Presse kinoise: Qui a soudoyé qui?

Dans sa chronique quotidienne « Critik Infos » du samedi 3 avril, le chroniqueur kinois Christian Bosembe a fait une annonce aux allures de dénonciation: « Il y a un Monsieur qui a donné de l’argent à des gens pour saper les actions du Président de la République ». Une déclaration gravissime faite, il faut bien l’avouer, avec un brin de légèreté. Quelle est la part du vrai et du fantasme?

A en croire Bosembe, les « gens » dont question auraient perçu respectivement 5.000, 6.000 et 9.000 $. Il avait décliné l’offre. Mission: ternir l’image de Felix Tshisekedi. « Quelqu’un » a donc payé des « mercenaires de la plume » pour fouiller les poubelles afin de présenter le pouvoir de « Felix » sous son plus mauvais jour. « Ne vous étonnez pas de les entendre sortir des scandales », a précisé ce confrère qui n’a jamais fait mystère de ses convictions autant que de ses sympathies.

Qui est le fameux « financier »? Qui sont les « gens » qui auraient été soudoyés? Christian ne cite aucun nom.

Dans ce Congo-Kinshasa où les « journalistes », dans leur grande majorité, n’ont cure de la déontologie, certains « blogueurs », sans foi ni loi, se sont précipités à égrener des noms. Quid de la déontologie qui interdit au journaliste de verser dans la calomnie et la diffamation? Que dire de la même déontologie qui enjoint au journaliste de « ne jamais confondre » son métier « avec celui de publicitaire ou de propagandiste »?

Il importe d’ouvrir une parenthèse ici. Un journaliste est avant tout un être humain fait de chair et de sang. En tant que citoyen, il a le droit d’avoir des opinions personnelles. Il a aussi le droit d’éprouver de la sympathie ou de l’antipathie vis-à-vis de telle idéologie ou de telle autre. Dans les réunions des partis politiques en Occident, il n’est pas rare de croiser quelques vedettes des médias. Dès que ceux-ci franchissent la porte conduisant à leurs rédactions respectives, ils mettent en sourdine leur préférence. Ils sont au service de l’intérêt général. Fermons la parenthèse.

En décryptant les propos du chroniqueur de « Critik Infos », l’Union Sacré de la Nation présente tout le relief d’un panier à crabes. Un panier à crabes truffé de quelques « conspirateurs » décidés à participer au gouvernement Sama Lukonde tout en torpillant les actions de « Fatshi ». D’aucuns pourraient crier au « conspirationnisme ». Et pourquoi pas?

Quatre mois après l’allocution du président Felix Tshisekedi Tshilombo du 6 décembre 2020 – saluée quasi-unanimement – annonçant la fin de la coalition Fcc-Cach, le Congo-Kinshasa paraît embourbé dans un immobilisme qui ne dit pas son nom.

Nommé le 15 février dernier, le Premier ministre Jean-Michel Sama Lukonde Kyenge peine à boucler la formation du gouvernement. Et ce près d’un mois après la rentrée parlementaire. La cause profonde de ce « blocage » est inconnue de l’opinion. Là où le bât blesse est qu’en dépit de sa relative jeunesse, le successeur de Sylvestre Ilunga Ilunkamba parait « allergique » à l’exercice constant du « ministère de la parole » pour fixer l’opinion sur les difficultés rencontrées. Gouverner consiste non seulement à résoudre les problèmes collectifs mais aussi à expliquer et à justifier.

Il est temps que nos gouvernants se comportent en « serviteur ».

Pendant que le « Premier » se tait dans toutes les langues, le débat politico-médiatique, lui, vole au ras des pâquerettes. Il suffit de visionner les émissions diffusées sur YouTube pour s’en convaincre. On n’apprend pas grand-chose. Sauf que tel journaliste possède tel diplôme ou il sert de « tam-tam » (propagandiste) à tel politicien ou tel autre.

On le voit, l’ambiance irrespirable qui règne au sein du landernau politique congolais commence à déteindre sur le monde de la presse.

Après 25 années de monopartisme (1965-1990), le président Mobutu a décidé de restaurer le pluralisme idéologique dans son discours du 24 avril 1990. On a assisté à un défoulement après plus de deux décennies de ballonnement. Chaque dignitaire de l’ancien régime devint aussitôt patron de presse.

C’est connu, un journal est vendu deux fois. La vente au numéro est fait généralement à perte. Ce sont les annonceurs qui procurent aux médias les ressources essentielles. Au Congo-Kinshasa, la manne publicitaire est dérisoire. Celle-ci est remplacée par des financiers occultes. La déontologie journaliste avait compris le danger en avertissant les journalistes « de n’accepter aucune consigne directe ou indirecte des annonceurs ».

Le journaliste congolais est un homme qui a faim. Son métier ne fait pas « bouillir la marmite ». Il a compris que pour « manger », il doit exceller dans l’exhibition de la « danse du ventre ». Les masques ne tarderont pas à tomber…

 

Baudouin Amba Wetshi

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