Poignée de mains Wilmès-Tshisekedi: Un air de retrouvailles belgo-congolaises. Mais…

Dix ans après le Premier ministre Yves Leterme qui avait accompagné le roi Albert II et la reine Paola lors de la commémoration du 50ème anniversaire de la proclamation de l’indépendance du Congo, un chef du gouvernement belge – en affaires courantes – a foulé à nouveau le sol congolais le mercredi 5 février. La libérale francophone (MR) Sophie Wilmès est accompagnée du libéral flamand (Open VLD) Alexander De Croo (vice-Premier ministre chargé de la Coopération au développement) et du démocrate-chrétien flamand (VLD) Peter De Crem (Intérieur et Commerce extérieur). A peine arrivés, les officiels belges ont dû constater que le peuple congolais piaffe d’impatience. En cause, l’incapacité du président Felix Tshisekedi à confronter ses discours aux actes. La coalition Fcc-Cach s’est muée en une force d’inertie.

« La population congolaise commence à s’impatienter devant le manque de résultats du nouveau Président ». C’est le commentaire fait, mercredi 6 février, par le journaliste François de Brigode au JT de 19h30 de la RTBF  en guise d’introduction au reportage sur la visite de Sophie Wilmès à Kinshasa et Lubumbashi. Dans le quotidien bruxellois « Le Soir » daté du même jour, le vice-Premier ministre Alexander De Croo – féru du parler vrai – va plus loin: « Le président Tshisekedi dit des choses intéressantes, il a des plans ambitieux. En cette année 2020, il faudra qu’il passe des paroles aux actes ».

Mercredi 6 février, la Première ministre belge Sophie Wilmès a été reçue officiellement au Palais de la nation par le président Felix Tshisekedi Tshilombo. Cette rencontre « constitue un signal fort et augure d’une nouvelle ère dans l’histoire commune entre Kinshasa et Bruxelles », a-t-elle déclaré à la presse. Selon elle, « le Royaume de Belgique souscrit aux ambitions développés par le Président congolais de voir la Belgique occuper de nouveau sa position de partenaire de choix dans le développement national ».

Dans sa déclaration à la presse, la « Première » Wilmès n’avait pas manqué de souligner que la Belgique « serait ravie » de partager son « savoir-faire » avec le Congo-Kinshasa notamment en matière de formation dans le domaine militaire. Sans oublier les renseignements et la coopération au développement. A la condition, bien entendu, qu’une demande soit formulée par les autorités congolaises.

« LA BELGIQUE EST MON AUTRE CONGO »

Dans une interview qu’il avait accordée à TV5 Monde, le 22 septembre 2019, Felix Tshisekedi – qui a passé plus de trente années de sa vie en Belgique – n’avait pas hésité de clamer son attachement au pays du Roi Philippe. « Je suis arrivé en Belgique en 1985 à l’âge de 21 ans », résumait-il avant d’ajouter: « La Belgique est mon autre Congo ». Ajoutant: « Sous ma présidence, je ne voudrai pas de tension avec la Belgique ». Un avis que son « partenaire »  du Fcc « Joseph Kabila » est loin de partager. Et pour cause?

L’ex-président congolais a gardé une dent contre l’ex-puissance coloniale. Pour lui, le Royaume a joué un rôle de premier dans l’isolement diplomatique de son régime au niveau du monde occidental en général et de l’Union européenne en particulier. L’homme et ses partisans n’ont jamais digéré les « mesures restrictives » infligées par l’UE à quelques caciques de sa mouvance.

Pour mémoire, deux ministres belges n’avaient pas attendu 2016 pour commencer à tirer la sonnette d’alarme face à l’autoritarisme du successeur de Mze Kabila.

En mars 2007, Karl De Gucht, alors chef de la diplomatie belge avait eu ces mots: « L’évolution qu’on constate est inquiétante pour la démocratie ». C’était au lendemain du massacre des adeptes du mouvement politico-religieux Bundu dia Kongo mené par le « bataillon Simba » commandé par John Numbi Banza et Raüs Chalwe Ngwashi. Une « tuerie » suivie par des affrontements en plein centre de la capitale entre la garde prétorienne de « Kabila » et les soldats affectés à la protection rapprochée de Jean-Pierre Bemba Gombo, « candidat malheureux » à la présidentielle de 2006.

Alexander De Croo, ministre de la Coopération, a été le second homme politique du Royaume à donner de la voix: « Nous ne pouvons pas accepter le statu quo des dernières semaines en RDC. Nous ne pouvons pas accepter les arrestations aléatoires, le blocage d’Internet et des communications numériques, l’instrumentalisation de la justice etc. »

« KABILA » DÉTIENT TOUJOURS L’IMPERIUM

Depuis son investiture à la tête de l’Etat, Felix Tshisekedi a réussi à apaiser les rapports entre le Congo-Kinshasa et la Belgique. Il a détricoté une série de mesures dites de « rétorsion » instaurées par son prédécesseur. C’est le cas notamment de la réduction du nombre de vols de la compagnie aérienne Brussels Airlines, la fermeture de la « Maison Schengen » et du consul général de Belgique à Lubumbashi .

« Joseph Kabila » lors d’une conférence de presse en janvier 2018

Ces changements ont dû réjouir très modérément « Kabila » et ses janissaires pour les raisons précitées. Contrairement à « Felix », le sénateur à vie – qui n’a foulé le sol zaïro-congolais qu’en octobre 2016 lors de la guerre dite des « Banyamulenge » – n’a aucune attache psychologique avec la Belgique. Encore moins avec l’ex-Zaïre dont le progrès socio-économique n’a jamais fait partie de ses priorités.

En dix-huit années de pouvoir, l’homme n’a laissé aucun souvenir impérissable. Sauf 18 millions d’adultes congolais qui ne savaient ni lire ni écrire en 2016.

N’en déplaise à « Kabila », nombreux sont les compatriotes du Roi Philippe qui estiment que « la Belgique est historiquement chez elle au Zaïre ». Cette phrase – qui pourrait faire grincer les dents des « nationalistes -souverainistes » autoproclamés qui entourent l’ex-président congolais – aurait été prononcée en 1977 par le démocrate-chrétien flamand Renaat Van Eslande, alors chef de la diplomatie belge. Nostalgie coloniale? 

A Kinshasa, les officiels belges n’ont pas manqué de constater que le président « Fatshi » est un homme sincère et animé de bonnes intentions mais détenant uniquement l’apparence du pouvoir.  L’imperium. lui, est et reste entre les mains de « Joseph Kabila » et ses « hommes ». Le véritable pouvoir se trouve entre leurs mains (Parlement, finances, armée, police, services de renseignements civils et militaires, justice, Banque centrale, Douanes, régies financières etc.). Aussi, aucune réforme de nature à « déboulonner » le système mafieux mis en place ne pourrait-elle réussir sans eux ou contre eux.

Depuis le 24 janvier 2019, « Fatshi » donne chaque jour l’impression de marcher sur les œufs. L’homme paraît tiraillé entre deux forces antinomiques. D’un côté, ses alliés de la mouvance kabiliste décidés à l’empêcher de réussir là où ils ont failli lamentablement au plan politique et socio-économique. De l’autre, les chancelleries occidentales – l’Administration US en tête – qui le pressent de « passer à l’action » en matérialisant ses promesses en matière notamment de la lutte contre la corruption et l’impunité. Il en est de même de l’instauration de l’Etat de droit.

La Première ministre est attendue vendredi à Lubumbashi où elle va procéder à la réouverture officielle du consulat général de Belgique pour le « Grand Katanga ». Sophie Wilmès qui a confié au « Soir » l’arrivée, en mars prochain, d’une mission économique belge devrait reprendre son avion dans la soirée. On peut gager que la Première ministre et sa délégation vont emporter une impression teintée de perplexité…

 

Baudouin Amba Wetshi

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