Nord-Kivu: Ruberwa en séminaire sur la « décentralisation » à Goma

Personnage impopulaire, Azarias Ruberwa, ministre de la Décentralisation, a inauguré, lundi 28 octobre, au chef-lieu du Nord-Kivu, un séminaire sur la… décentralisation. Durée: six jours. Le colloque est « appuyé » par le PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement). Sur papier, la décentralisation est effective au Congo-Kinshasa. Sur le terrain, les provinces ont des « compétences exclusives » qu’elles ne peuvent, à quelques rares exceptions près, exercer par manque de ressources. On imagine que les membres du gouvernement autant que ceux de l’Assemblée de cette province piaffent d’impatience de connaitre les résolutions qui seront arrêtées. On espère qu’ils ne resteront pas sur leur faim.

Sous le thème « La décentralisation facilite les missions des provinces et améliore les services sociaux de base à tous », le séminaire ouvert par le ministre Azarias Ruberwa a démarré ses travaux, lundi 28 octobre, grâce à un financement du PNUD.

Dans le premier lexique venu, la décentralisation est définie comme un mode de gestion permettant à une collectivité territoriale ou à un service à s’administrer eux-mêmes. Cette pratique implique un transfert des compétences et des ressources. L’Etat garde, bien entendu, un pouvoir de contrôle.

Dans son speech, Ruberwa – qui dirige ce ministère depuis le mois de décembre 2016 – n’a pas fait preuve de pédagogie. Il est resté muet sur les réformes déjà accomplies en cette matière au plan national. Il n’a pas non plus été loquace sur l’état de la décentralisation au Nord-Kivu qui tient lieu de « province test ». L’orateur s’est contenté de saluer des « avancées visibles et palpables » en termes de… « reconstruction ».

DÉVELOPPEMENT A LA BASE

Le ministre de la Décentralisation qui est, par ailleurs, Président de l’ex-rébellion pro-rwandaise du RCD (Rassemblement Congolais pour la démocratie), a exhorté les participants à ce colloque à « capitaliser » les ressources dont regorgent cette région « en mettant en pratique la décentralisation ». Et d’inviter, au passage, les habitants de cette partie du pays à « faire plus » afin de « booster l’économie nationale ».

Communauté dite « Banyamulenge »

La Constitution congolaise promulguée le 18 février 2006, a opté pour la décentralisation comme mode de gestion des pouvoirs locaux. Objectif avoué: promouvoir le développement à partir de la base. Douze années après, on est loin du compte. Ces entités, très politisées, sont « infantilisées » par un gouvernement central de nature jacobine qui s’érige en « obstacle » à leur « libre administration ».

Depuis 2006, les élections locales sont sans cesse reportées. En attendant, le Président de la République nomme les autorités administratives des entités territoriales décentralisées. Le clientélisme tient lieu de critère de cooptation.

Au niveau du discours, le personnel politique convient que le développement doit être impulsé par les autorités de base. Problème, celles-ci ne disposent guère de moyens à fin. La conférence des gouverneurs organisée deux fois l’an est devenue une sorte de « Mur de lamentations » où les chefs des exécutifs des provinces les plus impécunieuses viennent égrener leurs doléances.

Avant le mois de décembre 2016, la « décentration » faisait partie des secteurs d’activités placés sous l’autorité du ministre de l’Intérieur, sécurité et affaires coutumières.

NARGUER L’OPINION CONGOLAISE

Lors de la nomination du gouvernement du Premier ministre Samy Badibanga Ntita, les observateurs ont été surpris de voir le très controversé Azarias Ruberwa à la tête d’un nouveau ministère taillé sur mesure. L’attribution du portefeuille de la « Décentralisation » à cet homme a été accueillie, à tort ou à raison, comme l’expression de la volonté de narguer l’opinion publique congolaise. Nombreux sont les Congolais qui reprochent à « Azarias » son manque de loyauté manifeste à l’égard de l’Etat congolais, sa patrie d’adoption.

Fin mai dernier, le gouverneur du Sud-Kivu, Théo Ngwabidje, avait écrit au ministre Ruberwa au sujet des portefeuilles ministériels (Justice et droits humains, Travail, prévoyance sociale et réconciliation et Fonction publique) réservés à des membres de la « communauté banyamulenge ». La seule communauté tribale non-répertoriée parmi les tribus et ethnies du pays.

Au moment où se tient ce séminaire, la localité de Minembwe, au Sud-Kivu, est à feu et à sang. Des membres des tribus autochtones s’y affronteraient avec des anciens réfugiés banyarwandas, rebaptisés « Banyamulenge ». La pomme de discorde tourne autour de la « terre ».

COMBATTRE LE « DIVISIONNISME »

Dans un précédent article, l’auteur de ces lignes avait relevé que Ruberwa n’a jamais raté l’occasion de bomber le torse en se présentant en défenseur des intérêts des « Tutsi congolais », alias « Banyamulenge ».

En parcourant le « programme du gouvernement » présenté en août dernier par le Premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba, on peut lire dans la sous-rubrique « Promotion de la réconciliation, de la cohésion et de l’unité nationale » qu’il faut combattre notamment le « divisionnisme ». Un vocable pour le moins étrange dans ce pays.

Juriste de formation, le « ministre d’Etat » Azarias Ruberwa parait bien incapable de citer les réformes réalisées au cours des trois dernières années de sa présence à la tête de cet important département.

Lundi 28 octobre à Goma, « Azarias » a prononcé un discours d’une banalité consternante. Le texte manquait de substance pour un tel événement.

 

Baudouin Amba Wetshi

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