Mouvements citoyens et « communauté internationale »: Bras de fer en vue?

Les forces politiques et sociales militant pour l’alternance démocratique au Congo-Kinshasa sont vent debout. En cause, l’accueil favorable réservé au « calendrier électoral » publié dimanche 5 novembre par la CENI (Commission électorale nationale indépendante) par la « communauté internationale ». Ceux qui pratiquent « Joseph Kabila » et son système savent que ce prétendu chronogramme n’a qu’un seul but: desserrer l’étau diplomatique. On assiste à une grave crise de confiance entre les « forces vives » et les « maîtres du monde ». Décidés à tourner la page d’une oligarchie sanguinaire et corrompue, les acteurs sociopolitiques sont décidés à croiser le fer avec une « communauté internationale » dont certaines composantes tiennent à garder « le diable qu’elles connaissent ».

« La solution à nos problèmes ne viendra jamais de la communauté internationale ». Qui parle? André Mbata Mangu, professeur de droit public notamment à l’université de Kinshasa. « Si nous prenons une décision, la communauté internationale va s’aligner », ajoutait-il. C’était le dimanche 5 novembre à l’occasion de la présentation, au Centre culturel Kuumba, du « Manifeste du Citoyen » aux membres de la diaspora congolaise de Belgique.

Trois jours après, Félix Tshisekedi Tshilombo – de passage au même endroit – n’a pas dit autre chose. Après avoir relevé que la « bonne foi » de l’opposition a été « trahie » lors des différents « dialogues », le président du Rassemblement a eu ces mots: « Nous ne croyons plus aux pressions de la communauté internationale. La meilleure pression c’était la résolution 2348 du Conseil de sécurité qui n’a pas atteint les objectifs escomptés ».

Une semaine après la publication du « calendrier électoral » par la CENI, rares sont les observateurs avertis qui croient sérieusement que « Joseph Kabila » a pu se guérir de la « maladie du pouvoir » qui l’incite à prendre le processus électoral en otage. Et ce depuis le 19 décembre 2016, date d’expiration de son dernier mandat.

Les mêmes observateurs voient à travers les quatre « contraintes » égrenées par Corneille Nangaa et sa bande – c’est le cas notamment de la contribution financière des « partenaires » et les textes législatifs – autant d’alibis offerts à « Kabila » pour justifier un nouveau « glissement ». Ce qui étonne le plus c’est bien le fait que les dites contraintes – qui ont été résolues sans tambour ni trompette lors de la présidentielle de 2006 et 2011 – se muent désormais en obstacles rédhibitoires juste au moment où le chef de l’Etat sortant est frappé d’inéligibilité pour briguer un troisième mandat.

UNE COMMUNAUTE INTERNATIONALE « NAÏVE »

La grande majorité des Congolais qui ploie sous le joug de la pauvreté et de l’arbitraire a été stupéfaite par les réactions enthousiastes enregistrées tant aux Etats-Unis qu’en Europe. L’Amérique de l’imprévisible Donald Trump s’est précipitée, sans la moindre analyse, à « saluer » la sortie de ce chronogramme.

Le département d’Etat américain qui y a vu un « effet Nikki Haley » s’est félicité avant de « prévenir », avec une candeur certaine, le Président sortant congolais « de ne pas chercher à exercer un troisième mandat » soulignant, au passage, que celui-ci doit « quitter le pouvoir après les élections ». Interdiction de rire.

Depuis l’investiture à la Maison Blanche du successeur de Barack Obama, le département d’Etat qui est dirigé à titre intérimaire par Donald Yamamoto ressemble à un navire sans boussole. En matière africaine. Yamamoto a sans doute besoin d’une actualisation de ses fiches sur la crise politique au Congo-Kinshasa. Il s’agit de connaître le sort réservé à la Résolution 2348 du Conseil de sécurité. Celle-ci était censée « encadrer » la mise en œuvre effective de l’Accord du 31 décembre 2016 qui fixait la tenue de l’élection présidentielle et des législatives avant le 31 décembre 2017.

REACTIONS

Les auditeurs de Radio France Internationale ont suivi dimanche 12 novembre avec le plus grand intérêt l’opposant Martin Fayulu Madidi. Le président de l’ECIDé qui est membre du Rassemblement a fustigé la « naïveté » de la très nébuleuse « communauté internationale ». Après avoir rappelé que les Congolais ont « donné assez de chance » à un « Kabila » peu respectueux de la parole donnée, Fayulu a martelé que « le destin » du Congo-Kinshasa est avant tout l’affaire des Congolais.

Le Rassemblement va-t-il se plier, comme à l’accoutumée, aux injonctions venues de l’Occident? Une chose paraît sûre: la « communauté internationale » risque d’avoir en face d’elle des adversaires plus déterminés et peu sensibles à ses objurgations. Il s’agit des Mouvements citoyens décidés à affronter le dictateur « Kabila ». C’est le cas notamment de la Lucha, de Filimbi et des « Congolais debout ».

Pour ces organisations, personne n’a le droit d’empêcher les Congolais « à résister à l’oppression » comme le prévoit l’article 64 de la Constitution: « Tout Congolais a le droit de faire échec à tout individu ou groupe d’individus qui prend le pouvoir par la force ou qui l’exerce en violation des dispositions de la présente Constitution ».

Le même dimanche 12 novembre, le mouvement citoyen « Telema Ekoki » (traduction: lèves-toi, ça suffit !) a animé une « matinée politique » à Kinshasa. Le thème se passe de tout commentaire: « Kabila doit partir, avant que la RDC se meurt ». Outre le départ du Président sortant, cette organisation citoyenne a tenu à alerter l’opinion nationale sur la prédation et la débâcle économique et financière du pays orchestrées par la mouvance kabiliste.

Comme pour répondre aux Américains ainsi qu’aux Européens qui ont enjoint notamment au Rassemblement d’accepter le calendrier électoral de Nangaa, le très bouillant Mouvement citoyen « Lucha » (Lutte pour le changement) a publié le message ci-après sur son compte Twitter: « Vous êtes en train de catalyser une frustration sans commune mesure contre les élites anglo-saxonnes. Laisser les Congolais assumer leur destin. (…). Cette terre est la nôtre, celle de nos aïeux ». Et de conclure: « Votre majordome doit partir ».

UN CONGO A GENOUX

Les Congolais ont encore frais en mémoire la déclaration pour le moins démagogique faite en mars 2014, sur TV5 Monde, par le ministre de la Communication Lambert Mende, selon laquelle « en 2016, il y aura dans ce pays un passage de flambeau civilisé entre un Président qui sort et un Président qui entre ». On ne peut pas tromper tout le monde tout le temps.

Au moment où ces lignes sont écrites, le ministère public a requis vendredi 10 novembre, à Lubumbashi, trois années d’emprisonnement contre l’avocat Timothée Mbuya, président de l’Ong « Justicia ». Ce défenseur des droits humains a été arrêté lors de la manifestation organisée le 31 juillet dernier. Son « crime » est d’avoir réclamé la publication du calendrier électoral. La répression, l’intimidation et la corruption constituent les piliers de ce régime moribond.

Il faut refuser de regarder la réalité en face pour ne pas voir que « Kabila » a peur de la démocratie et de l’après-Présidence. Et qu’il ne pourrait y avoir d’élections libres et équitables dans ce pays aussi longtemps que ce personnage « trônera » à la tête d’un Congo-Kinshasa qu’il a réussi à faire reculer d’une vingtaine d’années. Et ce au plan économique, social et sécuritaire.

Comment ne pas donner, dès lors, raison à ceux qui soutiennent, à cor et à cri, que cet homme au passé mystérieux serait, en réalité, chargé d’une « mission »: mettre le « Grand Congo » à genoux. Les Mouvements citoyens doivent rester intransigeants face à une communauté internationale affairiste et hypocrite. Un double euphémisme pour ne pas dire autre chose…

 

Baudouin Amba Wetshi
© Congoindépendant 2003-2017

Happy
Happy
0 %
Sad
Sad
0 %
Excited
Excited
0 %
Sleepy
Sleepy
0 %
Angry
Angry
0 %
Surprise
Surprise
0 %