Le prix Nobel de la paix au Dr Mukwege ou le début de la reconnaissance du drame congolais

Mwamba Tshibangu

Mwamba Tshibangu

Les Congolais, dans leur diversité, ont jubilé en apprenant la nouvelle du prix Nobel pour la paix de l’année 2018 qui a été décerné le vendredi 5 octobre à Mme Nadia Murad et au Dr Dénis Mukwege. Les deux lauréats ont en commun la lutte contre les violences sexuelles faites aux femmes. Pour le peuple congolais, ce prix, qui reconnaît les efforts et tout le travail entrepris par Dr Mukwege et toute son équipe de l’Hôpital Panzi à Bukavu, est une grande reconnaissance qui met finalement en avant plan le drame congolais.

Dr Mukewge est récipiendaire de plusieurs autres prix parmi lesquels figure le Prix Sakharov du parlement européen qu’il a reçu en été de l’année 2014. Praticien, il est résolument engagé dans l’action. À ce titre, il n’a cessé de dénoncer ouvertement le tort causé aux femmes dont le corps est utilisé comme arme de guerre. Intrépide, il a utilisé toutes les tribunes pour plaider la cause des femmes dont il répare le corps et de beaucoup d’autres qui subissent des dommages collatéraux. Il est vrai que le travail acharné qu’il abat est formidable. Mais il est aussi vrai que Dr Mukwege qui est un gynécologue aimerait bien utiliser ses bistouris pour d’autres maladies qui affectent l’univers clinique des femmes. Il aurait certainement voulu, comme d’autres médecins, soigner d’autres maladies qui constituent une réelle souffrance dans la chair de tout humain que celles causées par l’atrocité imputée à la guerre et aux actes sauvages.

Hélas, il est obligé, malgré lui, à être l’ultime recours des femmes en réparant leurs organes reproducteurs. Toucher à la reproduction de la femme, c’est vouloir anéantir tout simplement l’être humain. C’est, en d’autres termes, entacher la volonté sublime de se perpétuer et de poursuivre l’œuvre divine de la création à travers la procréation active. Ceux qui commettent ces actes répugnants et ignominieux en RDC cherchent de manière délibérée à affecter et à inverser les données démographiques, à dépeupler une partie du territoire congolais au profit de souches en provenance des pays voisins qui sont installées, par vague successive, en remplacement des autochtones.

La situation qui frappe particulièrement l’est du pays est épouvantable et déplorable. Elle devrait, depuis longtemps, choquer et bousculer la conscience de l’humanité. Certes, il faut reconnaître qu’il y a eu quelques réactions, mais elles n’ont jamais été à la hauteur du drame. Elles étaient plutôt mitigées, sinon, à la limite de l’indifférence. Bien sûr que le monde dans lequel nous vivons n’est jamais en paix. Toutefois, l’instabilité qui sévit à l’est de la république et qui tend à se généraliser un peu partout au pays, au Katanga et au Kasaï notamment, est un phénomène qui ne relève absolument pas de l’organisation de quelques groupes armés, moins encore, des groupuscules terroristes, non clairement identifiés, comme voudrait l’insinuer le pouvoir en place.

La cause de ces massacres est ailleurs. Les tueries de masse et les violations à répétition des femmes se perpètrent sans discontinuité voilà maintenant plus de deux décennies. Le nombre total de personnes fauchées attribué à cette guerre larvée qui ne dit pas son nom dépasse largement les 10 millions. Ce qui est excessif. Ces carnages se sont tenus à l’ombre des réflecteurs du monde entier. On n’en a moins parlé à cause de l’implication de la haute finance dans cette trame qui a comme raison principale l’exploitation des richesses abondantes que regorge cette partie de la république.

Les femmes dont les fistules sont réparées sont en réalité des rescapées de la mort, puisqu’elles auraient pu perdre la vie comme tant d’autres personnes, indistinctement, qui ont connu ce sort macabre. D’autres femmes avaient connu de bien pires situations en étant enterrées vivantes. Il n’y a pas longtemps, le Congo détenait le triste record d’être la capitale mondiale de viol des femmes. Les statistiques révèlent que 36 femmes sont violées chaque jour, sans compter celles qui sont décapitées. Dans ce qui apparaît comme un mélodrame qui touche seulement les femmes, il faudra indiquer les atrocités, la souffrance, l’humiliation que connaissent les hommes pour ne pas dire les familles entières.

Nous saluons donc les efforts du Dr Mukwege qui inlassablement continue son travail en dépit de risques qu’il a dû parfois affronter. Le couronnement de son prix Nobel pour la paix est un grand geste porteur d’espoir pour toute la nation congolaise. C’est véritablement un souffle nouveau qui vient d’être insufflé à la lutte contre les violences faites aux femmes. Le monde entier s’est mis aux côtés des femmes mutilées et violées dans leur intégrité physique. Il était temps de dire stop à la barbarie. Restituer la dignité humaine à toutes les femmes, de tout âge et de tous les horizons, maltraitées non seulement en RDC, mais partout au monde est un impératif pour tous. Le prix Nobel de la paix décerné au Dr Denis Mukwege met finalement au grand jour le drame de milliers de femmes. De façon générale, il éclaire d’un jour nouveau la tragédie oubliée de l’est de la république qui doit être définitivement éradiquée.

Mwamba Tshibangu

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