Kinshasa: Vital Kamerhe snobe la Justice…

Le directeur de cabinet du Président de la République n’a pas répondu à l’invitation lui adressée par le parquet général de Matete. L’homme était attendu lundi 6 avril à 13h00 pour une « communication » sur le dossier relatif au « Programme de 100 jours » du chef de l’Etat. Vital Kamerhe ne s’est pas non plus fait représenter par son conseil. Le magistrat instructeur a émis une nouvelle « invitation » pour ce mercredi 8 avril. La défiance affichée par le président de l’UNC à l’égard des autorités judiciaires éclaire, une fois de plus, l’impéritie des opposants congolais – parvenus au pouvoir – à transformer les principes généreux ressassés jadis en « idéologie de gouvernement ».

Vital Kamerhe, Président de l’UNC

En parcourant la « déclaration politique » au ton martial publiée, dimanche 5 avril, par la direction politique de l’Union pour la Nation Congolaise, des observateurs avaient compris que le « chief of staff » du président Felix Tshisekedi avait levé l’option de croiser le fer avec le procureur général Adler Kisula Betika qui officie près la Cour d’appel de Matete.

Les signataires s’étaient attardés sur des « détails » pour le moins dérisoires. C’est le cas notamment du « rang » du directeur de cabinet du chef de l’Etat qui est assimilé, sur le plan protocolaire, à un vice-Premier ministre. Une manière de sous-entendre que le concerné jouit, à ce titre, d’un « privilège de juridiction ». En clair, l’invitation querellée devait émaner du parquet général près la Cour de cassation. Autre grief, une erreur matérielle au niveau de date: 6 mars au lieu de 6 avril 2020.

C’est au début de la soirée de lundi que la nouvelle est tombée: « Vital Kamerhe n’a pas répondu à l’invitation du parquet général près la Cour d’appel de Matete. Il ne s’est pas non plus fait représenter par son avocat ».

On apprenait, par ailleurs, que le cabinet du magistrat instructeur a émis une seconde « invitation ». « En cas de résistance, une ultime invitation sera envoyée, commente un juriste. Après, le risque est grand que le directeur du cabinet présidentiel fasse l’objet d’une interpellation ».

L’IMAGE « BROUILLÉE » DE L’UNC

La « déclaration politique » précitée publiée par des cadres de l’UNC « brouille » quelque peu l’image de ce parti politique considéré, à tort ou à raison, comme une des formations politiques les mieux structurées. La tentation est forte de faire quelques observations.

Primo: en tenant « en alerte ses militantes et militants pour le combat politique à venir », l’UNC écorne son image. On cherche en vain la différence existant entre ce parti qui se dit réformiste et le conservatisme incarné par le « Front commun pour le Congo » (Fcc) de « Joseph Kabila ». On rappelle que ce dernier parti menaçait, par la bouche de son secrétaire permanent Emmanuel Ramazani Shadary, de « paralyser le pays » au cas où des poursuites judiciaires seraient engagés contre Albert Yuma Mulimbi.

Secundo: en parcourant la qualité des signataires de ladite déclaration politique, on est atterré de noter la présence non seulement de plusieurs députés nationaux mais aussi des membres du gouvernement national. Serait-il excessif d’interpréter cette démarche comme une volonté « d’entraver le cours de la justice » comme le stipulent les deux premiers alinéas de l’article 151 de la Constitution congolaise? Des voix commencent à s’élever, à juste titre d’ailleurs, pour réclamer la démission de ces « excellences » qui sont plus au service d’un parti que de la nation entière.

Tertio: Depuis l’investiture de Felix Tshisekedi Tshilombo à la tête de l’Etat, l’UDPS ressemble à un navire sans boussole, ni capitaine. Les réformes annoncées tardent à se matérialiser. Au nom du « deal » conclu avec « Kabila », « Fatshi » a littéralement mis en hibernation toutes les valeurs fondamentales à la base de l’aura de cette formation politique. A savoir, la démocratie, la bonne gouvernance et le progrès social.

Etienne Tshisekedi wa Mulumba

VOUS AVEZ DIT INDÉPENDANCE DE LA MAGISTRATURE?

Dans son discours prononcé le 2 avril 2005, lors de l’ouverture de la session extraordinaire du comité national de l’UDPS, le président Etienne Tshisekedi wa Mulumba a rappelé le credo de son parti en invitant ses « compatriotes » à mener une « lutte implacable » contre la corruption, le clientélisme et le pillage des ressources nationales. Pour lui, l’avènement de la démocratie, dans un Etat de droit, respectueux des valeurs républicaines de liberté, de justice, d’égalité et de solidarité constituent l’Alpha et l’Omega du parti.

Depuis l’accession de la coalition « Cach » au pouvoir d’Etat, les deux têtes d’affiche de « Cap pour le changement » semblent anesthésiés par les délices de l’imperium. Ils peinent à transformer les principes réformistes ânonnés jadis en une véritable « idéologie de gouvernement ». Et ce au grand dam de ceux qui ont milité pour une véritable alternance.

Dans son ouvrage « Les fondements de la politique transatlantique de la RD Congo », publié en 2011 aux éditions Larcier, Vital Kamerhe écrit ce qui suit aux pages 187 et 188. L’homme politique congolais décrivait sa conception de la société congolaise de demain. « La refondation de l’Etat passe par la restauration de l’Administration du pays, de la justice, de l’armée, de la police, des forces de sécurité et de la diplomatie qui doivent être républicaines ». « Les grands services de l’Etat doivent être guéris des maux dont ils souffrent et qui sont essentiellement la corruption, les détournements, le tribalisme, le clientélisme, le népotisme, la démotivation et le sous-équipement », ajoute-t-il.

Kamerhe qui vient de snober les autorités judiciaires au nom d’un prétendu « rang » protocolaire de poursuivre: « Il faut donc s’attaquer à ces maux en faisant de l’indépendance de la magistrature une réalité en luttant contre la corruption et les détournements des deniers publics (…)« . « La fin de l’impunité ne doit pas se limiter à des simples slogans, sinon les forts sont immunisés et les faibles sacrifiés ».

Que sont devenus tous ces principes généreux chers à l’UDPS autant qu’à l’UNC? Et si en chaque opposant congolais sommeillait, en réalité, un simple jouisseur déguisé en réformiste?

Baudouin Amba Wetshi

Happy
Happy
0 %
Sad
Sad
0 %
Excited
Excited
0 %
Sleepy
Sleepy
0 %
Angry
Angry
0 %
Surprise
Surprise
0 %