Le peuple d’abord: simple slogan ou feuille de route pour le nouveau pouvoir en RDC?

Il fut un temps où dans le macrocosme politique congolais, tiraillé par des crises de légitimité du pouvoir, on ne cessait de claironner aux gens de se prendre en charge. Cette incitation semblait se limiter à la révolte de la population pour renverser la tyrannie au pouvoir. Manifestement, il manqua un moyen pour finaliser ce projet en action politique afin de neutraliser le système dictatorial.

D’aucuns se rappelleront que du temps du MPR, il y avait le slogan, pourtant évocateur d’une bonne ligne de conduite: « MPR = SERVIR. Se SERVIR NON ». Force est de constater qu’il ne fut nullement d’application, moins encore, la population ne se l’appropria guère pour en faire un outil de revendication. En dépit du fait que tout le monde était, « olinga olinga te ozali membre du MPR », ledit slogan fut surtout exploité et utilisé par les roitelets du pouvoir et les « djaleloïstes » pour se faire valoir devant les autorités, ou encore, pour se faire bonne conscience en accomplissant le devoir de le clamer haut et fort sans se soucier de ses effets induits dans la vie sociétale.

Comme résultat, la population congolaise fut bien servie par la dictature. Elle connut l’appauvrissement et plus grave encore, la perte totale de la dignité humaine. À l’arrivée de l’AFDL, les espoirs étaient fondés de se libérer de la tyrannie et d’aspirer à vivre mieux qu’avant. Cela ne fut pas le cas, le social des Congolais ne s’améliora point. Le PPRD, qui est la filiation naturelle de l’AFDL, n’a pu faire mieux en dépit des slogans pompeux tels que les 5 chantiers et la révolution de la modernité. Au contraire, il installa un des régimes les plus sanguinaires connus jusqu’ici en RDC. Au lieu de s’émanciper, le pays a connu un grand recul sur tous les plans. La mauvaise gestion et les pratiques antidémocratiques ont creusé le lit de la corruption généralisée et du clientélisme nocif et désabusé, décrétant dans les faits l’échec de ce régime.

Avec le départ de Kabila à la tête du pays, une page importante a été tournée. La dictature semble être l’ombre d’un passé récent. Du coup, les voix s’élèvent de partout pour réclamer qui, ceci, qui l’autre, cela. La liberté de parole, source de la démocratie, est consacrée. Le peuple n’a pas attendu l’installation des nouvelles institutions pour donner de la voix. Lors de la prestation du serment, en chœur, le vaillant peuple prit le devant pour rappeler au nouveau président que sa priorité devrait être de mettre la population au centre de toutes les politiques. Ce point saillant devrait marquer le signe de rupture avec les régimes sortants. Ce tournant est un grand changement qu’il sied de signaler. L’appropriation du slogan « le peuple d’abord » devient un indicateur de la participation active de la population à la vie politique. Pour une fois, le peuple ne délègue pas ses représentants pour parler à sa place. Il s’exprime à travers les slogans. Loin d’être réducteur, ce contenant projette en quelques mots le spectre d’un idéal à atteindre, car il appelle à une refondation des valeurs républicaines.

Plus question de faire de la politique politicienne ou de la politique pour l’enrichissement personnel. La politique est perçue comme un engagement au profit de la communauté, au profit du peuple qui en sera le premier récipiendaire. Jadis délaissé, minorisé et en marge de toute politique, le peuple retrouve sa place centrale et dicte sa loi ou du moins, oriente le choix des acteurs politiques. En scandant en masse face au président: « Félix, kobosana te, Papa alobaki, le peuple d’abord », le public lui rappelle le canevas à suivre. Ce slogan devient une feuille de route qui sublime la justice distributive. Il pousse à répugner le système mafieux du passé qui a ruiné le pays. Cela signifie que la justice, le droit, les salaires, les conditions sanitaires, les écoles, l’éducation, bref, tout doit être fait inclusivement pour le peuple.

Le pari est donc lancé. Le peuple devrait continuer à pousser ses dirigeants à remplir leurs engagements, à s’acquitter de façon honnête et responsable de leurs tâches. Fort de cet avantage, le peuple peut dire à son nouveau président, en espérant vivre un changement radical qui doit se réaliser au profit de tous, « de ne pas avoir peur de déboulonner les piliers de l’ancien système ». Jouant ainsi ses cartes, le peuple devient l’arbitre du pouvoir. La base, plus que jamais, compte et a l’intention de faire entendre sa voix. Elle a changé la donne du conclave de l’opposition Lamuka à Genève. Les nombreuses têtes qui sont tombées récemment en Afrique réconfortent la volonté populaire de se prendre en charge.

L’appropriation du slogan, « le peuple d’abord », indique une mutation en cours en RDC. Cette nouvelle dynamique devrait se répandre pour ensemencer et dicter l’action des hommes politiques et de tous les responsables, à tous les échelons de la société congolaise, en vue de bâtir une nation riche et prospère au cœur de l’Afrique.

 

Par Mwamba Tshibangu

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