Papy Ibula: « La coalition CACH-FCC est une association de malfaiteurs »

Archiviste de formation, Papy Ibula est un des communicants du parti ECIDé (Engagement pour la citoyenneté et le développement) que dirige Martin Fayulu, pour le Benelux. Il y milite depuis 2010. C’est depuis 2014 qu’il est devenu membre effectif. « Papy » analyse les arrêts de la Cour constitutionnelle invalidant plusieurs parlementaires appartenant à l’opposition en général et à la coalition politique « Lamuka » en particulier. Il analyse également la situation politique au Congo-Kinshasa. INTERVIEW.

Une question un peu provocatrice. Pourquoi avez-vous adhéré à l’ECIDé? Est-ce par conviction en des valeurs ou tout simplement parce qu’il s’agit d’un parti dirigé par Martin Fayulu Madidi un « congénère » du « Grand Bandundu »?

Vous n’allez pas me croire. Jusqu’au moment de l’éclatement de la polémique née à Genève sur le « candidat commun », j’ignorai que Martin Fayulu était natif de l’ex-Bandundu. Ce sont les valeurs qui m’ont attiré à l’ECIDé. J’ai été également attiré par la démarche du parti. A savoir qu’à l’ECIDé, il n’y a ni « président-fondateur » ni « autorité morale ». Les membres du parti sont tous partenaires. Fayulu est un camarade. Nous avons les mêmes droits et devoirs. En aucun cas, M. Fayulu peut se prévaloir que l’ECIDé lui appartient.

Quelles sont les valeurs qui vous ont attiré en particulier?

La première valeur c’est la « citoyenneté ». C’est-à-dire les rapports entre l’Etat et le citoyen. Dans le monde politique congolais, nous avons des gens qui portent des titres pompeux du genre « honorable » ou « excellence » mais qui n’incarnent aucune valeur. La jeunesse congolaise n’a pas de modèles. Des « criminels » se font passer pour des « excellences » et des « honorables » alors qu’ils n’ont rien d’excellent ou d’honorable. A l’ECIDé, nous voulons investir dans le capital humain. Notre pays est riche en potentialités. Sauf qu’il souffre d’un problème d’hommes. J’ai été choqué lorsque j’ai pris connaissance de la position adoptée par Elikya Mbokolo. Le pays n’a pas d’hommes d’Etat et l’état de l’homme est à déplorer.

Lorsqu’on parcourt la Convention signée le 27 avril dernier par les six leaders de la coalition « Lamuka », il n’y a aucune mention sur la « vérité des urnes ». Il est question de défendre la Constitution, promouvoir l’Etat de droit, lutter contre les antivaleurs et mobiliser la population à l’avènement de l’alternance. Fayulu continue à parler de « vérité des urnes ». N’est-il pas en retard d’un combat?

Non! Nous ne sommes pas en retard. L’axe « défendre la Constitution » renvoie à l’article 64 qui enjoint le citoyen congolais à barrer la route à tout individu ou groupe d’individus qui voudrait prendre le pouvoir par la force. Ce qui s’est passé après les élections du 30 décembre 2018 n’est ni plus ni moins qu’une prise du pouvoir par la force. De un. De deux, lorsqu’on parle de l’alternance, on ne peut pas laisser tomber le combat d’aujourd’hui pour défendre le futur. Les latinistes disent: « Qui amat bene castigat ». Traduction: Qui aime bien châtie bien. Nous aimons bien notre « frère » Felix. D’ailleurs nous l’appelons « frère ». Par contre, nous n’allons pas cautionner la tricherie. C’est tout simplement impensable!

N’avez-vous pas le sentiment d’être un peu esseulé dans ce combat de la « vérité des urnes » après le revirement de la communauté internationale et l’apathie de la population?

C’est connu, la vérité et la justice sont des valeurs peu populaires. Nous avons le peuple congolais avec nous. Par nous, j’entends la coalition « Lamuka ». Aujourd’hui, « Lamuka » est devenue un état d’esprit. Nous ne sommes pas seuls. Bien au contraire. Si nous étions seuls, la Cour constitutionnelle n’allait pas essayer de revenir sur l’invalidation des députés de Lamuka.

Où en est-on avec ces invalidations?

Avant d’en parler, je voudrais qu’on revienne sur le processus électoral.

On ne va pas refaire l’histoire…

Absolument pas! Derrière cette histoire, il y a des vérités qui sont cachées.

Lesquelles?

[Felix] Tshisekedi n’a jamais gagné l’élection présidentielle. Je suis archiviste, je sais de quoi je parle. Pour preuve, lors de la dernière marche des jeunes du PPRD, ses partenaires ont lancé: « Tshisekedi était troisième. Nous lui avons donné le pouvoir ».

« Nul n’est entendu invoquant ses propres turpitudes », disent les juristes…

Dans tout le cas, c’est ça la vérité. Regarder comment la Cour constitutionnelle est tombée si bas. C’est quoi donc une Cour où les juges refusent le recomptage des voix dans le contentieux de l’élection présidentielle mais peuvent le faire au niveau des législatives?

On parle de « recours en rectification d’erreurs matérielles »…

Sur quelles bases se fondent ces juges pour parler de ces « erreurs matérielles »? En droit, l’erreur matérielle se constate par des preuves. C’est ce que j’appelle les archives. Il est connu que la Commission électorale nationale indépendante et Nangaa ont détruit les archives. Quelle est la base à partir de laquelle la Cour a pu opérer des invalidations? Nous sommes dans un « Etat privatisé ». Les recours sont examinés légalement dans un délai de deux mois. Nous sommes au sixième mois. Comment expliquer que la haute Cour aille à l’encontre de la loi en invalidant des députés qui avaient déjà siégé depuis trois mois? Où étaient donc ces juges pendant tout ce temps?

Quels sont les motifs invoqués par les juges?

Ce n’est pas mon problème! Je constate que les juges ont agi sur recommandation du FCC. Je ne vois pas pourquoi on doit respecter les décisions de cette juridiction qui est elle-même inconstitutionnelle. Voilà pourquoi le peuple doit recourir à la désobéissance civique. Si cela ne marche pas, on appliquera l’article 64.

Cela fait longtemps qu’on brandit cet article 64 sans le moindre effet…

Ça va arriver! Le peuple se prépare. « Ça bouge » dans toutes nos grandes villes.

Les partis politiques n’ont-ils pas failli dans leur mission d’inculquer une « conscience politique » à la population?

Après la proclamation des résultats, le président Fayulu a effectué une tournée à travers le pays et à l’extérieur. Vous avez vu la mobilisation.

Quel en est le résultat?

Le résultat est aujourd’hui debout et éveillé. A titre d’exemple, toutes les erreurs commises par le Président actuel se retrouvent aussitôt sur la place publique. Le peuple congolais ne se comporte plus comme le peuple zaïrois à l’époque de Mobutu. Ce peuple-ci n’entend en aucun cas faire des « cadeaux » à Felix Tshisekedi.

Sans parti pris, quelle est votre lecture des cinq premiers mois du président Felix Tshisekedi à la tête de l’Etat?

Aujourd’hui le pays est tombé plus bas qu’à l’époque du Zaïre autant qu’à celle de la « Kabilie ».

Un exemple?

Le tout premier exemple c’est la lettre par laquelle le Président de la République demande l’adhésion du Congo-Kinshasa à la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Est.

Qu’aurait-il dû faire?

Cette lettre n’a pas été rédigée selon les pratiques administratives et diplomatiques. Un chef de l’Etat ne peut pas signer un courrier truffé des coquilles et des graves fautes d’orthographe. Ces lacunes remettent en question l’institution Président de la République.

Autre exemple?

Je suis d’avis que l’épithète « inconscient » utilisé par le député national Charles Nawej a été bien choisie. Et ce en dépit du fait que le locuteur a fini par se rétracter. Le sénateur Modeste Mutinga a été le premier à parler de « la République des inconscients ». C’est le titre de son ouvrage publié sous le pouvoir précédent.

Mutinga ne visait personne en particulier

Il visait en premier lieu le Président de la République. Je tiens à rappeler que Mutinga est membre du FCC. Ce que Nawej a dit ne fait que confirmer les dires du « prétendu Président « actuel qui avait clamé qu’il a été envoûté à Genève. Et qu’il avait signé les actes de Genève non pas en âme et conscience mais en inconscience. Lors de son investiture, le Président a marmonné des mots incompréhensibles. Personne n’a daigné expliquer à l’opinion ce qui s’était passé.

« Felix » avait eu ce que les médecins appellent un « malaise vagal ». Ce malaise aurait été provoqué par son gilet pare-balles…

Personne n’a expliqué cela à l’opinion. Il n’est pas le premier à porter un gilet pare-balles. Là aussi, c’était de l’inconscience. Il va au Rwanda, il dit des choses…

Qu’a-t-il dit au Rwanda?

Il a dit que les violences qui ont eu lieu au Congo n’étaient que des « effets collatéraux ». Il est tout à fait inconscient! Lorsque l’inconscience a élu domicile au sommet de l’Etat, il n’y a plus de mauvaises troupes. Il n’y a plus que de mauvais chef. La nation est danger. Nous devons tenir bon pour sauver ce pays. Il s’agit aussi de sauver Felix Tshisekedi qui se trouve dans une prison à ciel ouvert. Comment peut-on expliquer qu’un Président qui a hérité d’un pays comme celui-là soit toujours entre deux avions?

Un prisonnier ne voyage pas…

C’est une prison à ciel ouvert! Il peut circuler. Il est peut-être contrôlé dans les airs…

Que pensez-vous de l’absence de gouvernement de plein exercice, cinq mois après l’investiture du successeur de « Joseph Kabila »?

La coalition FCC-CACH n’est pas un conglomérat d’aventuriers. C’est une association de malfaiteurs. Tshisekedi et Kabila n’avaient aucun mandat du peuple pour signer un accord sur le Congo. Felix Tshisekedi n’était que président de l’UDPS. Kabila n’était que l’autorité morale du FCC. C’est une escroquerie.

Il faut bien reconnaître que c’est Felix Tshisekedi qui exerce aujourd’hui l’effectivité du pouvoir…

Il exerce l’effectivité du pouvoir en tant que « criminel ».

Un « criminel » qui jouit de la reconnaissance de la « communauté internationale »…

Oui! Quand on voit les moyens que la Monusco met au Congo, on se dit que le Congo fait face à un complot international. Deux experts onusiens ont été tués en mars 2017. Où en est-on?

Quelles sont les éléments en votre possession à ce sujet?

Les officiels congolais savent ce qu’ils ont fait.

Qui sont ces officiels?

C’est Kabila ou la « Kabilie » qui pourrait nous dire les circonstances exactes de la mort de ces experts.

Etes-vous en train de dire que les Nations Unies savent qui a tué ces deux fonctionnaires ?

Non-seulement qu’elles savent mais elles continuent à coopérer. Tout a été planifié pour brouiller les pistes. La mort de ces experts est dans la même logique que celle de Floribert Chebeya et Fidèle Bazana.

C’est n’est pas le sujet…

Les deux experts onusiens cherchaient à faire éclater la vérité sur les crimes commis par des agents publics au Kasaï dans l’affaire « Kamuina Nsapu ». Il fallait les faire taire…

Martin Fayulu a eu un entretien avec un journaliste du quotidien parisien « Le Monde ». Cet entretien fait débat. Qu’en pensez-vous?

Je pense que le journaliste du « Monde » n’a pas été honnête avec lui-même.

En quoi faisant?

Lorsqu’on  lit son « papier », on sent qu’il était venu chez Fayulu avec des idées préconçues. Il avait une mission précise. Cette mission consiste à détruite la coalition « Lamuka » et à  vilipender Martin Fayulu sur le plan international.

Dans sa narration, le journaliste a rapporté les propos tenus par Fayulu. A titre d’exemple, Fayulu aurait traité le ministre français des Affaires étrangères Yves Le Drian de « guignol ». L’ambassadeur américain aurait été qualifié d’ « agent de marketing de Felix Tshisekedi ». Ces déclarations sont-elles vraies ou fausses?

Vous êtes journaliste. Je peux vous faire des confidences. Les non-dits.

Vous êtes du monde médiatique. Vous savez bien qu’un journaliste n’est ni un ami ni un ennemi. Il rapporte ce qu’il a entendu…

Ce qui a été écrit n’engage que ce journaliste. Je ne pense pas que Martin Fayulu ait pu traiter ces messieurs avec les mots utilisés par ce journaliste.

Fayulu n’a pas démenti les propos qui lui ont été attribués. Il s’est contenté de rétorquer qu’il n’avait pas accordé d’interview et qu’il s’agissait d’une conversation à bâtons rompus. N’est-ce pas un aveu implicite?

Absolument pas! Martin Fayulu a voulu simplement dire qu’il n’a pas accordé d’interview. D’ailleurs un communiqué sera publié à ce sujet. « Lorsque les prémices sont fausses, les conclusions sont tout aussi fausses », dit-on en philosophie.

Comment se porte la coalition « Lamuka »?

Elle se porte bien. Très bien.

Dans le communiqué publié le 14 juin dernier par Martin Fayulu, le nom d’Antipas Mbusa a été pourtant omis…

L’erreur est humaine. Tout le monde peut se tromper. Je tiens à dire que dans la coalition « Lamuka », il y a le peuple congolais qui est oublié. Nous devons savoir que cette organisation a été mise en place à la demande du peuple congolais.

Par quel mécanisme cette demande a-t-elle été formulée?

Le peuple congolais avait demandé à l’opposition de lui présenter un « candidat commun ». Aujourd’hui, Lamuka est un patrimoine du peuple congolais. C’est le peuple qui a désavoué Kabila.

Ce sont les leaders qui doivent montrer le chemin…

Effectivement! Le peuple, lui, doit contrôler les leaders. Aujourd’hui, le peuple congolais peut sanctionner n’importe quel leader de Lamuka qui oserait aller à l’encontre de sa logique à lui.

L’élection présidentielle prochaine n’aura lieu qu’en 2023…

Le peuple a d’autres moyens…

Quoi par exemple?

Il y a des gens que nous avons connu jadis qui sont aujourd’hui « politiquement morts »…

 

Propos recueillis par Baudouin Amba Wetshi

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