’association « Kabila Désir », se rend à Paris et Bruxelles pour « vendre » la même idée. Il fait état d’un « dialogue politique » dont la finalité serait la modification de la Constitution en instaurant l’élection du Président de la République au « suffrage indirect ».

Tous ceux qui osaient reprocher à « Kabila » de tenter de violer la Constitution pour se maintenir au pouvoir recevaient la même réponse: « C’est un procès d’intention que vous faites à Joseph Kabila ». Celui-ci se tait. Il ne recadre aucun de ses lieutenants.

En janvier 2015, des manifestations pacifiques sont réprimées dans le sang. Les protestataires fustigeaient le projet de loi électorale qui érigeait le recensement comme un préalable à la tenue des élections. Le vote devait avoir lieu au bas mot en 2019. Tiens! Tiens! Des éléments de la garde prétorienne de « Kabila » ont fait disparaître les corps de leurs victimes. Des pratiques étranges pour les Congolais.

FOSSES COMMUNES

Le 31 décembre 2017, le 21 janvier et le 25 février 2018, d’autres manifestations pacifiques sont organisées par le Comité laïc de coordination. C’est un carnage. Les manifestants demandaient à « Kabila » ni plus ni moins que de prendre l’engagement solennel de ne pas briguer un nouveau mandat. Bref, de respecter la Constitution.

C’est ici le point de départ de la crise diplomatique entre le Congo-Kinshasa et l’Union européenne. Une crise qui atteindra son paroxysme avec les événements sanglants du Kasaï et sa cohorte de fosses communes. Sans omettre l’assassinat de deux experts du Conseil de sécurité Zaida Catalan et Michaël Sharp chargés d’y enquêter.

Dans l’interview qu’il a accordée au quotidien « Le Soir » daté du 1er décembre 2018, « Kabila » a invoqué « une question d’indépendance et de souveraineté » pour justifier sa décision renoncer à l’aide extérieure pour les élections.

En réalité, l’homme – qui avait déclaré par la bouche de son frère Zoé que sa fratrie n’est pas prête à céder le pouvoir à n’importe qui – avait une motivation prosaïque. L’aide extérieure risquait d’octroyer aux donataires un droit de regard sur le déroulement des opérations électorales. « Je considère que ces pays ont déjà préparé leur rapport avant même le jour du vote », déclarait-il au même média.

N’en déplaise au flagorneur Denis Kambayi Cimbumbu, le Président sortant n’a aucun mérite. Et n’a droit à aucun hommage. « Kabila » a renoncé à briguer un troisième mandat non pas par sa volonté mais contraint par la pression tant nationale qu’internationale. Il a fait autofinancer les élections du 30 décembre 2018 pour « tricher en circuit fermé ». A l’abri des yeux indiscrets.

« Joseph Kabila » ne mérite aucun hommage. Bien au contraire. Tôt ou tard, il devra rendre compte des violations des droits humains commises sous sa présidence. On ne peut pas conclure ces lignes sans relever le trouble créé au sein d’une importante frange de la population congolaise par l’hommage rendu à cet individu par Félix Tshisekedi Tshilombo…

 

Baudouin Amba Wetshi

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