Message de l’IDGPA à l’occasion du 12e anniversaire de la Constitution de la RD Congo

Depuis son accession à l’indépendance le 30 juin 1960, la République Démocratique du Congo (RDC) avait été confrontée à des crises politiques récurrentes dont l’une des causes fondamentales était la contestation de la légitimité des institutions et de leurs animateurs. En vue de mettre un terme à cette crise chronique de légitimité et donner au pays toutes les chances de se reconstruire, le peuple Congolais dans son écrasante majorité avait adopté par référendum (du 18 au 19 décembre 2005) cette Constitution qui avait été promulguée par le Président de la République le samedi 18 février 2006.

L’Histoire garde nettes les images de ces millions d’hommes et de femmes, jeunes et vieux, malades et bien portants bravant la pluie et la chaleur sur les collines et dans les plateaux, dans les forêts et dans les savanes ou sur les eaux des lacs, du majestueux fleuve Congo et de ses nombreux affluents, pour aller exprimer leur volonté de vivre dans une République réellement démocratique qui garantisse à chaque citoyenne et à chaque citoyen le droit à une existence digne et heureuse. Impitoyable et incorruptible, l’Histoire garde également forte l’image d’un jeune Président de la République présentant au peuple congolais et au monde entier cette nouvelle Constitution dont il s’engageait à être le garant et qu’il allait plus tard jurer solennellement de respecter et de défendre, devant Dieu et la Nation.

Douze ans après son entrée en vigueur, les immenses espoirs de reconstruction d’une nation puissante et prospère au cœur de l’Afrique qui appartienne à toutes ses filles et à tous ses fils se sont malheureusement évanouis. L’Etat de droit démocratique et social auquel notre peuple a toujours aspiré reste un chantier largement inachevé. Les gouvernants font preuve d’une délinquance sans précédent vis-à-vis de la Constitution et de la gestion de la Res publica considérée comme leur bien privé. La violation des droits de l’homme et la corruption dans tous ses états ont été érigées en règle fondamentale de gouvernance d’un Etat fantomatique dont certains ont du mal à affirmer l’existence. Le pays va mal, très mal, et bat tous les records négatifs. En dépit de fabuleuses ressources naturelles dont il regorge, les dirigeants ont réussi à transformer le paradis en enfer pour la majorité de leur peuple. Les habitants de certaines des terres les plus riches du monde sont paradoxalement comptés parmi les femmes et les hommes les plus pauvres de la planète. La nation déjà balbutiante a été condamnée à l’inanition par ceux-là même qui étaient censés la protéger et assurer sa grandeur. Les antivaleurs ont pris le dessus sur les valeurs qui fondent la République et une « République démocratique » qui dès lors n’existe que de nom.

Au moment où nous commémorons le 12e anniversaire de la Constitution, toutes les institutions politiques sont devenues illégitimes et ont perdu tout mandat de gouverner démocratiquement le peuple congolais. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, le pays est de nouveau confronté à une crise politique qui rappelle celles qu’il avait connues avant l’entrée en vigueur de la présente Constitution et dont l’une des causes ou la cause fondamentale est la contestation de la légitimité des institutions et de leurs animateurs. La RDC constitue un cas paradigmatique de la mauvaise gouvernance et du gaspillage inouï des richesses africaines au profit d’un groupe de prédateurs locaux et de leurs complices que sont les multinationales et certains gouvernements étrangers qui les soutiennent au sein de la communauté internationale.

Sur un continent où des progrès démocratiques notables sont enregistrés dans plusieurs pays, la RDC est devenue le symbole même de la négation du constitutionnalisme, de la démocratie, des droits de l’homme et de la mauvaise gouvernance. Voici le pays de tous les espoirs devenu aussi paradoxalement le pays de toutes les inquiétudes, ce qui justifie notamment la présence du contingent onusien le plus important depuis la création de l’ONU en 1945.

L’IDGPA est une organisation non-gouvernementale indépendante dont l’objectif majeur est de promouvoir la démocratie, la (bonne) gouvernance, la paix et le développement en Afrique à travers la recherche, la formation, et le lobbying. L’Institut saisit l’occasion de la commémoration du 12e anniversaire de la Constitution de la République pour réaffirmer sa foi, sa volonté et sa détermination à œuvrer sans relâche pour l’avènement d’un Etat de droit véritablement démocratique partout en Afrique et invite l’ensemble du peuple Congolais à garder la même foi et la même détermination.

En adoptant cette Constitution après des décennies de pouvoir autoritaire, le peuple congolais entendait envoyer au monde entier le message que plus jamais un tel régime ne serait toléré dans le pays! L’on comprend ainsi plusieurs innovations introduites par le constituant primaire : l’interdiction de parti unique érigé en une infraction imprescriptible de haute trahison, la reconnaissance de l’opposition politique, la protection des droits humains et des libertés fondamentales et la séparation des pouvoirs sur base de la suprématie de la Constitution. Aussi, toute révision constitutionnelle est formellement interdite en ce qui concerne la forme républicaine de l’Etat, le principe du suffrage universel, la forme représentative du Gouvernement, le nombre et la durée des mandats du Président de la République, l’indépendance du pouvoir judiciaire, le pluralisme politique et syndical ainsi que les droits et libertés de la personne et les prérogatives des provinces et des entités territoriales décentralisées qui ne peuvent jamais être réduits.

Contrairement à une tradition instituée depuis 2016, l’IDGPA n’organisera pas de conférence et célèbrera autrement le 12e anniversaire de la Constitution qui intervient à un moment particulièrement douloureux où les valeurs fondamentales de la République et de la démocratie pour lesquelles plusieurs milliers de Congolais avaient risqué et perdu leurs vies sont de nouveau méconnues. Cette célébration qui commence le dimanche 18 et se clôturera le dimanche 25 février 2018 se fera dans la méditation et dans la prière autour de cet instrument sacré car sacrée, la Constitution l’est et le reste incontestablement. Du reste, son adoption par référendum en 2005 était l’expression de la prise de conscience et de la détermination de « Nous peuple congolais » d’assumer « nos responsabilités devant Dieu, la Nation, l’Afrique et le Monde » en bâtissant un pays plus beau qu’avant.

C’est le lieu de rappeler la disposition du tout premier article de la Constitution relative à l’hymne national de la République. « Debout Congolais » n’est pas une simple exhortation, mais un devoir sacré que le peuple congolais s’est imposé depuis l’indépendance et qui devrait revêtir une résonnance particulière en ce 12e anniversaire de la Constitution. L’exécution de cet hymne national nous rappelle que ce pays appartient à tous les Congolais et que nous sommes tous à la fois testateurs et légataires d’un serment d’autant plus inviolable qu’il est « immortel ». Nous n’avons pas reçu des Pères de l’indépendance tout comme nous ne léguerons pas à notre postérité un quelconque serment de servitude vis-à-vis de qui que ce soit, mais plutôt un « Serment de Liberté » et un serment de « liberté pour toujours »!

Les Congolais ont donc le devoir de rester debout et de lutter en permanence pour la liberté qui est notre bien le plus précieux et qu’il est plus facile de perdre que de conquérir et de conserver. Cette liberté requiert la démocratie qui est inscrite en lettres d’or dans le nom de la RDC. Un peuple qui se veut indépendant et libre n’est pas un peuple qui dort, qui pleurniche ou qui se contente des lamentations à longueur des journées ou au fil des années. C’est plutôt un peuple responsable qui s’assume, un peuple debout et un peuple qui lutte pour conserver son indépendance et sa liberté et que ni les coups de tonnerres, ni un feu descendant du ciel, ni les privations matérielles, ni les intimidations, ni les persécutions, ni les grenades lacrymogènes, ni les jets d’eau chaude, ni les chiens policiers, ni les cliquetis des armes, ni la terreur de la nuit, ni les flèches qui volent le jour, ni les chants des oiseaux, ni le rugissement des lions, ni le bourdonnement des abeilles ne pourraient jamais décourager pour l’amener à renoncer à l’indépendance ou à la liberté chèrement acquise.

Dans le contexte de la délinquance constitutionnelle et de l’illégitimité des institutions et de leurs animateurs, la Constitution elle-même prescrit un autre devoir tout aussi sacré que celui de se mettre debout. Il s’agit du devoir de faire échec à tout individu ou groupe d’individus qui exerce le pouvoir en violation des dispositions de la Constitution qui aura survécu contre tous les projets machiavéliques et diaboliques des artisans de l’inanition de la Nation.

 

Prof. André Mbata Mangu
Directeur exécutif de l’IDGPA
Professeur des Universités
© Congoindépendant 2003-2018

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