Le gouvernement congolais sera-t-il capable d’inventer autre chose pour arrêter les marches?

Mwamba Tshibangu

Mwamba Tshibangu

Avec la vague de marches qui ne s’arrêtent pas pour réclamer légitimement, pour les uns, l’application sans délai de l’Accord de la Saint-Sylvestre et pour les autres, la mise en place d’une Transition Citoyenne, la donne politique est complètement bouleversée en RDC. En s’assumant pleinement sans peur et en anéantissant psychologiquement la force des armes, le peuple congolais est en train d’écrire une de ses plus belles pages de son histoire.

Convaincu qu’il est de son droit de s‘exprimer face à la léthargie rampante manifestée par la junte au pouvoir qui multiplie de subterfuges autrement dit contraintes, pour repousser une fois de plus les élections, le peuple congolais, soutenu en cela par les Églises, affronte ouvertement le pouvoir. Pas avec les armes blanches, moins encore avec l’artillerie lourde, mais tout simplement avec les crucifix, les chapelets et les rameaux qu’il brandit en marchant pacifiquement dans les rues. L’épouvantail des troubles agité par le pouvoir aux abois n’est donc que chimérique pour ne pas dire, machiavélique.

C’est bizarre que ledit pouvoir, au seuil de la porte de sortie, se rende compte seulement maintenant de la force réelle du peuple, de sa capacité à pouvoir changer le cours de l’histoire. Au lieu d’écouter d’une oreille attentive leur revendication et y donner une suite conséquente, c’est l’usage sinistre des armes et de la force brutale qui a été privilégié en mettant à l’avant-scène la barbarie la plus éhontée, en profanant les églises et s’en prenant maladroitement aux prêtres et autres serviteurs de Dieu.

Le comble dans tout cela, c’est que la République qui est en train de tuer ses propres enfants, de saccager des lieux saints, de lancer de gaz lacrymogène dans des maternités, s’est vue reconnaître, par un vote à l’Assemblée générale des Nations unies le 16 octobre de l’année dernière, le droit de siéger au sein du Conseil des droits de l’homme de cette grande institution. Ce faisant, l’on s’attendait à ce que la RDC puisse conséquemment adopter un comportement digne de ce nom en changeant son modus operandi vis-à-vis de sa population en matière des droits humains. Tel n’est pas malheureusement le cas.

Au contraire, depuis que la coordination du comité laïc des chrétiens a commencé à organiser les marches, affirmant nettement et courageusement que celles-ci ne s’arrêteront que si le Gouvernement et son chef donnaient un signal fort de vouloir appliquer l’Accord, dans toutes ses dispositions et de respecter simultanément la Constitution, les autorités y ont répondu par une répression sauvage, indigne. En s’opposant par des moyens violents et inhumains à cette demande légitime de clarification et d’engagement ferme pour baliser la voie allant vers les élections libres et démocratiques, le Gouvernement s’est empêtré dans un cercle vicieux.

Il a le défi de se confronter à la conscience nationale des Congolais qui ne voudraient plus, en aucune façon, se laisser intimider par l’usage de la force. À ce point, le Gouvernement devrait démontrer que sa politique barbare est payante d’autant plus que les marches continuent à être convoquées et qu’elles connaissent une adhésion populaire de plus en plus croissante. Tout laisse à croire que leur politique de la terre brûlée a échoué. Des justifications à tordre le cou ne leur épargneront pas l’erreur fatale commise en utilisant la force des armes là où il fallait utiliser la force de la raison. Et puis, ils ne peuvent pas empêcher la diaspora congolaise de se manifester. Ainsi, par leur entêtement et leur aveuglement, ils ont recréé les conditions d’une forte mobilisation et d’une grande sensibilisation de tous les Congolais, partout où ils se trouvent, envers la cause nationale qui est enjeu, comme cela ne s’était plus vérifié depuis les élections frauduleuses de 2011.

Ce mois, mentionnons-le pour terminer, est particulier pour les chrétiens congolais. Car, le 16 février est désormais une date mémorable dans les annales du pays. Elle renvoie aux martyrs tombés en février 1992 pour réclamer la réouverture de la Conférence Nationale Souveraine. L’histoire nous enseigne que cette Conférence a eu lieu en dépit de la résistance du régime dictatorial de Mobutu. L’histoire nous renseigne aussi qu’un certain Monseigneur Laurent Monsengwo y joua un rôle majeur. Coïncidence des faits ou alignement stellaire, aujourd’hui, le même Monsengwo est au centre de la politique congolaise. L’Église catholique, répondant à sa mission prophétique, s’est ouvertement engagée du côté de ses fidèles de la façon la plus ferme comme elle ne l’a jamais fait au cours de l’histoire récente du pays. De leur côté, les fidèles et un grand nombre de Congolais ont fait appel à Monsengwo, comme pasteur de l’Église et homme capable de fédérer et de tirer le pays du marasme politique dans lequel il végète, en le plébiscitant, parmi onze autres candidats, comme Administrateur principal de la Transition Citoyenne.

Comme on le voit, le Gouvernement devra inventer autre chose que les massacres pour arrêter les marches et stopper l’élan du peuple congolais qui a décidé de se libérer, une fois pour toutes, des griffes de la dictature et de l’occupation qui ne cache plus ses couleurs.

 

Par Mwamba Tshibangu
© Congoindépendant 2003-2018

Happy
Happy
0 %
Sad
Sad
0 %
Excited
Excited
0 %
Sleepy
Sleepy
0 %
Angry
Angry
0 %
Surprise
Surprise
0 %