Marche du « Bloc patriotique »: Cherche Fayulu et Muzito désespérément!

Promoteur du grand rassemblement des forces politiques et sociales sous l’appelation de « Bloc patriotique« , Martin Fayulu Madidi était introuvable lors de la marche du samedi 13 novembre. Son alter ego, Adolphe Muzito, se serait fait « représenter » par son épouse. La mouvance kabiliste dite FCC-PPRD (Front commun pour le Congo) semblait avoir fait une O.P.A sur la trouvaille du leader de l’ECIDé (Engagement pour la citoyenneté et le développement). Les têtes d’affiche de la « kabilie » occupaient le podium: Emmanuel Ramazani Shadary, Ferdinand Kambere, Raymond Tshibanda, Néhémie Mwilanya, Aubin Minaku. La liste n’est pas exhaustive. A en croire le porte-parole des laïcs chrétiens, les gouvernants congolais « doivent annuler la mise en place du bureau de la Ceni. Dans le cas contraire, d’autres marches de grande envergure seront organisées de manière permanente« . Ils doivent également annuler le fameux RAM (Registre des appareils mobiles). Indépendance de la Ceni, suppression du RAM, mettre fin à insécurité à l’Est, résoudre le problème de la gratuité de l’enseignement sont autant de revendications. Le député national Ados Ndombasi a ajouté l’emploi pour les jeunes. Ouf!

Selon des sources concordantes, plus ou moins cinq mille kinois ont battu le pavé samedi 13 novembre. Et ce en dépit de la pluie. Ils ont répondu à l’appel lancé par les laïcs chrétiens du Calcc (catholiques) et de Milapro (protestants). Martin Fayulu Madidi, président du parti ECIDé et membre du présidium de la plateforme « Lamuka » en a été l’inspirateur. C’était dans son speech du 19 octobre. Il avait appelé à la constitution d’un « Bloc patriotique« . But: combattre la « dictature Fatshiste« . Secrétaire général de l’ECIDé, Devos Kitoko est allé plus loin: « La marche a pour but de chasser la dictature en place« . Le FCC-PPRD Felix Kabange Numbi ne dit pas autre chose.

Les marcheurs sont partis de trois points de rassemblement. Destination: Stade Tata Raphaël. Le moins que l’on puisse dire est que le FCC-PPRD a mobilisé ce qui lui reste de partisans. Ceux-ci étaient partis notamment du rond-point Moulaert, dans la commune de Bandalungwa. « Yo nani Oboya Kabila [Qui es-tu pour rejeter Kabila]? »; « Kabila banda okende, bombé na bombé [Kabila, depuis que tu es parti, la drogue ‘bombé‘ fait rage »; « Trop c’est trop ». Les Kinois ont cru rêver en entendant ces slogans d’une autre époque.

Il importe d’ouvrir une parenthèse. Les Kinois ont, sans doute, été surpris de voir des barons du régime de « Joseph Kabila » se présenter – trois années après le changement intervenu à la tête du pays -, en hérauts de la « vérité des urnes« , de l’Etat de droit et de la démocratie. Un comble quand on sait que leur chef de file n’a jamais gagné une élection. Cela est vrai non seulement lors des élections générales de 2006 mais aussi de 2011. Pour réussir ses forfaits, « Kabila » avait placé ses « obligés » à la tête de la Centrale électorale: Abbé Apollinaire Malumalu Muhongolu (2006), « Révérend » Daniel Mulunda Ngoy Nyanga (2011) et de Corneille Nangaa Yobeluo (2018).

Pour la petite histoire, Daniel Mulunda fut découvert en Afrique du Sud par Laurent-Désiré Kabila. Après le décès de ce dernier, ce pasteur proche du Sud-Africain Desmond Tutu devint le « conseiller spirituel » du successeur de Mzee. En janvier 2011, « Kabila » n’a pas hésité à initier une révision constitutionnelle intempestive en supprimant le second tour de l’élection présidentielle. L’objectif était la conservation d’un pouvoir illégitime. Lors des élections générales du 30 décembre 2018, des observateurs avertis affirment la main sur le coeur que Corneille Nangaa proclamait les « résultats » des élections législatives, pendant que les bureaux provinciaux de la Ceni étaient occupés à compiler les résultats. Que dire des manifestations réprimées jadis dans le sang? Les citoyens demandaient à « Joseph Kabila » une seule chose: le respect de la Constitution. Fermons la parenthèse.

UNE CENI INDEPENDANTE ET TRANSPARENTE          

Un porte-parole des laïcs chrétiens occupé à lire le mémorandum du CALCC et MILAPRO. A gauche, il y a les cadres de l’ECIDé Devos Kitoko et Clément Muza

Passons aux messages du jour. Dans un mémorandum lu au nom des « Forces vives de la Nation« , le représentant du Calcc a précisé que le but de la marche est de demander « à qui de droit de privilégier l’intérêt supérieur de la nation et d’annuler la mise en place irrégulière et illégale du bureau de la Ceni« . Et de prévenir que « faute de quoi, d’autres manifestations de grande envergure seront organisées de manière permanente« . Le pouvoir est prévenu.

L’orateur de marteler les revendications: « Marcher pour une Ceni indépendante et transparente, c’est donc marcher pour ne plus jamais avoir des dirigeants nommés, corrompus et illégitimes à la tête de nos institutions« ; « Marcher pour une Ceni dépolitisée, c’est refuser à jamais d’accepter des résultats fabriqués au profit d’un camp politique (…) »; « Marcher pour une loi électorale forte, c’est refuser à jamais des juges instrumentalisés et qui font publier des résultats fabriqués de toutes pièces (…) »; « Marcher pour des élections libres, c’est permettre  au peuple de choisir des dirigeants légitimes qui travaillent dans l’intérêt du peuple pour mettre fin à l’insécurité à l’Est les taxes injustes comme le RAM pour un enseignement de qualité et surtout permettre à nos enfants de vivre dans des meilleurs conditions de sécurité« .

Pour lui, « la marche » du 13 novembre « est historique« . Car « elle ne constitue que la première pierre d’un grand chantier de reconstruction du Congo« . Au total, les « Forces vives de la nation » demandent l’annulation pure et simple [C’est nous qui le soulignons] de la mise en place du Bureau de la Ceni dirigé par Denis Kadima Kazadi. Une mise en place qualifiée « d’irrégulière » et « d’illégale ». Le président Tshisekedi Tshilombo va-t-il se rétracter? On peut en douter. Soufflant le chaud et le froid, les laïcs chrétiens demande l’instauration d’un « véritable consensus » pour les réformes à accomplir notamment en ce qui concerne la Loi électorale. Pour les laïcs, « il est essentiel que les élections de 2023 soient meilleures que les précédentes« .

On ne pourrait s’empêcher de reprocher aux mouvements laïcs une certaine mauvaise foi lorsqu’ils clament dans leur mémorandum « qu’il est urgent et important de mettre fin à l’insécurité à l’Est du pays« . Les tueries ont commencé à Beni, au Nord Kivu, en octobre 2014 soit quatre ans avant l’investiture de Felix Tshisekedi. Nul n’a souvenance d’une exigence formulée dans ce sens à l’époque du pouvoir répressif de « Kabila« . Que dire des voix qui s’élèvent pour fustiger l’état de siège proclamé en le 6 mai dernier?

FAYULU ET MUZITO AUX ABONNÊS ABSENTS

L’avocat Hervé Diakese du CLC

Le plus surprenant est de constater que des réflexions analogues sont formulées par des caciques du FCC-PPRD. C’est le cas notamment de l’ex-dircab à la Présidence Néhémie Mwilanya. « Le peuple congolais a exprimé son ras-le bol, a-t-il déclaré. Il faut que le pouvoir se range derrière la volonté populaire sinon il va perdre toute sa légitimité et n’aura plus de raison d’être« .

D’aucuns ont été surpris d’entendre Emmanuel Ramazani Shadary dire, sans broncher, que Felix Tshisekedi est à la tête d’une « dictature que nous n’avons jamais connue, une dictature qui dépasse celle de Mobutu« . Ancien ministre de l’Intérieur de l’autocrate « Joseph Kabila », Ramazani Shadary est suspecté d’être impliqué dans les tueries de Kamuina Nsapu, au Kasaï. Depuis le mois de juillet 2017, la Cour militaire de la garnison de Kananga juge des personnes suspectées de participation dans le double assassinat des experts onusiens Zaida Catalan et Michaël Sharp. Les avocats de la défense n’ont pas cessé d’exiger, en vain, l’audition de l’ancien ministre Ramazani Shadary. Autre surprise: la présence de l’avocat Hervé Diakiesse à quelques mètres de « Néhémie« . Membre du Comité des laïcs catholiques, ce brillant juriste a participé en août 2017 à la rédaction du « Manifeste Citoyen Esili » exigeant la démission de « Joseph Kabila« .

Deux questions restent sans réponse. Où étaient passés Martin Fayulu et Adolphe Muzito pendant que des Kinois battaient le pavé samedi 13 novembre? Cette double absence découle-t-elle d’un « deal » conclu avec « Kabila« . Deal consistant à laisser aux barons de la « Kabilie » le devant de la scène? Le duo Fayulu-Muzito est-il convaincu que l’ex-dictateur « Kabila » s’est recyclé en « promoteur du changement démocratique« ?  

Baudouin Amba Wetshi           

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