La RDC navigue vers l’inconnu. Le pays va très mal!

Janvier 2019, le son retentit sur tous les toits vantant l’historique « Première passation pacifique » du pouvoir au sommet de l’Etat en République Démocratique du Congo. Les géniteurs de cet exploit s’embrassent et prennent l’engagement tacite de préserver ce précieux acquis. En l’occasion de son investiture, Félix Tshisekedi arrose les combattants de son parti d’une nouvelle douche: « Joseph Kabila cesse d’être un adversaire politique; il devient notre partenaire! » Tant mieux pour un peuple meurtri des années durant par un traitement abjecte, conséquence d’une gestion alambiquée du pouvoir de l’Etat.

Désillusion

Il n’aura pas fallu attendre longtemps pour sombrer dans une sorte de désillusion consécutive à la définition parallèle de la « passation pacifique » du pouvoir. Au fait, le passage de témoin s’est effectué sur fond d’un deal souterrain dont l’articulation principale rappelle ce passage du commandant belge, à savoir « Avant l’indépendance = après l’indépendance! ». Sur le terrain en effet, le peuple se rend rapidement compte de la persistance des affres du pouvoir précédent et l’arrogance des caciques du régime Kabila qui, visiblement, trônent toujours aux commandes.

Pour autant que les attentes frisent la déception, la rue reprend son pouvoir en dénonçant le retard enregistré dans la mise en train des réformes espérées. Le premier couac surgit lorsque, à force des observations pertinentes, le nouveau chef de l’Etat prend conscience de sa situation de « seul comptable » devant l’opinion nationale et internationale. Au fait, Félix Tshisekedi réalise que les « partenaires » l’accompagnent allègrement vers l’échec afin de tirer meilleure partie lors des joutes électorales de 2023.

Avenir politique sacrifié?

Mais Fatshi ne consent point de s’offrir en victime expiatoire; il entreprend de récupérer la bride, évidemment en se heurtant tout naturellement au refus sec des caciques du Front commun pour le Congo (FCC). Ainsi les nouveaux gestionnaires nommés par le chef de l’Etat à la Gécamines et à la Société des chemins de fer du Congo (SNCC) n’entrent pas en fonction par la seule résistance de la ministre FCC du Portefeuille. Le « péché » du Président de la République aura été de n’avoir pas obtenu le quitus de l’autorité morale de la plateforme en coalition!

Au fil des jours, la désobéissance au Président de la République gagne en importance dans le chef des cadres du FCC. Des invectives coulent de la bouche des cadres et jeunes de la famille politique de l’ancien président de la République. La moindre déclaration de Félix Tshisekedi coûte une réaction cinglante du FCC, tel ce réquisitoire de Jeanine Mabunda au lendemain de l’éventualité de la dissolution du parlement évoquée par le chef de l’Etat lors de son séjour à Londres. De leur côté, les combattants et cadres de l’Udps rivalisent de propos, à la limite discourtois vis-à-vis du camp Fcc.

Les lézardes s’accentuent

Ce qui apparaissait comme querelle intestine éclate au grand jour; désormais la crise au sein de la coalition ne fait plus l’ombre du doute. Même si le président de la République ne jure pas sur la désintégration de l’attelage, il ne jure plus que sur la primauté de la Loi fondamentale sur tout autre arrangement particulier. Aucun chapitre ne bénéficie encore d’un consensus entre les deux « partenaires ». Autant le FCC a arraché la tête de Jean-Marc Kabund à la première vice-présidence du bureau de la chambre basse, autant Félix Tshisekedi se console d’avoir sorti de l’équipe gouvernementale l’ancien vice-premier ministre en charge de la justice, Tunda ya Kasende. Les propositions de lois dites Sakata – Minaku, le renouvellement du bureau de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni)… offrent l‘opportunité aux deux parties de se livrer à un pugilat ostentatoire. Les marches de protestations et de soutien se succèdent.

Médiation internationale

Dans les couloirs diplomatiques, la crise en RDC prend de l’ampleur au point de redouter l’explosion. Comme en septembre 1960, le torchon brûle dangereusement entre le camp présidentiel et celui du Premier ministre, incarné pour l’instant par le Fcc. Ainsi se justifie la médiation entreprise par Leila Zérougui, représentante du secrétaire général de l’ONU en République Démocratique du Congo. Pas d’avancée significative, pourrait-on soutenir au regard de la situation de statu quo sur le terrain avec, à la clé, la récente promotion contestée au sein de la magistrature.

De plus amples détails sont cependant réceptionnés de la médiation de la CIRGL sous les auspices du président Denis Sassou Ngouesso. Selon des informations crédibles, le dernier déplacement de Félix Tshisekedi sur le flanc droit du fleuve Congo l’aurait été sous la demande du sénateur Joseph Kabila. Il parait que les deux personnalités se rejetaient les appels téléphoniques. On se rappelle que le président Denis Sassou avait reçu mandat des pays de la CIRGL pour tenter de résorber le différend entre les plateformes CACH et FCC qui trônent au pouvoir à Kinshasa. C’est dans ce contexte que le très estimé Jean Michel Okemba avait effectué le déplacement de Kinshasa, sans arriver à concilier les points de vue des protagonistes. Dans le lot des exigences, rappelle-t-on, figure la prise en compte du statut de Président en exercice dont jouit Félix Tshisekedi et qui devrait prévaloir dans l’expression des émissaires et médiateurs mobilisés pour la cause. On espérait un dégel après le passage de l’émissaire du président de l’autre Congo, mais les ressorts s’avèrent davantage menacés par la fronde populaire subséquente aux initiatives « sataniques » du camp FCC. Mais aussi du comportement belliqueux des combattants Udps dans les grandes agglomérations du pays.

Le FCC ne s’en cache vraiment pas; la plateforme serait excédée par la trop grande marge de liberté prise par Félix Tshisekedi en violation du deal particulier. Ce dernier, visiblement soucieux de son prestige et de son avenir politique ne saurait lâcher ses prérogatives qui lui permettent justement de se forger une image à même de lui ouvrir une autoroute favorable à ses légitimes ambitions politiques. Pour dire vrai, le président Félix Tshisekedi a l’imperium; il peut tout « chambouler ». On s’aperçoit que dans ses agissements actuels, le FCC entreprend de pousser le chef de l’Etat à la faute. Ce que ce dernier esquive.

Ainsi que nous l’avons dit plus haut, cette confrontation qui ne dit pas son nom nous rappelle la saga Kasavubu – Lumumba de 1960 et plombe le firmament politique national actuel. A cela s’ajoute cette dernière décision des Américains de recevoir dans leurs académies militaires des officiers congolais. Juste en ce moment. Pas un fait de hasard! Bref, à la cadence où se déroule le film, des inquiétudes naissent dans le chef de tout observateur averti. Dont moi. Qui ai vécu les événements de septembre 1960, en classe terminale au collège Albert. Moi à qui, Mobutu, devenu chef de l’Etat à la suite du coup d’Etat de 1965, m’avait expliqué en 1996 ce que fut la saga Kasavubu – Lumumba et ses conséquences. A bientôt!

 

Bondo Nsama, Journaliste

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