Perspectives et relance de l’économie congolaise après la crise sanitaire

Depuis quelques semaines, les économistes, toutes obédiences confondues (libéraux, étatistes) et responsables politiques se penchent sur l’avenir de l’économie mondiale; Ils se posent la question fondamentale qui consiste à savoir comment faire repartir l’activité économique? Quelle est la politique de relance efficace qui serait adaptée aux réalités de chaque pays? La République Démocratique du Congo qui est l’objet de cette tribune n’échappe pas à la réflexion sur son avenir après cette crise sanitaire qui veut que toutes les cartes soient rebattues. Il n’est pas nécessaire ici de revenir sur la structure de notre économie dont on sait qu’elle est fondamentalement rentière et surtout extravertie. Quelques chiffres pour planter le décor: La RDC consomme à peu près 80% de ce qu’elle ne produit pas, le même ordre de grandeur en ce qui concerne ses exportations (secteur minier). Il convient de signaler la chute des exportations de nos matières premières, notre principale pourvoyeuses de recette budgétaire. Cette chute est la conséquence de l’arrêt de l’économie chinoise, la Chine étant notre premier client (30%) de notre production minière. Cette situation entraîne ipso facto la rupture de la chaîne de production, donc l’arrêt quasi automatique de nos exportations. Ce goulot d’étranglement a en définitive rendu obsolète toutes les projections aussi bien sur le taux de croissance que sur les prévisions budgétaires, (taux croissance arrêté au départ 5,5%, récession estimée à plus au moins 1,5 à 2%) par rapport à l’année passée à la même période. La stabilité du cadre macroéconomique n’a pas tenu, le franc congolais a été la première victime de cette crise, il n’a pas tenu le choc compte tenu du caractère seigneuriage du dollar en RDC. La dollarisation de notre économie produit des effets néfastes sur la structure de prix sur marché de biens et services. Le dévissement du Franc congolais a entraîné une augmentation vertigineuse de prix des produits de consommation courante, aggravant par la même occasion le vécu quotidien de la population déjà éprouvée par la misère. Pour ce qui est du budget de 11 milliards $ voté pour l’exercice en cours, il était déjà irréaliste, aujourd’hui il est prévu un nouveau collectif budgétaire pour répondre aux exigences de FMI qui a soumis la RDC à une gestion sur base caisse. Donc, il est interdit au gouvernement de recourir aux avances sur recettes auprès de la banque centrale encore moins de faire tourner la planche à billet.

Que faire immédiatement après la crise pour relancer notre économie? Cette question lancinante est je l’espère, la préoccupation des autorités tant politique qu’économique de notre pays.

Il est évident qu’il faut combattre la corruption pour permettre la mobilisation de peu de ressources financières dont dispose le pays. Comme la diversification de notre économie n’est pas pour demain, et que la transformation de nos matières premières pour créer de la valeur ajoutée va demander du temps, il nous faut exploiter au maximum les autres atouts, car, notre marge de manœuvre est très limitée. Le Congo n’a pas accès directement au flux du système financier international, il peut certes, de temps en temps émettre de bons de trésor pour renflouer et pallier à l’insuffisance de recette, mais cette solution n’est qu’un palliatif compte tenu de l’étroitesse et de l’insuffisance de l’épargne dans le pays.

La première préconisation est d’ordre fiscal. En attendant la mise en place d’une reforme globale de la fiscalité en RDC, (TVA sur les produits importés, Impôt sur les revenues, les bénéfices, le capital, élargissement de l’assiette fiscale etc…), le parlement peut déjà introduire un taux d’imposition marginal sur certains revenus, c’est-à-dire qu’au-delà d’un certain seuil, on applique un pourcentage pour de raison d’équité et de justice sociale. Il y a aussi ce serpent de mer qui est la diminution de train vie de l’Etat. Les institutions budgétivores et pléthoriques qui n’ont aucune efficacité consomment les ¾ du budget, c’est tout simplement criminel.

La relance par la consommation n’est pas envisageable pour des raisons évoquées ci-haut. La politique budgétaire et monétaire étant soumise aux contraintes et conditions draconiennes édictées par le FMI, on ne peut pas non plus envisager l’augmentation ou l’accroissement de la masse monétaire par l’achat de titre par la banque centrale sur le marché comme cela se fait actuellement en Europe et aux Etats Unis, ou même recourir à l’hélicoptère monnaie cher à l’économiste américain Milton Friedman pour des raisons évidentes. Que reste-t-il donc pour la relance dans un pays comme RDC?

Il faut une voie endogène, c’est à dire miser sur la théorie des avantages comparatifs basés sur les produits à forte intensité de main d’œuvre pour relancer l’économie congolaise. (Le tourisme, la pêche, l’agriculture etc…). Mais pour y arriver, il faut construire les infrastructures routières et de communication pour permettre l’évacuation des produits vers les centres de consommation. L’électrification du pays est indispensable pour la transformation de nos matières premières. Ceux qui évoquent la malédiction des matières premières n’ont pas raison même si cela ne favorise pas l’investissement direct étranger. Il est vrai que les détenteurs des capitaux sont séduits par les pays qui produisent les articles manufacturés, ils misent sur les nouvelles technologies, les numériques.

L’exemple de l’Éthiopie et de l’Egypte est éloquent de ce point de vue. Certain pays du sud-est asiatique et de l’Afrique du nord comme le Maroc ont bénéficié du transfert de technologie à la suite de la volonté des occidentaux de diminuer leurs coûts de production contrairement aux pays Africains au sud du Sahara.

L’avenir du Congo dépend des réflexions des uns et autres. Merci à tous pour l’attention que vous voudrez bien accorder à cette tribune.

Par Okitapoy Longa Mboyo, économiste

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