Les transferts d’argent des diasporas demeurent élevés

Gaston Mutamba Lukusa

Dans un communiqué de presse daté du 12 mai 2021, la Banque mondiale signale que malgré la pandémie de Covid-19, les transferts d’argent des migrants vers leurs pays d’origine sont restés solides en 2020, avec un fléchissement plus faible qu’anticipé. Selon cette institution de Bretton Woods, les pays à revenu faible et intermédiaire ont reçu 540 milliards de dollars en 2020, soit 8 milliards de dollars de moins qu’en 2019. On peut mesurer l’importance de ces transferts quand on réalise que ces remises migratoires vers ces pays ont dépassé durant l’année en question le total des flux d’investissement direct étranger (IDE) qui ont été de l’ordre de 259 milliards de dollars et d’aide publique au développement qui se chiffrent à 179 milliards.

Dès le début de la pandémie, d’aucuns présageaient une chute brutale des transferts d’argent des migrants vers leurs pays d’origine par suite des licenciements massifs et même des décès. Cela allait se traduire par une aggravation de la pauvreté comme beaucoup de ménages dépendent de l’argent envoyé par la diaspora. En parcourant les tendances régionales, les transferts d’argent vers l’Afrique subsaharienne auraient plongé de 12,5% en 2020, à 42& milliards de dollars. Cette évolution s’explique notamment par la baisse de 27,7% des envois de fonds vers le Nigéria, qui représente à lui seul plus de 40% des flux en faveur de la région.

Mis à part ce pays, les remises migratoires vers l’Afrique subsaharienne ont progressé de 2,3%, portées par le dynamisme des flux vers la Zambie (+37%), le Mozambique (+16%), le Kenya (+9%) et le Ghana (+5%). Le coût des transferts demeure encore élevé. Le tarif moyen pour l’envoi de 200 dollars est de 6,5% au quatrième trimestre de 2020, soit plus du double de la cible de 3% fixée dans les Objectifs de développement durable. En général, si l’Asie du Sud affiche les coûts les plus faibles (4,9%), l’Afrique subsaharienne reste la région la plus chère, avec un taux moyen de 8,2%.

Les envois de fonds de la diaspora congolaise

Selon l’Organisation Mondiale des Migrations (OIM), il est difficile d’évaluer l’impact des transferts de fonds à cause du manque et de l’insuffisance des études et des données fiables. Pour aider ceux qui sont restés au pays, les migrants congolais font régulièrement des transferts d’argent. Ceux-ci s’élèvent à environ 2 milliards de dollars par an. Ils dépassent les flux des investissements directs étrangers (IDE). En comparaison, suivant le rapport 2019 de la CNUCED sur l’investissement dans le monde, la RD Congo a enregistré en 2018 des flux d’investissement direct étranger (IDE) de l’ordre de 1,5 milliards de dollars seulement. Ces investissements ont été opérés dans les minerais (cobalt). L’année qui a suivi, ces flux ont connu un ralentissement de près de 7%. Les transferts de fonds de la diaspora s’opèrent principalement via Western Union, Money Gram et Money Trans.

Il existe aussi des circuits informels de transfert d’argent. Il y a les transporteurs privés (le migrant lui-même, sa famille ou un ami), les missions religieuses et les Organisations non gouvernementales (ONG). Il y a enfin les transferts bancaires. Mais ceux-ci sont très coûteux et fort lents. Les envois de fonds de la diaspora sont plus stables que les autres flux de capitaux et l’aide publique au développement. Les transferts de fonds ont par ailleurs un effet multiplicateur sur les revenus, ce qui jette les bases d’une réduction de la pauvreté plus pérenne, à condition que ces flux restent conséquents et durables et que la gouvernance du pays soit améliorée.

Diverses sources documentaires et études soutiennent qu’en RD Congo, une grande proportion des ménages (jusqu’à 80% dans les grandes villes) dépendent des transferts de ces fonds. La majorité des fonds transférés sont utilisés pour subvenir aux besoins directs des bénéficiaires (scolarité, mariage, décès, soins médicaux etc.). L’investissement dans des projets de développement communautaire ou économique est plutôt rare. On notera aussi l’importance des transferts directs de matériels, par exemple des véhicules d’occasion et de différents biens (bilokos) qui forment la base des activités économiques informelles.

 

Gaston Mutamba Lukusa

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