Manifestation anti-Kabila: Tshibala renie son passé d’opposant… radical

Ancien bras droit d’Etienne Tshisekedi wa Mulumba – nommé Premier ministre en mai dernier par celui qui passait pour le pire adversaire du ‘changement’ -, Bruno Tshibala Nzenzhe, le « doyen des opposants » autoproclamé, considère désormais les manifestations anti-« Kabila » comme « une distraction ». Il l’a dit jeudi 30 novembre. Pour lui, la priorité tient en deux mots: les élections.

Vingt-quatre heures après la manifestation organisée jeudi 30 novembre par le Rassemblement et des mouvements citoyens pour exiger le départ de « Joseph Kabila » du pouvoir avant le 31 décembre prochain, chacun dresse son bilan. A sa manière.

Le BCNUDH (Bureau Central des Nations Unies pour les Droits de l’Homme), avant un « bilan provisoire » de 186 arrestations au cours de cette journée. L’ACAJ (Association congolaise pour l’accès à la justice) que dirige l’avocat Georges Kapiamba fait, pour sa part, état de 235 arrestations, 78 blessés et un mort à Butembo. L’association croit savoir que 82 personnes auraient déjà été relâchées.

A Kinshasa, les observateurs ont suivi avec un sentiment de révolte l’arrestation des députés Martin Fayulu Madidi, Olivier Endundo et Jean-Bertrand Ewanga. Secrétaire général de l’UDPS, Jean-Marc Kabund a été torturé. Fayulu et plusieurs « mamans » ont subi le même sort. Un passage à tabac constitue bien de la torture.

Disparu dans la soirée de jeudi, John Mbombo Mitanku, président fédéral du parti « ADP » et porte-parole du Rassop/Kasaï Oriental, a été retrouvé, dans la matinée de vendredi, dans un ravin. Ligoté, il saignait de partout.

Dans son alinéa 4, l’article 16 de la Constitution congolaise stipule que « nul ne peut être soumis à un traitement cruel, inhumain ou dégradant ». Dans ce « Congo libéré » ou la justice est assujettie au pouvoir politique, les victimes sont privées de voie de recours. Sauf si le « raïs » en décidait autrement.

On apprenait, par ailleurs, que plusieurs journalistes ont été interpellés et brutalisés par des éléments de la police et des membres de la garde prétorienne du Président hors mandat. « Ces faits confirment l’institutionnalisation, par le président Joseph Kabila, d’une sorte de banditisme d’Etat », commente un confrère kinois. En clair, le pays est dirigé par des bandits. Des hommes sans foi ni loi.

MANIFESTATION ANTI-KABILA

Pour la défunte majorité présidentielle, la marche organisée par le Rassemblement a échoué. Au motif que la population a préféré rester à la maison. Un avis sui est loin d’être partagé par les forces politiques et sociales acquises au changement. Pour elle, la capitale congolaise présentait jeudi le visage d’une « ville morte ». « Comme d’habitude, le combat n’a pas eu lieu à armes égales, estime un opposant. Kabila a déployé les grands moyens coercitifs de l’Etat. De peur de recevoir une balle perdue, les gens sont restés chez eux. La résidence de Félix Tshisekedi était encerclée dès mercredi soir. Déguisés en policiers, les fameux ‘GR’ ont tiré des gaz lacrymogènes pour dispersés les combattants ».

Au lieu de se taire, le même jeudi, l’ex-opposant radical Bruno Tshibala promu Premier ministre a effectué une « inspection » dans quelques communes populaires de la capitale distribuant au passage quelques billets de banque aux enfants. Il est entré dans quelques supermarchés avant de déclarer, contre toute évidence, que la journée de jeudi 30 novembre a été une « journée normale avec une atmosphère habituelle ». Et d’ajouter: « Désormais, la priorité ce sont les élections. Le reste n’est que distraction ».

Depuis l’élection d’Emmanuel Macron à l’Elysée en mai dernier, plusieurs personnalités de la droite (Les Républicains) ont rejoint le mouvement créé par le successeur de François Hollande appelé « LREM » (La République En Marche). Il en est de même de quelques politiciens étiquetés « socialistes ».

Les médias hexagonaux crient à la « palinodie ». Ce vocable signifie tout simplement un « changement complet d’opinion ». En termes moins sophistiqués, le journaliste français Gilles Gaetner parle de « l’art de retourner sa veste ». C’est le titre d’un ouvrage qu’il a publié en 2007 aux éditions du Rocher.

DES « PHARISIENS »

Revenons à Tshibala. Secrétaire général adjoint de l’UDPS et porte-parole du Rassemblement né lors du conclave de Genval en juin 2016, Tshibala ne fut donc qu’un « pharisien »? Devrait-on parler de farceur?

A l’époque, l’homme ne ratait guère l’occasion de décocher quelques flèches en direction de « Kabila » qu’il présentait, à raison d’ailleurs, comme étant l’épicentre de la « grave crise politique » que traverse le pays.

Au cours d’un point de presse qu’il avait co-animé, le 23 octobre 2015, au Brussels Press Club Europe, avec le secrétaire général d’alors Bruno Mavungu, Tshibala de marteler que cette crise « trouve son origine dans le coup de force, autrement dit le hold-up électoral opéré par Monsieur (sic !) Joseph Kabila et son groupe, lors de l’élection présidentielle de novembre 2011 ».

Au lendemain de la publication de l’Arrêt de la Cour constitutionnelle « autorisant » « Kabila » à demeurer en fonction jusqu’à l’installation définitive du nouveau président élu, le futur « Premier » a sorti l’artillerie lourde en qualifiant cette décision d’« épitaphe ».

Après la répression sanglante de la manifestation du 19 septembre 2016, « Bruno » n’ira pas par quatre chemins en donnant un bilan de 100 morts. Le 9 octobre 2016, il est arrêté comme un malfrat par les sbires du régime kabiliste. Sans motif. Il sera libéré plusieurs semaines plus tard dans les mêmes conditions.

Dans l’édition n°2960 datée du 1er octobre dernier de « Jeune Afrique », le successeur de Samy Badibanga parle de « Joseph Kabila »: « Contrairement à ce que beaucoup de gens pensent, c’est un homme de parole qui m’a étonné par son humilité et sa sincérité ». La justice congolaise? « Elle est digne de confiance ».

Au lieu de renier les idéaux (Etat de droit, justice, liberté, bonne gouvernance, égalité) qu’il claironnait jadis aux côtés d’Etienne Tshisekedi, Bruno Tshibala Nzenzhe ne devait-il pas profiter de son « élévation » pour montrer à la face du monde la cohérence entre le discours de l’opposant radical qu’il fut et l’action de l’homme d’Etat qu’il est devenu?

 

Baudouin Amba Wetshi
© Congoindépendant 2003-2017

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