Marche du 25 février: « Kabila » et ses sbires affûtent leurs armes…

Les habitants de Kinshasa et ceux des villes frondeuses du Congo-Kinshasa – c’est le cas notamment de Bukavu, Goma, Kisangani, Lubumbashi, Mbandaka – retiennent leur souffle à la veille de la troisième « marche pacifique » appelée par le Comité Laïc de Coordination (CLC). Sauf miracle, les observateurs, eux, se préparent à vivre la troisième phase d’une longue épreuve de force qui parait sans issue. Et ce du fait d’une oligarchie aveuglée par ses certitudes. A 48 heures du « Jour-J », la mouvance kabiliste multiplie des messages comminatoires. Et pourtant, les pourfendeurs du régime finissant ne demandent que la décrispation politique. Et à travers celle-ci, des élections apaisées et l’avènement de l’alternance démocratique.

L’histoire semble déjà écrite. Dimanche 25 février, les Congolais de Kinshasa et d’ailleurs vont assister à une sorte de pièce de théâtre composée de six actes. Premier acte: célébration des messes. Deuxième acte: infiltration des miliciens du PPRD dits « jeunes leaders » parmi les fidèles. Troisième acte: démarrage de la marche. Quatrième acte: déclenchement des troubles par les « infiltrés ». Cinquième acte: intervention de la police, de la garde prétorienne et des mercenaires de « Joseph Kabila » pour « rétablir l’ordre public ». Sixième et dernier acte: constatation des infractions et lancement des poursuites à l’encontre des organisateurs de la manifestation.

Colonel Pierrot Mwanamputu

Porte-parole de la police nationale, le colonel Pierrot Mwanamputu est intervenu vendredi 23 février sur les antennes de la télévision d’Etat (RTNC). Sous un air faussement pédagogique, l’homme au sourire en coin a été chargé de « conditionner » l’opinion tant nationale qu’internationale sur la répression quasi-probable de la manifestation de ce dimanche.

Interrogé par ses collaborateurs sur la « liberté de manifestation », Mwanamputu a donné une interprétation pour le moins orientée de l’article 26 de la Constitution qui stipule: « La liberté de manifestation est garantie. Toute manifestation sur les voies publiques ou en plein air, impose aux organisateurs d’informer par écrit l’autorité administrative compétente. Nul ne peut être contraint à prendre part à une manifestation. La loi en fixe les mesures d’application ».

Selon cet officier, la « loi » précise que l’autorité administrative compétente saisit par écrit par des organisateurs d’une manifestation doit « prendre acte » et « peut inviter les organisateurs » à venir la rencontrer afin de convenir notamment de l’itinéraire. A l’appui de sa thèse, Mwanamputu a cité un décret-loi de 1999. Sans fournir des références précises.

« MARCHE NON-AUTORISÉE »

Le porte-parole de la police congolaise n’est pas allé par quatre chemins en soulignant que ces derniers éléments tiennent lieu de « préalables ». « Si ces préalables ne sont pas remplis, l’autorité administrative ne peut pas ‘prendre acte’ de la correspondance lui adressée ». Traduction: les animateurs du Comité Laïc de Coordination – à savoir notamment, Léonie Kandolo, Julien Lukengu, Isidore Ndaywel, Thierry Nlandu et Julien Lukengu – doivent se présenter au bureau de l’autorité compétente en l’occurrence le gouverneur de la ville de Kinshasa. Un attrape-nigaud.

En termes à peine voilés, le « colonel Pierrot » qui est au service d’une oligarchie et non de l’intérêt général envoie un message sans équivoque qui tient en onze mots: « la marche du dimanche 25 février n’est pas autorisée ».

Au cours d’un point de presse qu’il a animé jeudi 22 février, le ministre de la Justice, Alexis Thambwe Mwamba, n’a pas dit autre chose. Il a affirmé que les responsables du « CLC » étaient recherchés par la « justice » congolaise. « On ne peut pas interrompre les poursuites pour les gens qui ont été invités par la police et qui ne se sont pas présentés », a-t-il ajouté.

Les dirigeants du « CLC » sont entrés en clandestinité dès le lendemain de la première manifestation réprimée du 31 décembre 2017. Des « mandats d’amener » ont été émis contre eux par le très kabiliste PGR (procureur général de la République) Flory Kabange Numbi.

On cherche en vain l’infraction commise par les intéressés. Alors que les sbires du régime qui ont lancé des gaz lacrymogènes dans les chapelles et dans les maternités tout en tirant des balles réelles sur des fidèles en prière continuent à jouir de l’impunité. Dieu seul sait ce que vaut la « justice » congolaise au « Congo libéré » de « Joseph Kabila ».

Dans leur communiqué daté du 10 février appelant à une troisième marche, les dirigeants du « CLC » précités n’ont pas trouvé des mots assez durs pour fustiger les « atrocités et la barbarie » qui jalonnent un processus électoral (c’est nous qui l’ajoutons) en panne depuis le mois de septembre 2016. « Et pourtant, souligne le texte, le peuple congolais ne demande que l’application de l’Accord de la Saint Sylvestre, (…) ». Outre la décrispation politique par la libération des prisonniers politiques, le CLC demande à « Kabila » de faire l’annonce solennelle qu’il ne briguera pas un nouveau mandat.

« JEUNES LEADERS »

Papy Pungu, président des « Jeunes leaders »

Dans un communiqué daté du samedi 17 février revêtu de la signature d’un certain Papy Pungu, président de la milice du PPRD camouflée sous la douce appellation de « Jeunes leaders », ceux-ci font savoir leur volonté, « en tant que chrétiens », de prendre part à toutes les célébrations eucharistiques organisées le dimanche 25 février par le Comité Laïc de Coordination. Objectif avoué: « mettre en échec tous les plans machiavéliques des ennemis de la RDC et de son vaillant peuple ».

Pour ces « Jeunes leaders », l’église catholique serait « instrumentalisée » par des leaders de l’opposition. En filigrane, on voit naturellement l’ombre de Félix Tshisekedi Tshilombo et celui de Jean-Marc Kabund A Kabund, les deux têtes d’affiche de l’UDPS.

Contre toute attente, une nébuleuse association dénommée « Alliance des kabilistes musulmans/PPRD » est sortie du bois en annonçant, elle aussi, son intention d’assister aux messes du dimanche fatidique.

Cette ambiance mortifère inquiète la « VSV ». Dans un communiqué daté du vendredi 23 février, « La Voix des Sans Voix pour les droits de l’Homme » dénonce « les vieilles méthodes et pratiques de certaines autorités congolais en général et de certains cadres du PPRD en particulier visant à instrumentaliser des jeunes en leur dotant des moyens matériels et financiers pour porter atteinte à l’intégrité physique d’autres Congolais manifestant pacifiquement pour apporter leur contribution positive aux efforts de consolidation de la démocratie (…) ».

Au cours de son intervention citée précédemment à la « RTNC », le colonel Pierrot Mwanamputu a prévenu: « La police interviendra dès qu’il y aura débordement et troubles à l’ordre public ». La mouvance kabiliste affûte ses armes de répression.

D’après une dépêche de l’AFP, le tout nouveau conseiller spécial du Président hors mandat en matière de Sécurité, l’avocat Jean Mbuyu Luyongola, tiendra, samedi 24 février, une réunion très spéciale avec des opérateurs téléphoniques. C’est devenu classique pour le pouvoir kabiliste finissant de couper l’Internet à la veille de chaque marche.

 

B.A.W.
© Congoindépendant 2003-2018

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