Presse congolaise: Journaliste ou propagandiste?

Le métier de journaliste consiste à informer. C’est quoi donc l’information? Il s’agit de rapporter des faits et des opinions à un public. Trouver l’information, la vérifier et la recouper. C’est la démarche quotidienne de tout journaliste. Inutile de dire que le journaliste n’est pas là pour donner son avis personnel. Le public attend des faits. Rien que des faits.

En France et en Belgique, la carte de journaliste professionnel n’est pas délivrée à n’importe quel quidam qui travaille dans une entreprise de presse. Dans ces pays, l’impétrant doit prouver qu’il tire plus de 51% de ses revenus de l’exercice du métier de journaliste. L’enjeu ici, c’est bien l’indépendance du journaliste.

Dans un sondage d’opinion publié dans les années 80 en France, les journalistes étaient classés immédiatement après les prostituées. Quelle infamie! La raison est simple: l’indépendance du journaliste parait chaque jour menacée par les contraintes économiques. Peut-on garder intact sa « liberté d’écrire » tout en recevant des « cadeaux » de la part d’opérateurs politiques et économiques? « Le journalisme, c’est à la fois le contact et la distance », a pu dire Hubert Beuve-Méry, le fondateur du quotidien français « Le Monde ». « Le journaliste doit fréquenter tout le monde. Mais il ne doit être l’ami de personne », écrivait, pour sa part, Pierre Viansson-Ponté.

Gaby Kuba, président de l’Union nationale de la presse du Congo

Dans un communiqué publié jeudi 5 août, le président de l’Union nationale de la presse au Congo (UNPC) lance une mise en garde. Gaby Kuba annonce que cette corporation n’hésitera pas, à l’avenir, à retirer la carte de presse à tout journaliste qui se comporte en « mercenaire » en confondant (c’est nous qui le soulignons) l’exercice du métier de journaliste à celui de propagandiste ou d’agent publicitaire.

D’après Kuba, l’UNPC est « préoccupée » par la montée en puissance de « l’activisme politique » au sein du monde congolais de la presse. Pour contourner les devoirs contenus dans la déontologie, certains journalistes s’affublent de la « casquette d’analyste politique » pour dissimuler leur connivence avec certains clans politiques.

Gaby Kuba a prévenu que l’UNPC « ne défendra et ne soutiendra aucun journaliste qui se comportera en militant d’un parti politique et qui aurait des démêlés avec la justice ou des ennuis avec des tiers ». Il a conclu son communiqué en exhortant tous les journalistes à observer de manière stricte le Code d’éthique et de déontologie. Sans omettre de respecter les lois du pays.

Les téléspectateurs de « Bosolo TV » ont suivi, vendredi 30 juillet dernier, l’artiste-musicien Antoine Agbepa, alias Kofi Olomide. Répondant aux questions de l’animateur Israël Mutombo, le célèbre chanteur s’est mis à distribuer des « bons » et « mauvais » points avec la désinvolture qui le caractérise. Le bilan à mi-mandat du président Felix Tshisekedi? « Je suis insatisfait, mais je lui accorde encore une chance ». L’indemnité de pension de « Joseph Kabila » est impayée depuis six mois? ‘L’ancien président reçoit 680.000 $ à ne rien faire pour les Congolais. Il devrait se contenter de 68.000 $ ». Les déclarations de l’ex-première dame, Marie Olive Lembe, demandant au président Tshisekedi de jeter un œil sur l’existence d’une « justice à deux vitesses »? « Olive Lembe est mal placée pour parler de la justice ».

On apprendra le lendemain samedi 31 juillet que la prestation médiatique de Kofi a été appréciée très modérément au sein du « clan Kabila ». Des « petits soldats » de l’ex-raïs seraient vent debout contre Olomide.

Dans son émission « Club 50 » du samedi 31 juillet, Jean-Marie Kassamba recevait plusieurs journalistes dont Jean-Pierre Kayembe, animateur du média « Non à la Balkanisation ». L’homme n’a jamais fait mystère de son appartenance au « club » des « caudataires » du couple « Kabila ».

Jean-Pierre Kayembe

Jean-Pierre Kayembe qui est journaliste, mais pas trop, abandonna sa casquette de « chevalier de la plume » – dont la mission consiste à défendre l’intérêt général – pour enfiler celle de propagandiste. La prestation de Kofi est devenue une affaire personnelle. Il tonne: « Kofi a franchi le rubicond ». Il ajoute: « J’ai été choqué ». Est-ce bien un journaliste qui parle? Hélas, oui! Kayembe de poursuivre: « Les propos de Kofi ont été orduriers et irrévérencieux en parlant de l’épouse de l’ancien président ». « Si j’étais le conseil de Madame Kabila je lui conseillerais de porter plainte ». C’est clair, Kayembe est un militant politique. Il défend les intérêts particuliers de Monsieur et Madame « Kabila ». Le titre de journaliste lui sert simplement de « masque ».

C’est le lieu de saluer le « recadrage » d’Israël Mutala, directeur du site d’information « 7sur7.CD ». Tout en condamnant les propos de Kofi à l’encontre de « Mama Olive », ce confrère a eu ces mots: « Je ne comprends pas que les journalistes prennent le défense d’Olive Lembe alors qu’elle a un service de communication ». Pour Mutala, il s’agit d’une dérive. Un « mélange de genre » que les journalistes devraient éviter.

Chacun a le droit d’aimer ou de ne pas aimer Tryphon Kin-Kiey Mulumba. L’homme est et reste un modèle de référence dans le monde zaïro-congolais de la presse. Il y a trente ans, il avait vu juste en écrivant notamment: « En 1992, la presse majoritaire [au Zaïre] était de type alimentaire ». C’était dans « Le Soft » daté du 1er septembre 1992.

A l’époque, « KKM », comme ses proches l’appellent affectueusement, fustigeait déjà le fameux « coupage », cette « enveloppe » devenue légendaire pour « motiver » les journalistes venus couvrir un événement. Trente années après, la situation du journaliste congolais n’a pas connu de véritable embellie.

Il faut espérer que le président de l’UNPC ira au-delà d’un simple effet d’annonce en séparant le bon grain de l’ivraie. Il s’agit de retirer effectivement la carte de presse à tous les propagandistes et autres « mercenaires de la plume et du micro » déguisés en journalistes.

 

Baudouin Amba Wetshi

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