Le président Tshisekedi doit s’adresser à la population congolaise

Président Félix Tshisekedi Tshilombo (Jerome Delay/AP/SIPA)

Dans quelques huit jours, le Congo-Kinshasa va totaliser trois mois sans gouvernement de plein exercice. L’équipe sortante dirigée par le kabiliste Bruno Tshibala continue à expédier les affaires courantes. Un comble! Trois mois sans gouvernement. Pourquoi? Le risque est grand que la rumeur supplante l’information. Pour estomper un tel scénario, « Fatshi » devrait rompre le silence en se présentant face à l’opinion pour fournir des explications au « peuple souverain ». Dire la vérité rien que la vérité. La population a le droit de savoir.

En sa qualité de « mandataire politique » au sens le plus noble de ce terme – c’est-à-dire une personne qui a reçu mission de la part des citoyens d’exercer le pouvoir en leur nom et pour leur compte -, le Président de la République doit « parler » pour rendre compte au « mandant ». Les citoyens vivant au Congo et à l’étranger ont le droit de savoir.

« Joseph Kabila »

Le chef de l’Etat doit parler pour dire quoi? Il ne s’agit pas ici de prononcer – devant les deux chambres du Parlement réunies en Congrès – le discours annuel sur « l’état de la nation ». Il ne s’agit pas non plus de jeter l’huile sur le feu en lançant quelques quolibets ou noms d’oiseaux à l’endroit de son prédécesseur.

Il s’agit d’organiser une conférence de presse devant les médias nationaux. Et pourquoi pas internationaux. Un seul objet: expliquer à la population congolaise ce qui empêche le Congo-Kinshasa de se doter d’un gouvernement au niveau national. Et ce trois mois après la passation de pouvoir dite « civilisée » entre lui-même et le président sortant « Joseph Kabila.

« DROIT DE REGARD »

La loi congolaise n’interdit guère la nomination d’un chef de gouvernement avant l’installation des membres du bureau définitif de la chambre basse du Parlement. Elle exige, par contre, que le futur « Premier » soit issu de la « majorité parlementaire » (article 78-1 de la Constitution). La mouvance kabiliste dite « Front commun pour le Congo » prétend compter la dite majorité en son sein. On regrettera qu’un informateur n’ait pas été désigné avec pour mission d’identifier cette majorité. Et partant, trancher la question de manière « scientifique ». On se trouve devant le fait accompli.

Là où le bât blesse est que les « Frontistes » tendent à nier au premier magistrat du pays son rôle d’ « arbitre suprême » autant que  celui de « juge de l’intérêt général »? Un double rôle qui lui confère fatalement un « droit de regard » dans la sélection des personnages appelés à animer non seulement l’Exécutif national mais aussi les grands corps de l’Etat.

On apprenait que les discussions entreprises à Kisantu, au Kongo Central, entre des représentants des plateformes CACH (Cap pour le Changement) et FCC – sur le partage des « responsabilités » au niveau des bureaux du Sénat, de l’Assemblée nationale et du gouvernement – auraient capoté. En cause, les propos tenus par « Felix » à Washington.

Au cours d’un speech improvisé, « Fatshi » avait demandé à l’Administration Trump de lui apporter son concours pour de « déboulonner le système dictatorial qui était en place ». Les bonzes de la mouvance kabiliste ont poussé des cris d’orfraie se sentant visés.

« KABILA » FAIT DE LA RÉSISTANCE

C’est quoi donc un « système »? De manière schématique, il s’agit d’un ensemble de pratiques organisées en fonction d’un but. Quid du « système politique »? Pour les politologues, ce concept renvoie non seulement à l’ordre institutionnel mais aussi aux instances gouvernementales et acteurs organisés dont l’activité exerce une influence sur le jeu politique.

Albert Yuma Mulimbi

Quel est le problème? Le problème semble se résumer en ces quelques mots: « Joseph Kabila » fait de la résistance. Il rechigne à présenter un postulant « beaucoup plus présentable » au poste de Premier ministre. L’homme tient mordicus à ses « hommes de confiance » particulièrement un certain Albert Yuma.

L’objectif non-avoué est de perpétuer le système qui a transformé le Congo-Kinshasa non seulement en champ de ruines mais aussi en « prison à ciel ouvert », dixit cardinal Laurent Monsengwo Pasinya. Un système fondé sur au moins cinq piliers: la vanité, la prédation, le pillage, le mépris de la vie et de la dignité de la personne humaine. Sans oublier l’injustice sociale.

« Kabila » et ses hommes jouent la carte du « chantage » afin d’amener le chef de l’Etat à entériner le candidat Premier ministre choisi par l’ancien chef de l’Etat. Outre le très sulfureux Albert Yuma Mulimbi cité précédemment, on apprend qu’il y aurait trois autres impétrants. A savoir: Alexis Thambwe Mwamba, Néhémie Mwilanya Wilondja et Henri Yav Mulang. Les trois premiers incarnent les 18 années d’échec et de rapine du système dictatorial et antinational mis en place par le successeur de Mzee. Le quatrième serait le « moins mauvais ».

ET SI L’ON CONFIAIT LE GOUVERNEMENT AUX SECRÉTAIRES GÉNÉRAUX?

Trois mois après l’accession de Felix Tshisekedi Tshilombo, le Congo-Kinshasa s’achemine lentement mais sûrement vers une forme de paralysie de l’Etat. Une paralysie qui arrangerait les affaires des tenants de l’ancien pouvoir. C’est un secret de Polichinelle de relever que la « coalition » CACH-FCC est impopulaire. Très impopulaire!

Dans un récent communiqué, la ligue des jeunes de l’UDPS l’a dit haut et fort en exhortant le Président Tshisekedi de recourir à l’appareil judiciaire pour « déboulonner » les mauvaises habitudes héritées de l’ancien système. Candidat malheureux à l’élection du gouverneur de Kinshasa, l’UDPS Laurent Batumona propose purement et simplement un « réexamen de l’Accord CACH-FCC ».

Lors de sa récente intervention sur TV5 Monde, Carbone Beni du Mouvement citoyen « Filimbi » n’est pas allé par quatre chemins en affirmant que l’ « alliance » scellée entre ces deux groupements suscite une vive méfiance auprès des Congolais. « Joseph Kabila a tendu un piège au pays afin de diviser les Congolais », a-t-il ajouté.

Toute situation exceptionnelle appelle des solutions exceptionnelles. Et si le président Tshisekedi décidait de confier la gestion du gouvernement aux secrétaires généraux de l’Administration publique? Le pays a connu un précédent de décembre 1992 à mars 1993.

Les secrétaire généraux seront chargés d’expédier les affaires courantes. Et ce jusqu’au moment où « Kabila » et ses « janissaires » mettront fin à leur petit jeu politicien…

 

Baudouin Amba Wetshi

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