La coalition « LAMUKA » face à des « contradictions internes »

Le communiqué publié au début de la soirée de samedi 23 mars par les six leaders de la coalition « Lamuka » met à nu un certain tiraillement découlant de l’émergence de deux « tendances ». Une tendance radicale voire « jusqu’-auboutiste » incarnée par Martin Fayulu Madidi, Jean-Pierre Bemba Gombo, Freddy Matungulu Mbuyamu Ilankir et Adolphe Muzito – et une autre tendance plus « conciliante ». Ici, on trouve essentiellement Moïse Katumbi Chapwe et Antipas Mbusa Nyamwisi.

Le communiqué tant attendu sanctionnant les travaux de la coalition « Lamuka » est tombé au début de la soirée de samedi 23 mars à Bruxelles. Le document s’articule sur neuf points. Les critiques ne manqueront pas de qualifier ce texte de « langue de bois ». Les observateurs doivent, en effet, lire entre les lignes pour dénicher les messages quasi-subliminaux contenus dans certains paragraphes.

Réunis dans la capitale belge du 21 au 23 jours, les têtes d’affiche de ce cartel disent avoir procédé à une évaluation de la situation générale au Congo-Kinshasa depuis la tenue des élections du 30 décembre dernier. Sans omettre de passer au scanner la coalition, déterminer ses objectifs, fixer la nouvelle feuille de route et adapter les structures de cette plateforme.

Les six leaders ont raté l’occasion de répondre à une question cruciale en matière de communication. A savoir: Quoi de neuf! Ils semblaient rivés sur le passé. Les points 1, 2, 3, 4 et 6 ne contiennent rien de bien nouveau. Alors que l’opinion attendait – espérait? – qu’ils montrent le chemin. Un chemin, de préférence, tourné vers l’avenir.

Dans le texte précité, on peut lire notamment qu’ils « félicitent le peuple congolais (…) qui a finalement arraché la tenue des élections et a massivement voté le 30 décembre 2018″ et « rappellent que les résultats de l’élection présidentielle tels que publiés par la Commission élection nationale indépendante ne correspondent pas à la vérité des urnes(…)« . Ils « condamnent la fabrication des résultats des élections législatives nationales et provinciales mais saluent la maturité du peuple congolais qui n’a pas recouru à la violence (…)«  et « considèrent que ce trucage des résultats des élections ordonné par Monsieur Joseph Kabila aggrave la crise de légitimité des institutions ainsi que celle de leurs animateurs (…)« .

LE RESPECT DES « PRATIQUES DÉMOCRATIQUES »

C’est au point « 5 » qu’on apprendra que la coalition « Lamuka » ne cessera pas d’exister. Et que ses animateurs sont décidés à « poursuivre ensemble » le combat politique pour promouvoir le respect des « pratiques démocratiques ».

Les points 6, 7, 8 et 9 appellent un commentaire global.

Corneille Nangaa (CENI)

Le 30 décembre dernier, les Congolais sont allés massivement aux urnes pour choisir leur nouveau Président ainsi que les députés nationaux et provinciaux. De l’avis général, ces consultations électorales constituent un chef d’œuvre de la mystification. Le président de la CENI a proclamé les résultats alors que plusieurs centres locaux de compilation n’avaient pas encore achevé le comptage des voix. Près de deux mois après, Corneille Nangaa n’est pas en mesure d’afficher les résultats, bureau de vote par bureau de vote.

Contrairement au Venezuela et à l’Algérie où les populations sont descendues dans les rues pour faire entendre leur voix, les Zaïro-Congolais – habitués à attendre que les autres nations résolvent leurs problèmes – sont restés tranquillement à la maison. Après des tergiversations, la très nébuleuse « communauté internationale » a fini par « prendre acte » de la proclamation de Felix Antoine Tshisekedi Tshilombo, par la Cour constitutionnelle, en qualité de président élu. Au grand dam de Martin Fayulu Madidi qui revendique la « victoire ».

DEUX TENDANCES ANTINOMIQUES

Depuis le 10 janvier dernier, il est apparu, au fil du temps, que la convergence n’est plus ce qu’elle était au sein de la coalition « Lamuka ». Certes, il n’y a pas d’éclats de voix. On perçoit, au niveau de l’analyse,  l’émergence de deux « tendances antinomiques ». L’une est composée de ceux qu’on pourrait qualifier les « jusqu’au-boutistes ». Outre Martin Fayulu, on peut y insérer Jean-Pierre Bemba, Adolphe Muzito et Freddy Matungulu. L’autre tendance paraît ouverte au « compromis ».

Lors de la conférence que Fayulu a animée, samedi 9 mars, à la VUB (Vrije Universiteit Brussel), l’assistance a noté une forte présence des « bembistes ». Le conférencier a déclaré notamment: « Felix est mon frère ». Il a, néanmoins, exclu l’idée de participation à la prochaine équipe gouvernementale « de peur de cautionner une fraude ».

Dans une interview accordée au quotidien bruxellois « La Libre Belgique » (voir LLB datée du 11.03.2019), Fayulu est revenu à la charge: « Le peuple a voulu le changement, mais le système Kabila demeure, M. Tshisekedi n’est qu’un masque »

Prenant la parole le premier à la VUB, Jean-Jacques Mbungani, secrétaire national du MLC aux relations extérieures,  avait lancé ces mots: « Le combat mené par le président Fayulu est un combat noble. Le combat du peuple. Nous ne céderons aucunement parce que nous avons gagné ».

A Kinshasa, le secrétaire général adjoint du MLC, Fidèle Babala, a publié, lundi 18 mars, un communiqué au vitriol  dans lequel il dénonçait « l’amateurisme au sommet de l’Etat ». C’était au lendemain de la suspension de l’installation des sénateurs et du report de l’élection des gouverneurs, décidés par le président Tshisekedi suite aux soupçons de corruption des députés provinciaux.

« LE MAL, C’EST KABILA! »

On rappelle que début février dernier, l’ancien Premier ministre Muzito n’était pas allé par quatre chemin, sur TV5 Monde, en menaçant d’organiser des manifestations destinées à créer l’instabilité « afin de décourager les investisseurs à venir au Congo ».

Quid de l’autre tendance dite « ouverte au compromis »? Ici, il y a deux hommes: Moïse Katumbi et Antipas Mbusa. « Felix Tshisekedi est mon frère », a déclaré l’ancien gouverneur du Katanga après la publication du communiqué précité. « Le mal c’est Kabila », a-t-il asséné. Mbusa qui connait bien l’acteur et son système ne dit autre chose. En fait « Moïse » et « Antipas » auraient une « approche nuancée ». Pour eux, « il faut sauver le soldat Felix Tshisekedi Tshilombo ». Il faut l’aider à s’affranchir de son prédécesseur.

Les deux tendances n’ont pas que des points de divergence. Elles convergent au point « 9 » lorsqu’elles appellent le peuple congolais « à rester vigilant ». La préoccupation paraît claire. Il s’agit d’empêcher toute tentative de « Joseph Kabila » et de sa « majorité parlementaire » d’initier des révisions intempestives de la Constitution. 

Selon des sources, certains « grands décideurs » de la communauté internationale exerceraient des « pressions amicales » sur les deux tendances afin d’opter pour le « compromis ». L’ancienne opposition pourrait, ainsi, refaire son unité et modifier les rapports de force actuellement en faveur de « Kabila ». On peut comprendre l’impression de tiraillement voire de contradictions internes qui se dégage à la lecture du communiqué de « LAMUKA ».

 

Baudouin Amba Wetshi

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