L’insoutenable légèreté d’un représentant du ministère public

Le tribunal de grande instance (TGI) de Kinshasa/Gombe a acquitté, lundi 7 juin, la veuve du général Delphin Kahimbi Kasagwe, née Brenda Nkoy Okale, 38 ans. Deux semaines auparavant, soit le 27 mai, le représentant du ministère public avait requis, avec une insoutenable légèreté, la « peine capitale » – vous avez bien entendu! – contre cette jeune dame.

Le ministère public a accusé cette mère de famille d’avoir éliminé physiquement le père de ses cinq enfants. Là où le bât blesse est que le magistrat du parquet commis à cette tâche a été bien incapable d’administrer, de manière irréfutable, la motivation ou le mobile du crime. Passion? Cupidité? Vengeance? Folie?

Tout au long du procès, la défense n’a cessé d’inviter l’accusation à citer un quelconque « fait matériel », imputable à la dame Brenda. Un fait ayant conduit à la mort de son époux. Jusqu’au bout, le ministère public s’est accroché à son « intime conviction ».

A la décharge du procureur de la République près le TGI de Kin-Gombe, son office a pris cet épineux dossier à l’image d’un voyageur qui court après un train en marche. Les enquêtes et les auditions des « suspects » furent menées à la hussarde par une Commission. Celle-ci était composée de quelques « épaules galonnées » réputées devoir leur ascension sociale à l’ex-raïs. C’est le cas notamment des généraux Marcel Mbangu Mashita (président, un parent au général John Numbi Banza) et Jean Baseleba Bin Mateto.

Delphin Kahimbi n’était pas n’importe qui. Fidèle d’entre les fidèles de l’ex-président « Joseph Kabila », l’homme détenait sans aucun doute des secrets d’Etat. Et ce en sa qualité de patron des services de renseignements militaires (ex-Demiap). Dieu seul sait le nombre de prisonniers politiques ayant « séjourné » dans les cachots miteux de ce « service ». Le colonel John Tshibangu pourrait en témoigner.

D’aucuns suspectaient Kahimbi d’avoir été de connivence avec certains groupes armés (Codeco, ADF) opérant dans le Nord-Kivu et L’Ituri. Sans omettre le Sud-Kivu avec le colonel Michel Rukunda dit Makanika. L’auteur de ces lignes a, à plusieurs reprises, fait état des informations selon lesquelles le général-major « Joseph Kabila » a vécu sous le même toit (avenue Bocage n°55, Quartier Ma Campagne) avec l’Ougandais Jamil Mukulu, le leader présumé des rebelles ougandais des ADF. Arrêté dans un village tanzanien en mars 2015, « Jamil » fut trouvé en possession de six passeports dont celui du Congo-Kinshasa.

Après la passation de pouvoir entre « Kabila » et son successeur Felix Tshisekedi le 24 janvier 2019, le « général Delphin » est demeuré à son poste jusqu’en février 2020, lorsqu’il lui sera reproché d’avoir mis sur pied un système destiné à « épier » les nouvelles autorités.

Entendu au Conseil national de sécurité, Delphin Kahimbi devait faire l’objet d’une nouvelle audition le 28 février 2020. C’est ce même jour qu’on apprendra son décès dans des conditions non élucidées à ce jour. Suicide? Assassinat? Mystère!

A en croire « Mama Brenda », ce 28 février 2020 son mari avait eu un « malaise » à la maison. Elle l’a, par la suite, conduit à l’hôpital du Cinquantenaire. « Mon mari respirait encore à son admission aux soins intensifs », jure-t-elle. Selon elle, « quelqu’un » aurait « fait du mal » à son mari dans cet hôpital.

Trois questions restent sans réponses. Primo: Delphin Kahimbi était-il sur le point de révéler quelques secrets du « système Kabila » au Conseil national de sécurité? Qui avait intérêt à le faire taire? La commission d’enquête présidée par le général Mbangu avait-elle trouvé un parfait bouc émissaire en la personne de la veuve Kahimbi pour brouiller les pistes?

Fort heureusement, les juges du tribunal de grande instance de Kinshasa/Gombe ont redoré le blason de la justice congolaise en se gardant de suivre aveuglément la sévérité bête et méchante du représentant du ministère public ayant requis, le 27 mai, la peine capitale contre la veuve Kahimbi.

Ce magistrat est une honte pour le pays. Il fait penser au juge Roy Bean, ce personnage de bandes dessinées américaines qui lisait le code pénal à l’envers…

 

Baudouin Amba Wetshi

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