L’armée congolaise viendra-t-elle à la rescousse du peuple?

FARDC, l'armée congolaise

FARDC, l’armée congolaise

Divers internautes qui traitent la situation politique en République démocratique du Congo (RDC) ont abordé le départ éventuel (ou le refus) de Joseph Kabila Kabange (JKK). C’est le cas de ce site: « Congo Indépendant » de Baudouin Amba Wetshi qui a publié de nombreux articles. « Jeune Afrique » a aussi fait des publications sur ce sujet. Jean-Jacques Wondo Omanyundu (JJWO) a écrit plusieurs articles que l’on peut retrouver sur son site internet http://desc-wondo.org/fr/. Il indique des options qui s’offrent à la RDC. Le livre d’Evariste Boshab (2013) « Entre la révision constitutionnelle et l’inanition de la nation », a emboîté le pas du professeur Kin Kiey Mulumba, « Kabila Désir ». Le passage en force de Pierre Nkurunziza du Burundi a fait couler beaucoup d’encre et de salive. D’aucuns préconisaient une situation identique en RDC. Les manœuvres de légitimation tardent encore à se matérialiser pour JKK, mais les hommes sérieux ne voient pas d’autres issus. JKK a l’argent, il pourrait acheter l’élection en trichant, changeant la constitution, etc. comme par le passé (2006 & 2011). Il achète, débauche les opposants et s’en fabrique à sa guise. Ceux qui lui résistent sont tenus en exil. Les autres sont tellement impuissants ou déshérités. Il a la force: l’armée (conglomérat des milices et des mercenaires), la police et les services de renseignements qui lui permettent de se maintenir au pouvoir depuis 2006 quand il entreprit d’attaquer et de neutraliser les hommes (politiques civils et militaires) de Bemba. Les voisins et les occidentaux faiseurs de rois se préoccupent à fouetter d’autres chats. Ceux, dans la population, qui mettaient leur espoir sur Obama ont déchanté. Ceux qui s’en doutaient encore ont hoché leurs têtes en signe de désespoir après que Nikki Haley a lâché sa bombe.

Le déguerpissement par la voie périlleuse de la rue que peut prendre la population traine aussi à se matérialiser. L’essoufflement est visible, pour preuve, les mitigés résultats de récentes manifestations dont celle du 30 novembre 2017. C’est Valentin Mubake de l’UPDS/aile x qui tient la rhétorique sarcastique suivante: « la répression ne date pas d’hier. Nous l’avons toujours vécue depuis Mobutu. Mais nous tenions les rues pleines de gens… », (matinée politique du 02 décembre, 2017, voir vidéo sur YouTube 4-5:30 minute). Alors devant ce fait accompli, on évoque la voie du retournement de l’armée contre son maitre comme celle que nous venons de suivre au Zimbabwe. Viendra ou ne viendra pas? La question est sur toutes les lèvres. Le fantasme est permis à tous. Nous émettons notre commentaire.

Mayoyo Bitumba Tipo-Tipo (MBTT) nous a édifié dans son récent article paru sur « Congo Indépendant » du 05 décembre 2017: Pourquoi l’armée Zimbabwéenne et non-congolaise? Christophe Rigaud l’a rejoint le 07 décembre 2017 dans son article sur l’interview qu’il a accordée à notre jeune JJWO. Si MBTT nous parait catégorique, fermant la porte à telle éventualité de la part des hommes et femmes en uniforme, JJWO étant lui-même de cette profession, est flexible – ouvrant une fenêtre. C’est probable.

Nous soutenons (avec bémol) la réponse de JJWO, car c’est la voie naturelle de la fin de tous les règnes vieillissants. Les cas contraires sont des exceptions à la règle. Peu importe la nature d’une organisation (humaine ou animale, civile ou militaire), l’âge et la santé de son leader constituent la croisée des chemins du groupe: survivre ou disparaitre. Les mobutistes l’ont appris à leurs dépens. Le léopard était devenu l’ombre de lui-même terrassé par le poids de l’âge et la maladie. Il eut suffi de l’écarter pour qu’il se soigna, la continuité aurait eu lieu. Les congolais, nous dit-on, ont la culture du 3e choix: Lumumba vs Kasavubu > Mobutu, Mobutu vs Tshisekedi > Laurent Kabila, attendons donc voir.

L’émiettement de l’UDPS est à classer dans ce registre de vieillissement et de santé précaire du leader (absence d’un plan de succession). Ayant commencé du vivant de Sphynx de Limete affaibli par l’âge et la maladie, il continue. Lumbala qui n’a pas la langue dans sa poche a lâché ces mots durs: « nous avons servi le père, devons encore servir le fils? Non. Nous ne sommes pas prêts à soutenir une dynastie ». Ce que dit ouvertement Lumbala, plusieurs le pensent. Ici même sur ce site, il a été dit, le vieux aurait fait mieux de se choisir un successeur bien avant sa mort. Sinon l’UDPS vivrait le sort des autres partis (MPR), des orchestres et des entreprises de congolais qui disparaissent après leurs géniteurs. Dans ce pays, le père mort, les fils ne vous retournent pas le champ. Ils le vendent, ils consument l’héritage. On ne laboure pas, on importe sa nourriture.

Quand un animal devient trop vieux pour diriger son troupeau, il est démis de sa fonction par ses collègues pour éviter l’extinction du groupe. Par exemple: un vieux lion est isolé du groupe. Il meurt dans la solitude. Un gorille blessé vit dans l’abandon (le temps qu’il meurt ou qu’il se remette). Si la victime recouvre sa santé, elle peut alors réintégrer le troupeau. Un insecte blessé est évacué du groupe pour qu’il n’infecte pas les autres. Les poules saignent leur collègue blessé. Elles ne le font pas pour se protéger. Elles voient dans le sang la menace de mort du groupe. Alors, plutôt que de mourir tous, elles précipitent la mort de la victime pour éviter la leur. Devant cette réalité, les hommes prévoyants évitent l’humiliation, quittent le navire au moment opportun offrant la chance à un nouveau capitaine de le retaper et de le remettre en mer (Jerry Rawlings vs Blaise Compaoré). Il en tire ses dividendes. Cette sagesse s’était évaporée de Robert Mugabe. JKK l’a-t-il?

Il faut remettre l’éventualité d’une éviction de JKK par l’armée dans un avenir lointain. Il n’a pas l’âge qu’avait Joseph Désiré Mobutu au moment de sa chute, moins encore celui de Robert Mugabe. Les charognards (militaires et civils) se prévalent encore d’être conviés aux festins. Ils ne sont pas encore prêts à lâcher leur bienfaiteur. Ils ne sont pas prêts à se suicider. Le remplacer par qui? JKK parti, le château de carte qu’est la MP s’écroule. Quel civil ferait un consensus dans la majorité présidentielle? Les coups d’états militaires sont difficilement acceptés de nos jours. Vladimir Poutine a succédé à Boris Eltsine parce qu’il en avait l’étoffe. Peut-on dire de même de Kalev, Olenga, Etumba, Amisi, John Numbi, Ilunga Kampete et consorts? Je doute. S’ils étaient capables, ils démissionneraient de leurs fonctions pour diriger le PPRD. Plutôt que d’un dauphin (choisit par le chef), un successeur (compétent) s’imposerait à l’interne. Katumba Mwanke est mort, Vital Kamerhe est allé trop tôt, Moise Katumbi n’a pas pu se rallier les généraux katangais à sa cause. La bulle de militaires rwandophones tient encore à cause de la caution que lui offre le personnel congolais. Si les congolais se désolidarisaient d’eux, l’occupation deviendrait apparente, d’où les sponsors se gêneraient de cette évidence. C’est pareil au rôle que joue l’opposition au parlement donnant à la MP un semblant de démocratie. D’où il faut donc retenir Rais à sa place pour jouir des privilèges indus.

Les relations qu’entretiennent les êtres vivants sont régies par la recherche de l’intérêt personnel. Il faut nuancer que l’égocentrisme varie. Les biologistes nous apprennent que nous entretenons dans notre quotidien des relations de symbiose, de parasitisme, compétition, mutualisme, commensalisme, cannibalisme. etc. Il est clair dans chacun de ces types de relations qu’un participant tire un profit, mais à des degrés divers. C’est pourquoi certains comportements sont moralement plus acceptables que d’autres, car plus égoïstes. Cet argumentaire nous amène à nous poser la question pourquoi les militaires zimbabwéens ont-ils posé ce geste? Et pourquoi pas les généraux congolais?

Sentant la mort prochaine de Robert Mugabe, Gucci Grace voulait devenir calife à la place du calife afin que s’accomplisse l’adage le roi est mort vive le roi. Mais en rasant l’ancien entourage (son péché mortel). Son entreprise politique a été surnommé « pouvoir sexuellement transmissible ». Prétexte, il fallait l’éviter à tout prix selon les généraux. Ce n’est pas la personne de Gucci Grace qui gêne, mais son plan d’écarter les caciques du pouvoir depuis 1980. Oser ôter l’os de leurs bouches, tu meurs. On peut donc se demander si un tel coup serait advenu dans le cas où les caciques avaient reçu la garantie d’être reconduits. Le coup est dirigé contre Gucci Grace et non contre Mugabe finissant. Etant donné ce comportement de Gucci Grace vis-à-vis des caciques, l’éviction devait donc arriver tôt ou tard. Mugabe l’a seulement poussé à advenir plutôt que nécessaire. Les détails sont dans l’article « Former Zimbabwe minister of Finance relates the day before the coup » posté ici même sur « Congo Indépendant ». Pour continuer à régner, il fallut se coiffer d’une nouvelle couronne. Il faut refléter une tête nouvelle. Il est clair que les vrais propriétaires du pouvoir sont les généraux (par l’armée). Ils ne s’en cachent pas, ils ont été nommés ministres. Mnangagwa est pour les généraux Zimbabwéens ce que Pasteur Bizimungu était pour Kagame et ses lieutenants. Ouvrons une parenthèse, tant au Rwanda qu’au Zimbabwe; l’armée est partout: dans l’économie, le commerce, dans l’industrie, dans la politique, etc. C’est le calque de l’armée Israélienne et Chinoise. C’est le moteur, le centre de la politique. Fermons la parenthèse.

Quels sont les enjeux en RDC? Et qui menacent les généraux? La réponse est connue par tous. Ceux qui prétendent être l’alternative. Remarquez que je ne parle pas de l’alternance qui peut s’opérer en interne, plutôt de l’alternative- autre que les gens du pouvoir actuel. Autrement dit, ôte-toi de là que je m’y mette. Ce n’est un secret pour personne. Quand les gens de l’alternative ont l’occasion de pérorer sur leurs programmes, vient en tête la question de la réforme de l’armée. Quelle chance donne-t-on à ces généraux dont on ne connait point le mérite et les compétences? En plus, ils ont commis des infractions qui risquent de leur valoir de visas dans un institut pénitentiaire. Comme pendant la 2e République, les officiers supérieurs sont plus commerçants que militaires. Ils ont de mines, des équipes de football, etc. Devant cette impasse, ils se tiennent ensemble, pour longtemps croient-ils, jusqu’au moment où le navire chavire. Peut-être qu’il y aurait un sauvetage! Au pire, ils ont connu chacun son bonheur: l’argent, la gloire et leurs corollaires.

Parce qu’il s’agit du moment d’attente (détente), la situation est en faveur de JKK si l’on le compare à Mugabe. Ainsi la question revient-elles sur les lèvres de gens. Si les militaires Zimbabwéens étaient vraiment patriotes, pourquoi ont-ils attendus 37 ans pour renverser Mugabe? La réponse est claire: ils ne sont pas venus au secours du peuple, mais d’eux. Ils n’ont pas voulu que le navire chavire avec le capitaine. Mugabe a 94 ans. Se trouvant devant la sentence naturelle, la mort; il faut l’y accompagner doucement. L’avenir appartient aux prévoyants. A 45 ans, JKK peut vivre le double de son âge. Ainsi les courtisans du pouvoir se voient autour de sa table pour très longtemps. La RDC n’est pas le Burkina Faso où les marines américains ne viendront pas se battre à Kinshasa, entend-on.

Notre observation de la scène politique/militaire mène à la conclusion suivante: l’âge et la santé précaire constituent la plus grande menace d’un dignitaire à se faire remplacer. Or JKK est encore jeune, fort et en bonne santé. L’opposition rude se tient souvent au sein même du groupe ou de partis politiques (de l’armée). On répertorie très peu de compagnons de lutte de JKK à la manière de Kagame (Nyamwasa, Kabarebe, Karegeya et consorts) ou de Museveni (Saleh, Koreta, Sejusa, Tumwine, Chihandae et plusieurs décédés) qui peuvent, par ambition représenter une menace sérieuse de succession.

Constitués des extrémistes de deux bords (gauche et droit) et des modérés (centriste), les camps adverses peuvent s’affronter en interne. La même situation peut se manifester au sein d’une armée, en dépit de sa neutralité. Même des forces armées réputées républicaines vivent cette réalité, car étant constituée par des hommes et des femmes qui ont leurs propres opinions et ambitions. Au temps opportun, les divers camps s’affrontent entre eux.

Les généraux sont censés être apolitiques, mais les individus qui portent ce titre ne les sont pas. Ceux qui ont appris les anecdotes du général Bobozo se souviendront peut-être de celle-ci. Il avait l’habitude de se mettre dans un fauteuil sous la véranda de sa résidence. Il lui arrivait souvent de poser la veste de son costume d’officier au dossier du fauteuil. Comme vous pouvez l’imaginer, sur les épaules de sa veste gisaient des étoiles attestant son grade de général. Tout militaire qui passait devant ce fauteuil, même vide, était convié à le saluer. Pour le général Bobozo, on ne salue pas la personne, mais l’autorité de l’état investie en lui dont les galons ne sont qu’un symbole. Sans doute, il l’aurait appris de ces formateurs, les Belges. Bref, il faut attendre de voir les rides de JKK pour que l’armée lui montre la porte. Quant aux caciques de PPRD ou MP, l’homme ou la femme qui a le culot de remplacer JKK se fera encore attendre comme le messie à moins de provenir de la fratrie.

 

Par Nawej Katond

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