L’ex-Raïs, une imposture congolaise

Quelques mandarins de la Kabilie se sont retrouvés jeudi 4 juin 2020 au ranch de Kingakati pour « aider » Hyppolite Kanambe Mtwale, alias « Joseph Kabila », à souffler les bougies représentant ses 49 « balais ». Les « Bana Kin », eux, restent perplexes. Pour eux, l’ex-Raïs a tout faux: lieu de naissance, date de naissance, filiation avec Sifa Mahanya et Mze Kabila, patronyme, école française à Dar es Salaam et parcours personnel.

Selon mon ami qui sait tout sur tout et presque tout sur rien des tuba-tuba (cancans) et autres bilobela de Kinshasa-Lez-immondices, Mzee LD Kabila nous a légué une « fratrie mystérieuse » au passé tout aussi mystérieux connu d’elle seule.

Mon ami qui est un cynique assumé commence par souhaiter un « joyeux anniversaire » à l’ex-Raïs, devenu « simple » sénateur à vie mais aussi chef de la majorité au Parlement. Une « majorité préfabriquée ».

L’ami change aussitôt de fusil d’épaule en tançant ses compatriotes: « Un mensonge ne devient pas vérité parce qu’il est vieux de 18 ans. Les Kongomani ont tort de négliger le passé. Le Congo très très démocratique est le seul pays africain qui a été dirigé par un homme qui a découvert celui-ci à l’âge adulte ». Il ajoute: « On ne peut pas aimer un pays qui ne vous a vu ni naître ni grandir et où vous n’avez aucun repère notamment en termes d’ascendants et d’amis d’enfance ».

Mon ami de dénoncer les Kongomani dont la mémoire est, selon lui, très « volatile » au point de passer vite à autre chose. Et pourtant, « l’homme de l’avenir, a dit Nietzsche, est celui qui a la mémoire longue ». L’ami décide aussitôt de passer au scanner point par point.

LIEU DE NAISSANCE. Au nom de cette mémoire longue, mon ami qui sait tout sur tout se dit étonné de voir l’ex-Raïs se souvenir de sa date de naissance mais pas du nom du lieu où il a vu le jour. L’ami monte sur ses grands chevaux: « Lors de l’investiture de Joseph le 26 janvier 2001, le procureur général de la République, Luhonge Kabinda Ngoy, a commis un véritable faux en affirmant que le successeur de Mzee était né à Hewa Bora II, une localité qui n’existe que dans l’imagination de ceux qui étaient décidés de garder le pouvoir dans leur giron ». Et de poursuivre: « Le Congo très très démocratique est l’unique nation dirigée par un Président aux multiples lieux de naissance ». Il l’égrène: Hewa Bora II (PGR Luhonge Kabilnda Ngoy), Lulenge, Mpiki et Yungu (Erik Kennes), Fizi (Vital Kamerhe – Pourquoi j’ai choisi Kabila).

DATE DE NAISSANCE. Mon ami croit savoir que l’ex-Raïs a au moins deux dates de naissance. Officiellement, me dit-il, l’homme et sa sœur jumelle (?) Jaynet seraient nés le 4 juin 1971. Il brandit une dépêche de l’Agence France presse datée 16 décembre 2002 donnant le CV du successeur de Mzee. Selon l’AFP, martèle l’ami, l’ex-Raïs serait né non pas le 4 juin 1971 mais plutôt le 5 juin 1972 à… Lulenge. « D’aucuns pourraient-ils ergoter qu’il s’agit d’une médiocre », admet-il.

FILIATION. Mon ami qui a une mémoire encyclopédique dit se souvenir d’une interview accordée à « Mama Colette » du quotidien « Le Soir » par Mama Sifa Mahanya, le 9 juin 2006. Selon lui, celle-ci n’a pas dit la vérité en affirmant que Joseph et Jaynet sont ses premiers enfants. L’ami me recommande de consulter l’ouvrage « Essai biographique sur LD Kabila » de l’historien belge Erik Kennes paru chez L’Harmattan. « Dans les pages 232 et 298, tu liras que Sifa était déjà marié à certain Michel Lukoma. Le couple a eu une fille nommée Mary Mwamini qui vivait en Ouganda », dit-il. A en croire l’ami, cette dernière serait décédée récemment à Kampala. Pour lui, Sifa Mahanya est une fieffée menteuse. Elle n’est nullement la génitrice des membres de la fratrie « Kabila » qui continue à faire plus la pluie que le beau temps au Congo très très démocratique.

PATRONYME. « A partir de quel moment, Joseph, connu à son arrivée à Kisangani sous l’appellation ‘commandant Hyppo’ a adopté le patronyme de Kabila? », m’interroge l’ami. Face à mon silence, l’ami de rappeler que Joseph s’appelait Hyppolite Kanambe et Mtwale. Le journaliste François Soudan affirme que Jaynet et Joseph étaient inscrits sous des noms d’emprunts (Kabange puis Kanambe) dans un collège français.  « Pour faire Luba du Katanga, le successeur de LDK fut coopté en juin 2006 Mulubakat par le Grand Chef Kasongo Nyembo », souligne, l’ami qui me recommande consulter « La Revue pour l’intelligence du monde » N°3 de juillet/août 2006.

LYCEE FRANÇAIS DE DAR ES LYCÉE FRANÇAIS DE DAR ES SALAAM. Dans l’interview accordée au « Soir » Sifa Mahanya assure qu’elle avait inscrit Joseph et Jaynet à l’école française de Dar es Salaam. Mon ami bondit littéralement de sa chaise: « Rien n’est plus faux! A son arrivée à Kisangani en mars 1997, le ‘commandant Hyppo’ ne débitait pas un seul mot de français. Les ex-Faz capturés à Lubumbashi ont confirmé ce fait. Le commandant Hyppo conduisait les interrogatoires, en swahili ou en anglais, en tant qu’agent des services de renseignements rwandais ». Mon ami est tout aussi formel en ce qui concerne Jaynet. « Cette dame n’a pas passé un seul jour de sa vie au Lycée français de Dar es Salaam. On n’y trouve pas un mot dans sa fiche d’identité lors des législatives de 2011. Elle a fait l’école primaire à Green Valley en Ouganda et l’école secondaire à Irambo en Tanzanie ».

PARCOURS PERSONNEL. « Les Kongomani constituent le seul peuple qui ignore le parcours personnel de l’homme qui a régenté leur pays pendant près de deux décennies. Quelle est l’occupation exercée par l’ex-Raïs de l’âge de 18 ans jusqu’au moment où il a foulé le sol zaïrois fin 1996 soit à l’âge de 25 ans? ». Pour lui, on dira autant de Jaynet et de Zoé. « Les CV détaillés de ceux-ci n’ont jamais été publiés ».

Mon ami de me souffler dans le creux de l’oreille ces mots: « J’ai été dépité d’apprendre que certains Kongomani ont fêté ici et là les 49 ans d’âge de l’ex-Raïs ». L’ami cite en particulier le cas de la province de la Tshopo. « A Kisangani, dit-il, le gouverneur de la Tshopo et secrétaire exécutif du PPRD Louis-Marie Walle Lufungula a poussé son enthousiasme jusqu’à proclamer l’ex-Raïs « père de la démocratie congolaise » pour les trois cycles électoraux organisés sous sa présidence ».

Pour mon ami, il est temps que les Kongomani appréhendent que l’ex-Raïs incarne une imposture. Une imposture congolaise. L’ami qui raffole des choses de l’esprit s’est souvenu de Jean-Paul Sartre qui disait: « Je déteste les victimes quand elles respectent leurs bourreaux… »

 

Par Jean Robert Yuka ea Djema

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