Les affabulations d’un prétendu « journaliste-patriote-résistant »

Ceux qui ont suivi Tshangu TV, vendredi 9 janvier, n’ont pas manqué de tressaillir en écoutant un certain « Dosta » qui se dit « journaliste-patriote-résistant ». Ce dernier rapporte sans broncher que Léon Kengo wa Dondo et Moïse Katumbi « font partie » des « assassins » de Mzee Kabila. L’homme soutient sans apporter la moindre preuve que le colonel Kapend les avait mis aux arrêts au fameux « GLM ». Et que, « Joseph Kabila », devenu chef de l’Etat, avait ordonné leur libération avant de les envoyer au Rwanda. Dans une sorte de délire, notre « confrère » assure que le successeur de Mzee avait « donné » à Kengo le poste de président du Sénat. Une fois n’est pas coutume, par souci de vérité, l’auteur de ces lignes se voit obliger d’user de la première personne du singulier pour livrer son témoignage. Un témoignage nécessaire non pas pour « défendre » l’ancien Président du Sénat mais simplement pour tordre le cou au mensonge. L’accès aux médias confère-t-il aux bénéficiaires le droit de désinformer ou de manipuler l’opinion?

Dans les écoles de journalisme, l’Histoire de la presse et la déontologie (Déclaration des devoirs et des droits des journalistes), sont généralement les premiers cours dispensés aux étudiants. Respecter la vérité, publier seulement les informations dont l’origine (la source) est connue, s’interdire le plagiat, la calomnie, la diffamation et les accusations sans fondement (…), s’obliger à respecter la vie privée des personnes, ne jamais confondre le métier de journaliste avec celui de publicitaire ou du propagandiste. Ce sont là les principales règles que tout individu qui se dit journaliste est tenu d’observer. Il va sans dire que la mission du journaliste consiste à rapporter des faits et des opinions et non à relayer les rumeurs.

Fonctionnaire à l’administration centrale du ministère des Affaires étrangères (Direction du Protocole d’Etat) jusqu’en janvier 1986, j’ai été affecté en poste diplomatique successivement à Dakar (Sénégal), Berne (Suisse) et Bruxelles, mon dernier poste.

LD KABILA PREND LE POUVOIR

Laurent-Désiré Kabila (Mzee)

Le 17 mai 1997, Laurent-Désiré Kabila prend le pouvoir avec l’aide de ses parrains ougandais et rwandais. J’étais en poste à Bruxelles où j’exerçai les fonctions de conseiller chargé des relations avec la presse et les affaires politiques. Au mois de septembre, Justine Mpoyo Kasa-Vubu est nommée ambassadeur à Bruxelles. C’est le début de « la traversée de la savane » pour les diplomates étiquetés, à tort, « mobutistes » pour avoir été affectés à l’étranger sous l’ancien régime.

En juillet 1998, Mme Kasa Vubu est limogée par le président LD Kabila et remplacée par le colonel ex-Faz Emile Kanengele, un natif du Katanga. Le nouveau chef de poste porte le titre de chargé d’affaires a.i. Pour avoir critiqué, dans la presse, le « régionalisme » ambiant au sein de la représentation diplomatique congolaise, Kanengele m’a suspendu « jusqu’à nouvel ordre », dans une lettre datée du 22 janvier 1999.

Fin mars 1999, mon ancien ambassadeur, Jean-Pierre Kimbulu Moyanso m’appelle au téléphone: « L’ancien Premier ministre Léon Kengo est à la recherche d’un scribe pour l’assister dans la rédaction de ses mémoires et faire quelques travaux de secrétariat ». J’ai saisi l’occasion. Après les présentations, j’ai remplacé Willy Carlos Mpete en qualité d’Assistant. J’ai commencé à bosser le 1er avril 1999. J’ai découvert un homme qui a des défauts comme tous les êtres humains. Je n’ai pas tardé de percevoir des qualités. A savoir notamment: la ponctualité, le respect de la parole donnée, la rigueur du raisonnement, la cohérence et le sens de l’Etat.

Dans son interview aux allures d’un « One man show », le nommé « Dosta » a débité deux monstrueuses contre-vérités. Primo: Léon Kengo wa Dondo et Moïse Katumbi font partie des assassins de Mzee Kabila. Secundo: « Joseph Kabila » a « donné » à Kengo le poste de Président du Sénat. Ignorance? Mauvaise foi?

Chacun a le droit d’aimer ou de ne pas aimer l’ancien Président du Sénat. Ce désamour donne-t-il à ses critiques le droit de mentir sciemment à ses dépens?

Je suis un témoin de l’histoire. J’ai été l’Assistant de Léon Kengo wa Dondo d’avril 1999 à juillet 2006. Durant sept ans, j’ai côtoyé cet homme qui m’a connu quand il n’était plus « Léon l’Etat ». Après sept ans, nos chemins se sont séparés. Sans rancune. J’étais embauché en qualité d’Archiviste dans un hôpital bruxellois. En décembre 2006, l’ancien Premier ministre a « élu domicile » à Mbandaka, province de l’Equateur, où il devait battre campagne dans le cadre des élections sénatoriales.

LES ÉMISSAIRES DE MZEE

Flashback. Au cours de l’année 1999, les journalistes Wivine Moleka et Frédéric Kitengie, alias Kifre, ont sillonné quelques capitales. Leur objectif était d’interviewer les anciens dignitaires du régime Mobutu. Honoré Ngbanda Nzambo ko Atumba et Manda Mobutu furent interviewés. J’ai été chargé d’arranger le rendez-vous avec M. Kengo. On imagine que les deux journalistes étaient en « mission officielle ». Une mission initiée par les services du président LD Kabila.

Au cours de la même année 1999, Myra Ndjoku Manianga, conseiller spécial de LD Kabila en matière de Sécurité, atterrit à Bruxelles. Il était porteur d’un message de Mzee. Rendez-vous est pris à l’hôtel Méridien situé à la Gare centrale. « Le Mzee Kabila vous invite à regagner le pays. Il souhaiterait travailler avec lui », dit-il. « Il m’est impossible de travailler dans un environnement dénué de cadre juridique », lui répondit Kengo.

En 2000, Constantin Nono Lutula, conseiller spécial du chef de l’Etat en matière de Sécurité séjourne à Bruxelles. Il est, lui aussi, porteur d’un message identique à celui de Myra. Il reçoit la même réponse. Votre serviteur a assisté à cette entrevue. Autre témoin: Kasongo Numbi, alors ministre conseiller à l’ambassade de la RDC à Bruxelles.

En décembre de cette même année, l’ambassadeur Rachel Kisonga Mazakala prend langue avec plusieurs personnalités politiques basées à l’étranger dont Léon Kengo. « Le président Laurent Désiré Kabila vous invite à le rencontrer à Libreville », dit le diplomate. Kengo ne fera pas le voyage en dépit de l’insistance de Dominique Sakombi-Inongo, alors ministre de la Communication. Selon certaines indiscrétions, des activistes du CPP (Comité de pouvoir populaire) se trouvaient dans la capitale gabonaise pour « chahuter » les mobutistes.

Le 16 janvier 2001, la terre entière apprenait avec stupeur que le président congolais a été victime d’un « attentat ». Léon Kengo se trouvait à Bruxelles. A en croire, « Dosta », Mzee Kabila serait décédé… le 14 janvier 2001. Une version jamais entendue. Au lieu de s’arrêter là, notre « confrère » de poursuivre: « Parmi les assassins, il y a Léon Kengo et Moïse Katumbi. Kapend les avait mis aux arrêts et interné au GLM ». Du délire. « C’est Joseph Kabila qui les avait libérés avant de les envoyer au Rwanda », ajoute-t-il le plus sérieusement du monde. Du grand art, dans le « mentir vrai ».

En novembre 2003, l’ancien « Premier » envoie une lettre au président « Kabila » lui faisant part de son intention de rentrer au pays. Alexis Thambwe Mwamba, alors ministre du Plan, est venu chez Kengo prendre cette missive. A l’époque, Evariste Boshab était le « dircab » à la Présidence de la République.

« IL FAUT ETRE VRAI, CAR IL N’Y A DE FORCE QUE DANS LA VERITE »

Dans son ouvrage « Léon Kengo wa Dondo, La passion de l’Etat », publié en 2019 chez l’Harmattan, « Léon », comme l’appellent ses amis et proches, évoque les péripéties de ce premier voyage au cours duquel son cortège fut lapidé avant une convocation au Parquet général de la République. Et pourtant, Boshab lui avait donné des garanties. « Vous pouvez revenir, d’autant plus que vous n’avez aucun dossier à votre charge » écrivait-t-il au nom du chef de l’Etat. « Le pouvoir m’a piégé », note Kengo à la page256.

En 2005, Kengo effectue un second voyage moins éprouvant au pays. Elu sénateur en décembre 2006, il décide de se lancer à la conquête de la Présidence de la chambre haute du Parlement. Il finit par terrasser son adversaire Okitundu par 55 voix sur 105 contre 49. Malgré les moyens de l’Etat, Okitundu soutenu par « Kabila » est battu.  A la page 262 de son livre, le Président du Sénat écrit: « (…), au départ, mes relations  avec le président Kabila étaient empreintes de beaucoup de méfiance et de suspicion. Sans doute, mon ancien statut de ‘mobutiste’ et surtout mon soutien à la candidature de Jean-Pierre Bemba, son challenger, y étaient pour beaucoup ».

A la page 264, on peut lire: « Il faut dire qu’après mon élection, je n’ai reçu aucun coup de fil du Président de la République ». On espère que « Dosta » fera un démenti pour avoir articulé des accusations dénuées de tout fondement.

C’est ça la vérité des faits! Le peuple congolais a le droit de savoir. Le reste relève de la pure affabulation de la part d’un prétendu « Journaliste-patriote-résistant ». On le voit, le combat des « patriotes-résistants » est miné par la mythomanie. « Il faut être vrai, car il n’y a de force que dans la vérité », a pu dire le Français Emile de Girardin.

 

B.A.W.

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